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des Hautes et Basses Alpes, disait en mars 1909, dans le BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DES AMIS DES ARBRES, que, sur 327 000 hectares de forêts tant communales que particulières et de périmètres de reboisement, il y a six à sept cent mille hectares de pâturages, landes et rochers appartenant presque tous aux communes et dont plus de 300 000 devraient, au point de vue des eaux, du sol et du climat, être reboisés. Et d'après cet éminent forestier, ce reboisement pourrait se faire sans frais et de lui-même par le seul fait, non pas de la suppression mais d'une sage réglementation des pâturages. Les graines tombant des arbres, des forêts actuellement existantes suffiraient à la tâche.

En ce qui concerne les Pyrénées, M. le comte de Roquette-Buisson, ancien préfet, ancien trésorierpayeur général et, comme nous l'avons dit, membre de l'Association pour l'Aménagement des Montagnes, a, dans une brochure très documentée (1), retracé l'historique des dévastations subies, principalement à partir de l'an 1599 jusqu'à la fin du XIXe siècle (1897 ?). Une période de calme, de tranquillité forestière, au moins relative, s'était réalisée du commencement du xi (1212), jusqu'à la fin du xvIe siècle; or, dans cette période de 387 ans, près de quatre siècles, il y a eu seulement neuf inondations, espacées moyennement entre elles de 48 à 49 ans : 1212, 1281, 1310, 1413, 1423, 1436, 1515, 1537, 1599. Ensuite, de 1599 à 1897 - et l'auteur décrit, avec détails et preuves à l'appui, les ravages et les dévastations dont les forêts pyrénéennes ont été victimes durant ces trois siècles on a compté 21 inondations (2), espacées entre elles de 14 ans en moyenne. Ce rapprochement n'est-il pas significatif?

(1) Le déboisement des Pyrénées, cité plus haut.

(2) Les dates des inondations signalées sont les suivantes: 1613, 1636, 1649, 1653, 1667, 1678, 1727, 1743, 1750, 1759, 1770, 1771, 1772, 1790, 1810, 1814, 1827, 1835, 1856, 1875 et 1897.

Plus loin, à l'appui de ce paradoxe que la situation forestière en France est, à peu près partout, en état parfaitement normal et satisfaisant, on invoque la différence de constitution géologique des sols. Si les Vosges, le Morvan, les Maures et l'Esterel, la Corse sont très boisés, c'est que ces contrées reposent sur des terrains cristallins et granitiques; si les crètes et les versants du Jura sont également couverts d'opulentes forêts, ils le doivent aux calcaires à gros éléments dont ils sont formés. Les régions des Alpes, où l'on ne trouve que peu ou point de forêts, sont composées des calcaires dolomitiques et compacts du trias, des calcaires blancs et durs de l'urgonien, des marnes noires de l'oxfordien, etc.; de là l'absence de végétation arborescente. Pourquoi, observe-t-on, en Haute-Savoie, des bords est du Léman à la pointe sud du lac d'Annecy, une végétation «< insurpassable » tant au point de vue des forêts qu'à celui des pâturages? c'est parce que cette région est un épanouissement du Flysch, « le plus fertile des sédiments alpins ».

Continuant cette énumération, l'auteur trouve sur tous les points de la France, en plaine comme en montagne, la justification de sa théorie.

Il est indéniable que la constitution minéralogique des terrains a une influence sur la végétation, comme aussi l'altitude. Mais de là à cette affirmation tranchée que la situation forestière d'une région est fonction de ces deux éléments et d'eux seuls, il y a fort loin. La flore d'une contrée, c'est élémentaire, varie avec les altitudes, aussi bien pour les végétaux ligneux que pour les plantes herbacées et intermédiaires. Sous une même latitude, la composition des essences d'une forêt sera toute différente à 1300 ou 1500 mètres de ce qu'elle sera au niveau de la mer; et à même altitude elle différera, bien que d'une manière moins sensible, suivant que le sol sera à base de silice, d'argile ou de

calcaire. Mais partout où existe une couche de terre végétale, si mince soit-elle, les arbres savent s'implanter sur elle.

L'aridité de certains terrains a pu faciliter le déboisement d'un trop grand nombre de crêtes et de versants. Il n'en est pas moins constant qu'ils ont été boisés autrefois. Tous les auteurs qui ont approfondi la question, depuis Jules César, Ammien Marcellin, Pline l'ancien, etc, (1), jusqu'à Alfred Maury, sans parler des auteurs contemporains (2), sont d'accord pour reconnaître que le territoire de la France a été autrefois incomparablement plus boisé qu'il ne l'est aujourd'hui. Les forêts de la Gaule et de l'ancienne France s'étendaient aussi bien sur les calcaires dolomitiques du trias, les durs calcaires de l'urgonien, les marnes oxfordiennes et les dalles du crétacé supérieur, que sur les terrains cristallins, granitiques, schistes lustrés et flysch.

Tout cet étalage d'érudition géologique est de nature à jeter de la poudre aux yeux, mais ne saurait prévaloir contre le fait; et le fait historiquement établi, c'est que l'ancienne Gaule n'était, sur plus de moitié de son territoire, qu'une vaste forêt (3); le fait, c'est qu'à

(1) Histoire des grandes forêts de la Gaule et de l'ancienne France, 1850. Paris, Leleux.

