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HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION› FRANÇAISE.

1789

LES CONSTITUANTS.

LIVRE PREMIER.

I

Après avoir descendu le cours du temps jusqu'à nos jours, dans l'histoire des Girondins et dans celle de la Restauration, je remonte aujourd'hui ces années si pleines et si rapides pour raconter l'histoire de la première assemblée nationale française, qu'on a appelée par excellence l'Assemblée Constituante. Cette réunion d'hommes délibérant sur les ruines d'une monarchie qui s'affaissait fut le concile séculier de la raison, le foyer des idées, l'écho de la parole, le bras de l'opinion pour discuter et promulguer les croyances modernes sur la société et sur le gou

LES CONSTITUANTS. 1.

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vernement des peuples: As avoir respiré la philosophie politique de sècle dans les livres de ses apôtres, la France recueillit ceffe philosophie dans un centre de force irrésistible pour tous et pour elle-même, et, dans une explosion tour four majestueuse et terrible, elle accomplit la plus grande transformation intellectuelle, sociale et politique qui ait remué l'Occident depuis Charlemagne.

II

L'esprit le plus convaincu, le plus ferme et le plus expérimenté ne peut s'empêcher de trembler en abordant un si périlleux récit. Il éprouve le besoin d'implorer de celui qui donne ou qui retire l'inspiration et la lumière aux hommes, non pas seulement le génie pathétique de l'histoire, qui associe par la passion le cœur humain aux scènes que l'historien retrace, mais le don plus nécessaire à celui qui raconte les révolutions d'idées qu'à tout autre : L'ESPRIT

DE DISCERNEMENT.

Ce n'est que par la vertu de cet esprit de discernement, qui est le sang-froid de l'histoire, que l'écrivain et le lecteur peuvent séparer, en contemplant ces grands drames, l'enthousiasme du fanatisme, la vérité de la chimère, la réforme du bouleversement, la modération de l'excès, la vertu du vice, la liberté de l'anarchie; et ce n'est qu'en faisant cette séparation avec un esprit juste, avec un cœur probe, et avec une main sévère, qu'on peut restaurer les principes sains de la Révolution et rendre une gloire légitime, parce qu'elle est pure, à l'esprit humain. Excuser une

cause de ses erreurs ou de ses crimes, ce n'est pas la servir, c'est la retarder. La justice est la seule passion de la conscience. Le genre humain a une conscience, le plus divin des organes de l'humanité. Tant que cette conscience murmure contre les alliages que les illusions, les passions ou les vices mêlent à une vérité, cette vérité n'a pas encore conquis le monde, car quelque chose proteste en nous contre elle, et ce quelque chose, c'est Dieu.

Essayons donc de raconter la Révolution sans flatter ses faiblesses et sans pallier ses fautes. C'est le seul moyen de restaurer ses vérités dans les âmes, de ramener le peuple à la foi en lui-même, l'intelligence aux principes, et le cœur des hommes de ce siècle à l'espérance, ce doigt de feu de la Providence qui montre le but aux nations!

III

La grandeur de la Révolution française, c'est de n'être pas seulement une révolution de la France, mais une révolution de l'esprit humain. Sans remonter laborieusement et par d'obscures filiations à son origine, nous dirons cette origine en deux mots : la Révolution française est née dans le monde le même jour que l'imprimerie. Une machine matérielle, la presse, en multipliant l'aliment de l'intelligence, multiplia la pensée. Guttenberg fut le précurseur de la raison moderne. Armées de l'instrument mécanique qu'une providence cachée sous l'apparence d'un hasard et d'une industrie venait de leur donner, la conscience et la raison travaillèrent sans relâche à leur double émancipa

tion. L'une chercha Dieu dans les révélations de la nature, l'autre chercha la justice dans les institutions politiques. Toutes deux s'unirent quelquefois pour saper en commun deux autorités, l'Église intolérante et l'État oppresseur, que le moyen âge avait coalisés contre elles. Tantôt victorieuses, tantôt vaincues, elles marquèrent de leur sang tous leurs pas vers leur but de liberté et de justice. Martyrisées sur les bûchers de l'inquisition en Espagne, opprimées en Italie, assassinées en France par la Saint-Barthélemy, apostasiées par Henri IV, proscrites par la révocation de l'édit de Nantes sous Louis XIV, la conscience et la raison, immortelles de leur nature, avaient survécu. Elles avaient grandi en force dans ces épreuves; elles avaient filtré comme les gouttes de leur propre sang ou comme les rayons de leur lampe funéraire à travers les murs de leurs cachots, dans l'esprit général de l'Europe; elles étaient parvenues dans le xvIIe siècle à une sorte de majorité latente sous le nom de philosophie ou de rationalisme, deux mots pour exprimer une même chose : l'intervention de la conscience libre dans la croyance, et l'intervention de la raison libre dans la réforme et dans le progrès de la société.

IV

La philosophie du xvIe siècle, dans son sens le plus élevé et le plus moral, était donc le code, non rédigé encore, de la liberté religieuse et de la liberté civile. Elle se composait, dans sa généralité confuse et diverse, de tous les progrès rationnels que deux siècles de pensée, rendue

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