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« Une inquiétude générale, un désir exagéré d'innovations, se sont emparés des esprits, et finiraient par égarer totalement les opinions, si on ne se hâtait de les fixer par une réunion d'hommes sages et modérés.

a C'est dans cette confiance, messieurs, que je vous ai rassemblés, et je vois avec sensibilité qu'elle a déjà été justifiée par les dispositions que les deux premiers ordres ont montrées à renoncer à leurs priviléges pécuniaires. L'espérance que j'ai conçue de voir tous les ordres réunis de sentiments concourir avec moi au bien général de l'État ne sera point trompée.

« J'ai déjà ordonné dans les dépenses des retranchements considérables. Vous me présenterez encore à cet égard des idées que je recevrai avec empressement; mais malgré la ressource que peut offrir l'économie la plus sévère, je crains, messieurs, de ne pouvoir pas soulager mes sujets aussi promptement que je le désirerais. Je ferai mettre sous vos yeux la situation exacte des finances, et quand vous l'aurez examinée, je suis assuré d'avance que vous me proposerez les moyens les plus efficaces pour y établir un ordre permanent et affermir le crédit public. Ce grand et salutaire ouvrage, qui assurera le bonheur du royaume au dedans et sa considération au dehors, nous occupera essentiellement.

«Les esprits sont dans l'agitation; mais une assemblée des représentants de la nation n'écoutera sans doute que les conseils de la sagesse et de la prudence. Vous aurez jugé vous-mêmes, messieurs, qu'on s'en est écarté dans plusieurs occasions récentes; mais l'esprit dominant de vos délibérations répondra aux véritables sentiments d'une nation généreuse, et dont l'amour pour ses rois a toujours fait le caractère distinctif. J'éloignerai tout autre souvenir.

« Je connais l'autorité et la puissance d'un roi juste au

milieu d'un peuple fidèle et attaché aux principes de la monarchie: ils ont fait l'éclat et la gloire de la France; je dois en être le soutien et je le serai constamment.

« Mais tout ce qu'on peut attendre du plus tendre intérêt au bonheur public, tout ce qu'on peut demander à un souverain, le premier ami de ses peuples, vous pouvez, vous devez l'espérer de mes sentiments.

<< Puisse, messieurs, un heureux accord régner dans cette assemblée, et cette époque devenir à jamais mémorable pour le bonheur et la prospérité du royaume! C'est le souhait de mon cœur, c'est le plus ardent de mes vœux, c'est enfin le prix que j'attends de la droiture de mes intentions et de mon amour pour mes peuples. »

XV

L'assemblée tout entière éclata en respectueux applaudissements. Les peuples saluent ce qu'ils espèrent plus encore que ce qu'on leur livre. Le cœur du roi avait parlé, il répondait au cœur du pays.

Il y eut un moment de félicité complète dans cette harmonie d'inspirations communes qui en ne définissant rien laissait tout attendre. Ce moment, qui ne se retrouve pas deux fois dans la durée d'un siècle, ces embrassements pleins d'attraction réciproque et de larmes de tendresse entre un peuple et son gouvernement, ne dura que l'espace d'un enthousiasme. Le roi n'était pas encore assis sur son trône, que la réalité allait apparaître et contrister ces douces et fugitives illusions.

Le prince s'était couvert en s'asseyant. Le clergé, la noblesse et les plébéiens se regardèrent pour s'assurer si les ordres privilégiés par l'étiquette allaient jouir du droit de se couvrir à leur tour devant le roi assis. Ils voulaient effacer, en se couvrant tous au même moment, cette prééminence que les communes cessaient de reconnaître dans les aristocraties de l'État. Cette rivalité, visible dans les regards et dans les attitudes des trois ordres, les tint un instant debout dans l'hésitation et dans le défi mutuel de prévaloir l'un sur l'autre. Une légère rumeur prête à éclater en scandale s'éleva à ce prélude de préséance disputée parmi les spectateurs. Le roi aperçut du trouble dans l'assemblée, et un de ses ministres lui en ayant dit le motif à l'oreille, il se découvrit lui-même d'un geste en apparence irréfléchi, comme s'il eût été suffoqué par la chaleur de la saison et de la salle, et remit son chapeau à un de ses gentilshommes. Aucun sujet ne pouvant se couvrir devant le roi découvert, la lutte de préséance des ordres était par ce geste non vidée mais éludée. La rumeur tomba et les trois ordres s'assirent.