(2) Montalembert, Les moines d'Occident, t. II, liv. VIII. Les moines dans les forêts. Alexandre Surell et Ernest Cézanne, Étude sur les torrents des Alpes, 2e édition, 1870; Paris, Dunod. - Charles de Ribbe, La Provence au point de vue des bois, des torrents et des inondations, 1857; Paris, Guillaumin. — G. Huffel, Économie forestière, t. I, 4me Étude, chap. II; t. III, 9me Étude, chap. I à IV, 1904 et 1907; Paris, Lucien Laveur. Ch. Broilliard, nombreux articles dans diverses revues, etc.

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(3) La forêt, aux temps gaulois, «couvrait les deux tiers du territoire, forêt qui semblait farouche au voyageur et presqu'impraticable à l'envahisseur, mais qui abritait, à côté de vastes réserves de gibier, une nombreuse population humaine.» (Lanzac de Laborie, analysant, dans le CORRESPONDANT du 25 septembre 1910, l'Histoire de la Gaule de M. Clle Jullian, de l'Institut.) Ajoutons que M. le Conservateur des Eaux et Forêts Briot, voulant prouver que la France n'était pas plus boisée il y a deux ou trois siècles qu'aujourd'hui, fait état des recherches auxquelles il s'est livré sur la carte de IIIe SÉRIE. T. XIX.

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la suite des invasions des premiers siècles de notre ère, nombre de terres défrichées et cultivées sous le régime gallo-romain, retournèrent spontanément à l'état de forêt, et quelques-unes le sont encore (1). Ce qui prouve, soit dit en passant, que la formation géologique et l'altitude ne sont pas les seuls facteurs de la végétation forestière ou rurale.

V

LE PATURAGE, LA HOUILLE BLANCHE

Sur la question des pâturages, notre honorable contradicteur n'est pas moins optimiste que sur celle des reboisements et des forêts existantes. A ses yeux, la plupart de nos hauts pâturages sont en bon état, et s'ils sont encore quelque peu perfectibles, ils s'acheminent

Cassini. Or cette carte est notoirement incomplète en ce qui concerne les masses boisées. M. Paul Descombes, fondateur et président de l'Association centrale pour l'Aménagement des Montagnes (de l'A. C. A. M., pour employer le jargon à la mode du jour), et très familier avec la région girondine de Blaye. qu'il a parcourue dans tous les sens, me fournit les renseignements suivants :

Des bois très étendus qui existent de temps immémorial aux lieux dits : Le Roc (Cne de St-Thomas de Conac), La Brousse (Che de St-Martial de Mirambeau), La Tenaille et Château-Dampierre (Cne de Plassac) ne figurent pas sur la carte de Cassini. N'y figurent que comme boqueteaux insignifiants de vastes surfaces boisées, déjà bien diminuées depuis une cinquantaine d'années par suite de défrichements et de l'extension des vignobles, mais dont un reliquat subsiste encore aujourd'hui aux environs des villages aux noms caractéristiques de Saint-Disant-du-Bois et de Saint-Hilaire-des-Bois.

D'autre part aucune des nombreuses garennes, qui avoisinent les habitations, ne figure sur la carte, où l'on paraît s'être moins préoccupé d'une représentation forestière exacte que de ne pas surcharger l'ensemble afin d'en conserver la netteté.

L'autorité de Cassini est donc de peu de valeur quant à la proportion des bois et forêts sur le sol français.

(1) Cf. Alf. Maury, Ch. de Montalembert, G. Huffel, ouvrages cités. - Voir aussi, dans ce recueil, La forêt gauloise, franque et française, liv. d'octobre 1906, t. X de la 3a série.

à grands pas vers un mieux qui représente sans doute, dans la pensée de leur apologiste, la perfection.

Retiré du service depuis vingt-trois ans, l'auteur des présentes pages n'est pas en état d'opposer de visu une contradiction immédiate à ce tableau enchanteur. Mais enfin, ce n'est pas en vingt ans, ni même en quarante, qu'une situation telle que nous avons pu la constater jadis dans les Hautes-Alpes comme dans les Pyrénées ariègeoises, peut passer de l'extrême désolation à l'état florissant qu'on nous dépeint. Bien plus, des hommes qui rapportent toute leur intelligence et tout leur dévouement à la cause, toute d'initiative privée, de l'aménagement des montagnes; qui y afferment de vastes étendues pour les soustraire au fléau de la transhumance et par là les régénérer, ces hommes voient les choses sous un aspect absolument différent. Les résultats vraiment remarquables obtenus par les Associations pour l'aménagement des Montagnes, dans les Pyrénées sous la direction de M. Paul Descombes, dans les Alpes sous celle de MM. le Commandant Audebrand et le Cte de Montal, contrastent d'une manière éclatante avec les pâturages voisins, plus ou moins désherbés, piétinės, ravinés par la voracité insatiable des moutons transhumants; ces transhumants qui sont la principale cause du mal dont tant de voix se plaignent et que cependant notre auteur estime nécessaires!

La réduction, dans une équitable mesure, du pâturage ovin, entraînerait-elle « une augmentation énorme du prix de la viande, de la laine et du lait, un accroissement considérable de l'émigration dans une foule de villages, une perturbation générale profonde, etc. » ? Nous croyons précisément le contraire, en nous appuyant sur ce seul fait que la dépopulation des pays de montagne, comme en font foi les statistiques, a suivi

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