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qu'allait comporter leur vie. Leurs petits yeux affleuraient, seuls points sombres dans ces mignonnes aux transparences de sucre d'orge. Vivraient-elles, si frèles, si chétives?

Le second jour, leur allure hésitante se raffermit. Elles se mettent à l'oeuvre. Dans la digue qui les tient closes, elles creusent un ravin sur une largeur et une hauteur de 1 mm. Cette brèche exigue leur suffit pour s'échapper de la prison maternelle. Au delà, elles trouvent un accès facile vers un tube tout proche, contenant de l'eau sucrée. Elles s'en approchent avec précaution, tâtonnant des mandibules, faisant songer aux aveugles qui, les mains étendues, explorent la route. Puis elles se mettent à lamper, toutes perdues dans leur dégustation. Enfin, comme à regret, appesanties, elles cheminent lourdement vers le nid, en musant, comme l'écolier qui, après diner, s'en retourne à l'école.

Les jeunes ouvrières avaient donc mangé. Elles pourraient nourrir leurs mères suivant l'usage de la gent fourmi. L'avenir paraissait assuré, la colonie fondée.

Novembre vint. Les autres cocons ne s'ouvraient pas. Les froids ralentirent, puis éteignirent la vie. Mes trois petites nouvelles venues, elles aussi, dépérissaient: plus de travaux, plus d'appétit. Elles moururent. Leur petit corps de cristal fauve alla rejoindre les cocons desséchés, épars dans un coin, et les langes de leurs naissances si espérées, devinrent leurs linceuls, après une existence éphémère.

Le lecteur se rappellera que, seuls, des deux cents reines, deux groupes avaient survécu un groupe de six reines, dont nous venons d'exposer l'histoire : leurs espérances, leur dévouement, leurs désillusions et leur insuccès. Puis un groupe de trois reines, laissé jusqu'ici dans l'ombre. Qu'advint-il de ce dernier? Hélas! ces trois reines, restées sans progéniture, menèrent une vie

calme, oiseuse et inutile. Au début de l'hiver, elles suivirent dans la mort leurs compagnes trépassées.

Toutes ces morts se ressemblent. Le géranium malade jaunit. Le Lasius flavus perd son éclat soyeux; les teintes bleutées sombres s'épurent, les teintes noires bronzées s'éclaircissent, le jaune s'accentue. Dans ces tons, en mars, le jour meurt sur la prairie. L'abdomen, gonflé, les arceaux ventraux distendus, les petits poils parallèles érigés en forme de couronne ou de tiare, les mourantes trainent la tarière, lamentablement engluée au sol. Puis elles se couchent. Tout leur désir de vivre s'épuise en vains efforts pour ne pas se tourner le dos. Les pattes se contractent, puis s'étendent vers le haut, et se raidissent en un dernier geste de lassitude et d'abandon au destin.

Vient alors l'enterrement : les survivantes ouvrent l'agger, grain par grain. Puis l'une saisit la morte par la bouche, une autre par les pattes de devant, et l'on hale la dépouille avec hâte; elle glisse sur le dos; le passage de la brèche s'opère péniblement. On déploie toutes ses forces, on tire; le cadavre entre dans le monde extérieur. Là on le cale dans un coin, et on entasse du sable autour de lui. Enfin, on s'en retourne en refermant la brèche faite dans l'agger. Le travail fait oublier la morte. Ainsi en est-il aussi chez les hommes.

Le mois de novembre fut donc désastreux. Même dans le vaillant groupe des six, il fallut enregistrer deux décès.

Quatre survivantes restaient donc suprême espoir et suprême pensée.

Avec le printemps elles pondirent. Tout le processus narré plus haut se reproduisit, mais avec une accélération qui m'étonna.

Le 20 mai 1918, de jeunes ouvrières, au nombre d'une douzaine, étaient nées et, cette fois, contraire

ment à toute attente, un peu plus vigoureuses d'aspect. C'était le noyau d'un nid viable parfaitement constitué.

Les mères avaient eu la vie dure: elles avaient vaincu la faim longue et les intempéries d'un milieu artificiel, forcément nuisible au développement normal de la vie.

Ainsi donc, tandis que l'abeille, sa parente, essaime avec ses suivantes, pour aller fonder une colonie nouvelle, la fourmi, absolument seule, ne pouvant compter que sur ses seules ressources, se suffit à ellemême et parvient à propager sa race, à force de patience, d'abnégation. Tantae molis erat...

