Sayfadaki görseller
PDF
ePub

nationale aux ordres du gouvernement qui voulait la dissoudre, et le décret sur l'inviolabilité de ses membres, sont deux faits extrêmement remarquables : ils donnèrent une grande activité à la révolution; ils apprirent au pouvoir que la force seule pouvait arrêter la marche de l'assemblée nationale; mais la force était dans la nation; et la nation se prononçait pour ceux qui avaient fait serment de ne se séparer que lorsqu'elle aurait une constitution.

: >>

Mirabeau donna bientôt un nouveau gage de son amour pour la liberté dans ses efforts afin de prévenir les désordres qui pouvaient sortir chaque jour de l'inquiétude et de l'effervescence qui s'étaient emparées de tous les esprits depuis la séance royale du 23 juin : il fit adopter par l'assemblée nationale un projet d'adresse aux Français, dans laquelle les députés de la nation, au nom de la patrie et de la liberté naissante, demandaient à leurs commettans du respect pour les lois et pour leurs ministres, et cette douce modération, qui seule pouvait leur concilier tous les esprits et déjouer les projets de la malveillance » Qu'il sera glorieux pour la France et pour »nous que cette grande révolution ne coûte à l'humanité » ni des forfaits, ni des larmes ! les plus petits états n'ont » souvent acheté une ombre de liberté qu'au prix du sang » le plus précieux... Et nous, messieurs, nous verrons la » même révolution s'opérer par le seul concours des lu>> mières et des intentions patriotiques; nos combats sont » de simples discussions, nos ennemis des préjugés pardonnables; nos victoires ne seront point cruelles, nos » triomphes seront bénis par ceux qui seront subjugués >>> les derniers. >> Vaines chimères d'un cœur généreux! Une longue oppression avait amassé dans la nation trop de haine contre les privilégiés : cette haine, excitée chaque jour par l'aristocratie elle-même, qui n'espérait plus que dans les excès qu'elle pourrait faire naître, n'a pas connu tou

jours les lois de la justice: du sein des désordres qui vinrent se placer sur le passage de la France à un nouvel ordre de choses, l'anarchie a levé sa tête hideuse, et la liberté a fui d'une terre où elle recevait des sacrifices de sang humain.

Vainement on a essayé de flétrir la mémoire de Mirabeau, en attachant à son nom l'odieuse responsabilité des événemens des 5 et 6 octobre; il fut étranger aux excès commis dans ces malheureuses journées, et les mancuvres de ses ennemis ne servirent qu'à faire briller davantage son innocence. M. l'abbé Maury, dont cette fois le témoignage ne saurait être suspect, parla lui-même pour Mirabeau, et qualifia d'absurde une accusation qui n'avait pour base que quelques dénonciations ridicules. Mirabeau avait annoncé, dès ses premiers pas dans l'assemblée nationale, ce qu'il devait être jusqu'à la fin de ses travaux, c'est-à-dire jusqu'à sa mort, l'ami de la liberté et de l'ordre. C'est lui qui, en demandant le renvoi des troupes, dont la présence menaçait l'indépendance de l'assemblée nationale, proposa de confier à des milices composées de citoyens le soin de veiller au maintien de l'ordre ; ces milices lui paraissaient d'ailleurs un équilibre nécessaire aux armées permanentes, dont le pouvoir se sert trop souvent pour se jouer des nations et de leurs droits. Le premier il parla de l'organisation des municipalités : » Elles sont la » base du bonheur, disait-il, le plus utile élément d'une » bonne constitution, le salut de tous les jours, la sécurité » de tous les foyers, en un mot, le seul moyen possible » d'intéresser le peuple entier au gouvernement, et de ré» server les droits autour des individus. » Il montra dans toutes les circonstances le plus grand respect pour la liberté individuelle dans une révolution qui n'était légitimée que par le besoin de rendre aux hommes la jouissance de tous leurs droits, il ne croyait point que ces droits pussent jamais être sacrifiés à ce qu'on appelait la nécessité des cir

D

:

