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LA CONNAISSANCE SENSIBLE

DES

QUALITÉS SECONDAIRES (1)

Quelques publications récentes ont remis à l'ordre du jour, dans les milieux où l'on s'intéresse à la philosophie néo-scolastique, le très vieux problème de l'objectivité des qualités secondaires.

En langage technique, ce nom désigne, on le sait, toutes les propriétés que nous attribuons aux corps et qui ne sont ni l'étendue résistante, ni le mouvement local (qualités primaires). Il s'agit donc de savoir comment nous atteignons par nos sens la lumière, les couleurs, les sons, les saveurs, les odeurs, etc., et ce que nous pouvons connaître ainsi avec certitude du monde extérieur (2).

(1) Les indications bibliographiques ont été renvoyées à la fin de cet article. Les chiffres en caractères gras indiquent le numéro d'ordre de chaque travail cité.

(2) La distinction entre qualités primaires et secondaires était admise longtemps avant que Locke la fit sienne et la rendit célèbre. Ainsi que Baümker le rappelle (5, p. 294), ce philosophe entendait le mot qualité dans son sens strictement objectif et comme synonyme de propriété des corps. Il appelait idées les modifications subjectives produites en nous par ces qualités.

En se plaçant à un autre point de vue, on distingue des propriétés qui ne sont atteintes que par un seul sens (sensibles propres), celles qui le sont par plusieurs (sensibles communs). Pratiquement, les deux classifications coïncident à peu près. La résistance cependant, si elle est distinguée de l'étendue, est à la fois sensible propre et qualité primaire, du moins si l'on adopte les vues de Locke et de Maine de Biran.

Deux systèmes principaux se divisent aujourd'hui les philosophes néo-scolastiques : le réalisme absolu et le réalisme mitigé.

D'après le premier, toutes les qualités des corps, tant primaires que secondaires, sont à titres égaux connues telles qu'elles sont et existent formellement telles que nous les connaissons, en dehors de nos facultés sensibles.

Le réalisme mitigé réserve ces privilèges aux qualités primaires. D'après cette seconde théorie, les propriétés spéciales qui causent nos sensations visuelles, auditives, olfactives, etc., ne sont pas semblables aux modalités subjectives sous lesquelles elles nous apparaissent; elles sont pour ainsi dire traduites, activement interprétées par nos facultés connaissantes. De là le nom d'interprétationnisme donné quelquefois à cette doctrine (1). En langage d'École on l'exprime souvent de la manière suivante : les qualités secondaires sont formellement subjectives, elles ne sont dans les objets extérieurs que causalement (2).

Sans exalter outre mesure l'importance de cette controverse, on doit, semble-t-il, lui reconnaître une certaine gravitė.

A en croire les défenseurs du réalisme absolu, les partisans de l'opinion adverse n'éviteraient le subjectivisme total que par un flagrant illogisme, et ouvriraient la voie aux pires erreurs idéalisme, kantisme, relativisme, agnosticisme, etc. (3).

(1) Je fais remarquer tout de suite que l'interprétationnisme est compris de manières assez diverses par les philosophes qui se rallient au système du réalisme mitigé.

(2) Cette formule devenue classique n'est pas très heureuse, comme nous le verrons; elle est de nature à occasionner de fàcheuses confusions. Il vaudrait mieux s'exprimer ainsi : les modalités qualitatives sous lesquelles sont connues les propriétés secondaires des corps sont subjectives.

(3) Parlant de l'opinion des réalistes modérés, le P. Liberatore écrivait il y a

A ces attaques, les interprétationnistes ripostent : Pardon disent-ils, notre point de départ est tout positif. Nous étudions loyalement les faits; notre ambition est de ne leur faire aucune violence. Vous, réalistes absolus, si vous ne les ignorez pas, vous les torturez pour les faire cadrer avec vos idées préconçues. Étudiez avec plus de liberté d'esprit la Physiologie, vous verrez que votre position est simplement intenable. Que s'il est question de prudence, nous prétendons bien n'en point manquer: nous nous abstenons de solidariser les thèses fondamentales de notre philosophic avec des théories après tout systématiques.

Lorsque de telles accusations sont ouvertement formulées ou discrètement insinuées, on conçoit que l'on ait de part et d'autre un juste souci et, dans une certaine mesure, le devoir d'établir de son mieux la légitimité de son attitude.

En exposant ici les arguments qu'ont fait valoir les deux partis et en marquant mes préférences pour l'un d'entre eux, je n'ai pas le naïf espoir de gagner à ma manière de penser ceux qui croient, pour de très sérieuses raisons, devoir adopter une opinion différente. Si l'on n'arrive pas, aussi vite qu'on le désirerait, à se mettre d'accord avec ses contradicteurs, peut-être

déjà longtemps : « est autem perniciosa, quia aliquid simile formis kantianis tribuit, ac proinde transcendentali idealismo aperit viam » (35, p. 49).

Plus récemment, dans un article fort sévère, le P. Lercher soutenait que le réalisme modéré sape par la base les principales thèses de la philosophie scolastique : « Der vielgestältige Subjectivismus also ist es, auf den die Apologetik in der gegenwärtigen Zeit ein wachsames Auge haben muss... Man soll jeden Schein von Berechtigung zerstören, den der Subjectivismus vorschützen könnte. Manchen berufenen Vertreter der katholischen Wissenschaft kann der Vorwurf nicht erspart bleiben, in dieser Hinsicht fahrlässig gewesen zu sein, indem sie sich einer teilweisen Subjectivierung der sinnlichen Erfahrung entweder nicht widersezten, oder ihr sogar beistimmten...

» Der gemässigte Realismus untergräbt die Fundamente der AristotelischScholastischen Philosophie (34, p. 474). »

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