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Autrefois, comme l'avare, chacun cachait son trésor, parce que mille brigands nous le dérobaient; mais aujourd'hui nous donnons, et nous donnons à la patrie. Cependant mille abus ravagent encore la France: ici, ce sont des hommes qui ont fait vœu de pauvreté, et qui nagent dans l'abondance; là, des impôts ambulans qui assiégent sans cesse la capitale et les provinces; plus loin, de riches pasteurs qui tondent leurs brebis pour changer leurs dépouilles en délices loin du troupeau qu'ils abandonnent aux loups; d'un autre côté, les droits féodaux écrasent le laboureur utile. Les titres font encore baisser les yeux, et l'on prostitue à des hommes l'encens qui n'est dû qu'à la Divinité l'homme pauvre est encore dégradé, et porte les livrées de la bassesse. Les riches financiers pillent le trésor public, et ambitionnent les mêmes honneurs, que leur or bientôt leur procure; les ministres, couverts de dettes, trouvent encore le moyen facile de les acquitter en peu de temps, et de posséder de nouvelles richesses; mais la lumière va pénétrer enfin dans ces noirs labyrinthes. En vain Cerbère aux trois gueules béantes voudra t-il empêcher Orphée de pénétrer dans ces gouffres affreux, le flambeau du génie dissipe les ténèbres. Chaque jour Mirabeau tonne, encourage, effraie les coupables, soulage les malheureux ; chaque jour voit naître une loi salutaire, voit disparaître un abus. Semblable à cet empereur romain qui marquait chaque jour par des bienfaits, notre nouveau Titus croit avoir perdu une journée quand elle n'a point été signalée par quelque décret utile au peuple français.

Qui peut ici m'accuser d'imposture? Vous l'avez entendue vous-mêmes cette voix fulminante qui terrassait les vices. Est-il une seule discussion importante à laquelle il n'ait eu la plus grande part? Souvent n'entraîna-t-il pas tous les suffrages par la sagesse de ses opinions? Génie profond et sublime, tous les sujets lui sont familiers. Bien

MIRABEAU. TOME I.

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différent de ces esprits vulgaires qui rampent dans le cercle étroit que la nature leur a prescrit, Mirabeau, comme un aigle, tantôt plane au haut du ciel, tantôt s'abaisse jusqu'à nos yeux, et nous fait mieux apercevoir sa grandeur et sa noblesse. Finance, abus, justice, marine, état militaire, rien ne lui est inconnu; il porte partout ses lumières, et nous éclaire partout de son flambeau. Ici c'est un habile ouvrier qui abat jusqu'à la racine des arbres vieux qui n'avaient plus qu'une belle écorce; là il émonde les branches inutiles pour faire plus abondamment couler la sève dans les autres; ici il greffe un sauvageon et lui fait porter des fruits plus doux; déjà tous ces arbres sont en fleurs; la France entière est un vaste et superbe jardin, régulier dans toutes ses proportions, et qui promet la plus riche récolte en vain les insectes destructeurs dont elle est remplie voudraient en dévorer les feuilles, secouons l'arbre, chers concitoyens, et nous les verrons tomber à nos pieds. Écrasons-les, s'il le faut, ou plutôt si leur nombre ne s'accroît pas davantage, méprisons-les; respectons leur faiblesse, nourrissons-les même de nos sucs, puisqu'ils ne sont plus à craindre : c'est la marque d'une belle âme d'avoir pitié d'un ennemi dans la misère. Enfin nous voilà délivrés de ces ouailles du Seigneur qui 'n'étaient d'aucun rapport à la bergerie; de ces sangsues publiques à sandales; de ces juges corrompus qui vendaient la justice; un ministre sera responsable et rendra compte de sa conduite; un riche ravisseur ne pourra plus impunément brûler ma maison pour m'enlever ma femme : s'il est coupable, il ne pourra pas plus que moi éviter la rigueur des lois. La religion a repris tout son éclat et toute sa pureté; le prêtre est citoyen; il ne vit plus d'égoïsme; salarié par la nation, il faut qu'il se soumette à toutes les lois, qu'il reconnaisse pour maître le chef de l'empire, au-dessus duquel il se croyait autrefois; qu'il jure d'obéir et de maintenir la constitution. Mais quoi!

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tous ne viennent pas en foule prêter ce juste serment! Quoi! la perte de vos richesses vous fait oublier cette religion que vous nous prêchiez si souvent des lèvres ! Votre cœur n'était donc pas d'accord avec elle? Ouvrez les livres saints rendez à César, vous diront-ils, ce qui est à César. Vous hésitez, ingrats, vous voulez même déchirer le sein qui vous nourrit! Vipères que nous avons réchauffées, fuyez, fuyez loin de nous allez porter ailleurs votre poison! Assez, sans vous, de dignes ministres des autels viendront nous prêcher l'exemple, nous montrer les premiers qu'ils sont citoyens avant d'être prêtres. Vous nous dites les ennemis de la religion, s'écrie Mirabeau dans son adresse aux provinces, c'est vous seuls qui lui déclarez la guerre ! Ah! si nos ancêtres, obligés autrefois de s'enfoncer sous des voûtes pour honorer le Créateur, revenaient à la vie, quelle serait leur joie de voir cette même religion dominante dans le plus beau des royaumes! Partout ils entendraient l'airain sonnant pour appeler le fidèle à la prière. Nous sommes les ennemis de la religion! lorsqu'il n'est pas un seul lieu de la France où les traces des hommes puissent pénétrer qui ne puisse en même temps jouir de ses consolations! N'avons-nous pas la même foi, les mêmes cérémonies? Ne connaissons-nous pas le chef?...... Ne prions-nous plus pour les veuves et les orphelins? Allez, vous seuls êtes les apostats. Nous prierons Dieu qu'il vous éclaire; mais jusqu'à ce que ce miracle s'accomplisse, fuyez de notre sein. Vous n'êtes pas dignes d'être Français. Je voudrais, chers concitoyens, vous rendre avec force tous les raisonnemens solides de cette sublime adresse; mais vos applaudissemens en ont sans doute assez fait l'éloge dans le temps où l'orateur l'a prononcée; vous savez avec quel zèle, avec quelle sainte colère il chassa alors du temple les vendeurs et acheteurs qui en avaient fait une caverne de voleurs.