constances, et il demanda que la liberté de s'expatrier fût accordée à quiconque ne serait pas retenu dans sa patrie par des obligations particulières. Dans cette circonstance il adressa à l'assemblée nationale, sur l'émigration, les mêmes paroles qu'il avait adressées au despote le plus absolu de l'Europe: car il pensait que la justice est placée au-dessus des assemblées nationales tout aussi-bien que des rois. Il parla pour l'inviolabilité des lettres: » Est» ce à un peuple qui veut devenir libre, disait-il, à em› prunter les maximes et les procédés de la tyrannie? Peut-il » lui convenir de blesser la morale, après avoir été si long» temps victime de ceux qui la violèrent?» La liberté des opinions fut toujours sacrée pour lui; il protesta contre toute espèce de dictature que l'assemblée nationale pour rait vouloir exercer sur ses membres : » Décider que l'assemblée a le droit de prononcer l'exclusion d'un de ses » membres, de le flétrir aux yeux de la nation qui lui a » donné sa confiance, c'est porter un décret avilissant pour » l'assemblée, attentatoire à sa liberté, et contraire aux » droits de la nation, qui seule est juge en dernier res» sort de la conduite de ses représentans. Ce serait con» sacrer, ajoutait-il, LE DOGME De L'inviolabilité des mi»NISTRES, ET DE LA RESPONSABILITÉ DES DÉPUTÉS. » On se rappelle ses discours en faveur de la liberté des cultes, et de leur égalité devant la loi, contre les efforts que faisait une partie de l'assemblée pour faire déclarer nationale la religion catholique : » D'ici, de la tribune où je parle, s'écriait-il, je vois la fenêtre du palais dans lequel » des factieux, unissant des intérêts temporels aux intérêts les plus sacrés de la religion, firent partir de la main » d'un roi des Français l'arquebuse fatale qui donna le signal du massacre de la Saint-Barthélemi. Cette inspiration éloquente étouffa les derniers cris de l'intolérance. Il exprima en ce peu de mots son opinion sur le droit des citoyens de se réunir pour discuter leurs intérêts:

>>

[ocr errors]

D

>> I es hommes non armés ont le droit de se réunir en tel » nombre qu'ils veulent pour communiquer leurs lumiè»res, leurs vœux, leurs titres. Les en empêcher, c'est » attaquer les droits des hommes et des citoyens. » Il s'efforça de relever la morale publique, et voulut que le respect en fût enseigné par les lois de l'état. C'est dans ce but qu'il proposa de consacrer par une loi expresse une incapacité d'être élu membre de l'assemblée nationale, pour les faillis, ou ceux des enfans des faillis qui n'auraient pas acquitté leur portion virile des dettes de leur père mort insolvable: loi éminemment morale, qui honore à la fois et le citoyen qui en présenta le projet, et l'assemblée qui la plaça dans la constitution dont elle construisait l'édifice.

Cependant, au milieu de ses travaux pour assurer des garanties aux droits de la nation, de ses efforts contre la corruption qui pourrait un jour atteindre ses mandataires, Mirabeau fut accusé de n'être lui-même qu'un agent corrompu du pouvoir, et d'avoir consacré les derniers temps de sa carrière politique à détruire ce qu'il avait fait pour la liberté, lorsqu'il agissait sans intérêt et d'après sa propre conviction. Mais ces accusations ne font qu'attester que Mirabeau a subi la destinée de tous ceux qui viennent se placer, avec des principes, au milieu des exagérations des partis : dans un temps, il combattit avec courage ces priviléges qui dégradent l'homme, et qui semblaient ne réserver les droits de cité que pour quelques-uns; et l'aristocratie voulut le flétrir des noms de perturbateur et d'ennemi de la paix : dans d'autres temps, lorsque les priviléges n'étaient plus, lorsque les droits du peuple trouvaient déjà leur garantie dans la constitution dont l'ouvrage était commencé, au moment où toutes les passions déchaînées exigeaient peut-être des lois plus répressives, il pensa qu'il fallait accorder au pouvoir exécutif quelques-uns des droits dont la constitution anglaise n'a pas

craint d'armer la royauté; et l'on cria, dans les rues de Paris, à la trahison du comte de Mirabeau ; et le sanguinaire Marat ne craignait pas d'écrire qu'il fallait le frapper d'un poignard, comme traître à la patrie. La passion et l'ignorance sont de mauvais juges; ni les cris de l'aristocratie expirante, ni ceux d'une populace égarée, que trop imprudemment on introduisit dans des discussions sur des questions constitutionnelles, ne seront point pour Mirabeau le jugement de la postérité.

Le 22 juillet 1789, pendant la discussion sur les divers projets de déclaration des droits, il vit pour la première fois des doutes jetés dans l'assemblée sur la pureté de ses intentions. Ce fut sans doute une époque à jamais mémorable pour l'humanité, que celle où des peuples entiers, secouant le joug d'une domination étrangère, proclamèrent leur indépendance conquise au prix de leur sang, et la placèrent sous la protection de la divinité. La déclaration des droits de l'homme, mise en tête des constitutions des États-Unis, avait retenti dans tous les cœurs, et la France devait répondre à son tour, une déclaration semblable, à ces peuples, que l'Europe par n'avait conquis que pour leur communiquer des vices, et qui nous offraient en échange l'exemple des plus généreux efforts, et le tableau vivant d'une grande association composée d'hommes libres. Mais peut-être, lorsque dans l'assemblée nationale se discutait la question de la déclaration des droits, le moment de cette discussion n'était pas encore venu; peut-être n'était-il pas prudent de jeter quelques principes abstraits au milieu d'une fermentation générale, lorsque la force publique n'existait plus, lorsque surtout la constitution, qui seule pouvait définir entièrement les principes dont devait se composer la déclaration des droits, était à peine commencée n'était-il pas à craindre qu'armée de cette déclaration, une population entière ne vint se jeter au travers des questions

« ÖncekiDevam »