XVI

Le chancelier, M. de Barentin, prit alors la parole au nom du roi. Il lut un discours prononcé d'une voix sourde et hésitante. C'était le programme complet, hardi, généreux de l'âme du roi devant son peuple. Louis XVI commençait par invoquer la justice et la reconnaissance de la nation. sur un règne encore court, mais déjà plein de satisfaction.

de l'opinion publique et d'initiatives pour la félicité et la gloire du pays. La liberté des mers conquise par une marine restaurée et victorieuse sur toutes les mers, l'émancipation de l'Amérique encouragée par les subsides et payée par le sang français, la question et les tortures abolies dans les lois criminelles, le servage des paysans détruit, le commerce et les manufactures affranchis et protégés, les travaux publics, les canaux, les ports militaires décorant et fortifiant partout le royaume, l'économie enfin dans les dépenses personnelles du roi adoucissant, autant que le permettait la dignité du trône, le fardeau des impôts pour les classes rurales.

Après ce juste hommage que la conscience du roi se rendait à elle-même et que des murmures de reconnaissance attestaient dans l'assemblée, le chancelier, faisant pour ainsi dire lui-même la révolution par la main de la royauté, soulevait toutes les questions de réforme, de consentement d'impôts, d'égalité des classes, d'abolition des priviléges, de suppression des abus, d'imposition des terres de la noblesse et du clergé, de liberté de la pensée par la presse, d'adoucissement dans la législation criminelle et dans la législation civile, d'administration représentative provinciale et nationale. La nation elle-même semblait, dans ce discours, devancée par son roi dans tous ses désirs et jusque dans ses rêves de félicité publique.

Seulement le prince, par une imprévoyance déplorable, par une faiblesse fatale ou par une habileté funeste, laissait dans le vague et dans l'indécision la question qui dominait en ce moment toutes les autres, et qui, faute d'être résolue, allait jeter l'antagonisme et l'anarchie entre les trois castes de l'assemblée et entre cette assemblée et le roi lui-même le mode de délibération et de votation dans les états généraux. Chacun des ordres qui les composait

:

délibérerait-il séparément et opposerait-il ainsi aux deux autres un obstacle infranchissable aux résolutions des autres ordres et au bien public? Ou bien ces trois ordres, abdiquant dans l'intérêt commun leurs priviléges de corps, délibéreraient-ils par tête en assemblée générale et une, et donneraient-ils ainsi à leurs délibérations l'autorité d'une majorité, non de caste, mais de nation?

« Un cri général, disait à ce sujet l'organe du roi, a de« mandé une double représentation dans cette assemblée « en faveur de la classe plébéienne, la plus nombreuse et « sur laquelle pèsent tous les impôts. Le roi a été au-devant a de ce vœu; mais, en déférant à cette demande, il « n'a point changé la forme des anciennes délibérations « des états généraux ; quoique la délibération en commun,

en ne produisant qu'un seul vote, paraisse avoir l'avan« tage de mieux constater le vœu général, le roi a voulu a que cette nouvelle forme ne puisse s'opérer que du « consentement des états généraux; mais, quelle que doive « être votre résolution sur cette question, on ne doit pas « douter de l'accord le plus parfait. >>

XVII

Invoquant ensuite la sagesse des représentants de la nation, le chancelier attestait le zèle, la longanimité, la passion du bien public dans le prince qui provoquait ainsi les lumières, l'expression des griefs, la coopération de son peuple à la limitation même de son pouvoir.

Jamais, disait-il, la bonté du roi ne s'est démentie dans.

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