Jusqu'ici notre sage législateur s'est couvert de gloire à

tous les yeux; mais le soleil, toujours pur, éblouirait la vue, s'il n'était, de temps en temps, voilé de quelques nuages. Mirabeau était homme, et il eut des faiblesses. Une foule de personnes élevées dans l'obscurité des cours ne pouvait voir une lumière importune: tel le hibou fuit l'éclat du jour qui blesse ses yeux. Des femmes imitent son exemple. Leur suite réveille l'attention des patriotes, qui croient voir des ennemis se joindre à d'autres ennemis. On sollicite à grands cris un décret qui puisse les désarmer. Mirabeau, pour cette fois, épargne des traîtres et parle en leur faveur pardonnez, pardonnez, je vous conjure, à notre héros ce manque de courage. Mais tous les cœurs........... Ce caractère est hors de la nature. Ne saviez-vous pas que parmi ces fugitifs il comptait un frère? Aimer, excuser un frère coupable est-ce un crime? Peut-être aussi se laissat-il emporter par un excès de zèle, voulant trop étendre les pouvoirs du souverain. Mais un gentilhomme né et élevé dans tous les préjugés de la chevalerie française a pu confondre pour l'instant la royauté avec la personne du roi, qui nous est à tous si chère. Ah! si l'on est criminel pour préférer un moment la nature à la patrie, pour s'aveugler sur les droits de la royauté par amour pour son roi, il va bientôt réparer ses fautes. Il sera bientôt digne de vous, disons plutôt digne de nos regrets. Depuis les siècles de barbarie, dans les trois quarts de la France, on a renoncé à l'honneur d'être père. Les enfans ne connaissent l'auteur de leurs jours que pour le maudire de leur avoir donné la vie sans vouloir leur donner de quoi la soutenir. Le frère aîné, du haut de son char, insulte à la misère de ses autres frères. C'est un long préjugé qu'il faut déraciner, c'est un arbre antique auquel il faut porter la cognée; après avoir fait de nous des hommes et des hommes libres, il faut former des enfans respectueux, capables de chérir la vie, des pères non dénaturés. Déjà Mirabeau aiguise sa hache; elle est prête à tomber, et va porter le coup mortel. Mais la

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mort aiguise la sienne, et, jalouse d'une gloire qu'elle n'a pu cependant lui enlever, elle frappe la tête la plus chère. Mirabeau n'est plus. Du plus grand des Français, voilà ce qui nous reste des cendres, des ossemens, un cadavre bientôt rongé des vers. Voilà donc ce génie à qui nous devons notre bonheur ! Pourquoi n'a-t-il lui qu'un instant pour la France? Voilà donc ce flambeau! comment s'estil éteint sitôt ! Tu as assez vécu pour toi; mais pour nous, tu as passé comme un songe; ombre chère, entends nos soupirs, vois nos regrets. Ma patrie entière te pleure. Tu es mort. Lycurgue ne reviendra plus parmi nous. Mais, à l'exemple des Spartiates, nous jurons d'exécuter tes lois jusqu'à ton retour. Oui, nous le jurons. Tu es mort, mais tes écrits vivront toujours. C'est là que nous irons puiser les sentimens du patriotisme pour écraser les tyrans, pour terrasser les ennemis du bien public; ou plutôt puissent tes cendres les échauffer de l'amour de la patrie! puissent-ils devenir sincèrement nos frères, ne faire avec nous qu'un cœur (génie puissant! veille encore du haut des cieux sur nous)! Souffle dans toutes les âmes de nos représentans qui te survivent l'esprit qui t'animait, et qu'ils achèvent glorieusement ce bel ouvrage dont tu as donné le modèle.....

Citoyens de tous les âges, cessons de gémir et d'insulter par des larmes aux mânes de Mirabeau. Voyons s'il a dignement rempli sa mission, et jugeons-le pendant sa vie : un homme en impose par son éloquence et son crédit; mais à la mort l'homme reste, et le héros s'évanouit. Examinons donc ses actions. Autrefois en Égypte, après la mort d'un roi, son cadavre était exposé aux yeux de ses sujets; la flatterie baissait enfin la voix, chacun avait le droit de le condamner ou de l'absoudre. Était-il coupable, le corps était rejeté de la sépulture. Était-il compté parmi les bons rois, on lui en rendait les honneurs. Aujourd'hui ce n'est pas un roi qu'il faut juger, mais un homme choisi

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