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les atteint, les renverse, les poursuit, et franchissant le pont Tournant au delà de la place, il charge, en pivotant sur sa gauche autour du grand bassin, jusque dans les larges allées des Tuileries. La foule inoffensive des promeneurs, des vieillards, des femmes et des enfants, étrangère à la sédition et surprise dans sa sécurité, s'enfuit d'arbre en arbre pour échapper au galop des cavaliers. Le sable est jonché de chaises brisées et de femmes tombées dans leur fuite; un vieillard, qui jetait des chaises derrière lui pour entraver la course des chevaux, tombe frappé à mort d'un coup de sabre porté par le prince de Lambesc. Le jardin, couvert de tronçons de bancs, de blessés foulés aux pieds par les escadrons allemands, se vide par toutes les grilles. Les promeneurs échappés aux charges se répandent en multipliant par leur récit le nombre des victimes et en criant vengeance dans tous les quartiers de Paris. Le peuple croit toucher à cette heure suprême de la guerre civile et des massacres prédits d'heure en heure par ses agitateurs.

LXIX

Il n'en était rien cependant. Le baron de Bezenval, qui commandait les troupes réunies au Champ-de-Mars, non pour attaquer, mais pour contenir Paris, avait été frappé lui-même de stupeur et d'irrésolution devant l'attitude de la capitale. Plus homme de cour que militaire, bien qu'il fût un de ces courtisans du cercle de la reine adulant les illusions de l'aristocratie et répondant avec jactance de la victoire de la force sur l'opinion, il s'était borné à envoyer

un misérable renfort d'une trentaine de Suisses à M. de Launay, gouverneur de la Bastille, et à rester inerte au milieu de son armée au Champ-de-Mars. Quelques régiments envoyés par lui le matin en observation aux Champs-Élysées, comme pour provoquer la sédition par leur présence sans l'abattre par leurs armes, était la seule manœuvre qu'il eût ordonnée à son armée depuis vingt-quatre heures, contre une capitale qui s'armait sous ses yeux. Les colonels de ces régiments n'avaient aucun ordre, et les détachements qui s'avancèrent jusque sur la place Vendôme et dans les Tuileries ne le firent qu'en répondant d'eux-mêmes aux injures et aux attaques du peuple. Quant au général, n'osant entrer dans Paris pour y rétablir au moins la sécurité publique et l'autorité du roi, ni prendre même de fortes positions aux barrières, ni fortifier la Bastille et les Invalides, qu'il abandonnait derrière lui, il attendit, comme un général vaincu, les ténèbres pour déserter le champ de bataille. Il fit replier à minuit ses régiments des ChampsÉlysées et du champ de Mars sur Versailles. Enfermé tantôt à l'École militaire, tantôt aux Invalides et perdant les heures en timides conseils avec ses généraux, il assista, sans même les repousser, aux impérieuses sommations du peuple qui demandait qu'on lui livrât les armes de l'arsenal des Invalides, se contentant, pour toute réponse aux délégués de la révolte, de temporiser avec eux et de leur dire qu'il allait demander des ordres à Versailles. Tel fut le premier lieutenant du maréchal de Broglie dans cette campagne de la cour contre Paris. Que pouvait redouter désormais la nation d'une cour servie par de tels généraux, et des généraux choisis par une telle cour? Ils n'avaient provoqué le rassemblement de l'armée autour du roi que pour livrer eux-mêmes les troupes à l'embauchage ou à la dérision de la capitale.

LIVRE QUATRIÈME.

I

Le cri: Aux armes! le tocsin sonnant dans tous les clochers, le bruit des boutiques d'armuriers dont on enfonçait les portes à coups de hache, le pas des citoyens courant à leur district, les murmures de la multitude qui cherchait des armes et des chefs, les exclamations des rassemblements à la voix des orateurs, les coups de fusil d'alarme éclatant par intervalles, ne laissèrent aucun sommeil à la capitale pendant la nuit du 12 au 13 juillet. Les rues, spontanément illuminées pour éclairer la veille du peuple, et l'incendie des barrières, rougissaient avant l'aurore l'horizon. Cette nuit n'avait pas été perdue en stériles agitations par les chefs improvisés de la multitude. Un pouvoir dictatorial et régulier, quoique illégal et confus, s'était institué dès la chute du jour à l'hôtel de ville. Les électeurs, se substituant d'urgence à toute autorité royale ou municipale, avaient été plutôt portés qu'admis par le peuple

dans la salle du conseil, pour y sanctionner l'insurrection et pour imprimer aux mouvements désordonnés de la panique l'ordre et l'unité d'une pensée commune. A peine réunis en nombre suffisant pour une apparence de délibération, les électeurs désignèrent pour former un comité permanent les hommes les plus populaires, les plus actifs et les plus dévoués parmi ceux que désignait la clameur publique. Ils ordonnèrent la convocation nocturne de soixante districts, sorte de municipalités secondaires et délibérantes des soixante quartiers de la capitale. Les électeurs avaient appelé à leur poste en même temps le prévôt des marchands et les échevins de Paris, magistrats municipaux qui représentaient à peu près alors le maire, les adjoints et la police de la ville. Ces magistrats avaient cédé, aux demandes tumultueuses du peuple, toutes les armes que renfermait l'hôtel de ville, et autorisé les citoyens å se faire ouvrir tous les arsenaux où l'on espérait en trouver, pour armer une milice bourgeoise composée de tous les hommes capables de défendre l'ordre et la liberté contre les attentats du brigandage ou contre les agressions du despotisme. Cette force publique, sortie tout armée d'une nuit d'angoisse et d'un cri public, devait être composée de quarante-huit mille soldats, divisés en seize légions. Le comité permanent des électeurs devait nommer le commandant général de cette armée civique. La nomination des officiers était réservée aux soixante districts. Dès l'aube du jour, les citoyens armés se portaient en foule à leur district pour se faire inscrire au nombre de ces soldats de la nation. L'imminence de l'anarchie, la crainte du pillage, les mouvements désordonnés de la multitude à la merci d'ellemême, évoquaient assez une force capable de sauver les foyers de Paris.

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