R. DE SIMPEL, S. J.

VARIÉTÉS

I

QUEL FUT L'AUTEUR DU

« DE QVADRANTE GEOMETRICO LIBELLVS ÉDITÉ A NUREMBERG, EN 1594,

AUX FRAIS DE CORNEILLE DE JODE? (1)

L'excellent mémoire de M. Van Ortroy, relatif à l'Euvre cartographique de Gérard et de Corneille de Jode, forme le 44 fascicule du RECUEIL DE TRAVAUX PUBLIÉS PAR LA FACULTÉ DE PHILOSOPHIE ET LETTRES DE L'UNIVERSITÉ DE GAND. Disons tout d'abord qu'il se distingue par le souci de l'exactitude auquel l'érudit professeur nous a habitués et qui fait le mérite principal d'une étude bibliographique.

Les de Jode sont très oubliés; bien à tort cependant, car ils furent l'un et l'autre des géographes de valeur. Dans son Histoire des Sciences Mathématiques et Physiques chez les Belges (2), Quetelet ne prononce pas même le nom de Gérard de Jode. Quant à Corneille, fils de Gérard, voici tout ce que l'historien belge trouve à en dire

« Géographe de mérite... Cornelius Jode d'Anvers... avait parcouru la Norwége, le Danemark, l'Islande et d'autres régions éloignées, malheureusement il fut enlevé à la fleur de son âge. En revenant d'Espagne il voulut rapporter avec lui une grande quantité d'or qu'il avait gagnée pendant ses voyages; mais, en

(1) A propos de L'OEuvre cartographique de Gérard et de Corneille de Jode, par Fern. Van Ortroy, professeur à l'Université de Gand. Gand, E. Van Goethem, 1914. Un volume in-8°, xxxv et 131 pages, avec 5 planches hors texte et en tête un portrait de Gérard de Jode, d'après Fr. Van den Wyngaerde. (2) Bruxelles, Hayez, 1864, pp. 125-126.

cherchant à éluder les décrets royaux qui défendaient l'exportation de ce métal précieux, il devint victime de son imprudence. Il se fit une cuirasse d'or, et par suite d'un brusque refroidissement, il fut saisi d'un mal de poitrine et mourut en 1600, à peine àgé de 30 ans. Il fut enterré à Sainte-Walburge et ses frères lui firent dresser une épitaphe commémorative. »

M. Van Ortroy nous en donne le texte (1), qui précise la date de la mort de Corneille et la place au 18 octobre 1600. L'épitaphe corrige aussi l'àge attribué par Quetelet au défunt et nous apprend qu'il était dans sa 32 année et non pas «àgé à peine de 30 ans ».

Gérard de Jode, père de Corneille, naquit à Nimègue, en 1509, et mourut à Anvers le 5 février 1591, dans sa maison de la rue des Boggards, dont il était propriétaire. Son corps fut inhumé au cimetière Notre-Dame. Gérard de Jode appartenait à la noblesse, comme en témoignent les armoiries de la famille qui ornent le portrait placé par M. Van Ortroy en tête du volume.

Après avoir achevé ses humanités, Gérard servit pendant quelques années dans les armées de Charles-Quint; puis il s'établit à Anvers, qu'il ne quitta plus, et où il acquit le droit de bourgeoisie, le 26 juillet 1549. Dès 1547, il fut reçu dans la gilde anversoise de Saint-Luc en qualité de franc-maître; il était alors marchand d'estampes, printvercooper ». Un octroi du 10 décembre 1550 lui accorda la licence d'imprimeur.

Mais, plus tard, par une ordonnance du 19 mai 1570, le duc d'Albe enjoignit aux imprimeurs et libraires, de reproduire, endéans les vingt jours, leurs lettres d'admission, pour qu'elles fussent renouvelées après examen devant Christophe Plantin, nommé prototypographe des Pays-Bas, le 10 juin 1570. Gérard de Jode se présenta, dans ce but, à Plantin, le 14 octobre de la mème année, et après six jours il fut de nouveau autorisé à faire rouler ses presses. Le certificat qu'il reçut à cette occasion le qualifie de « tailleur et graveur de figures en cuivre ».

Gérard de Jode, dit encore M. Van Ortroy auquel j'emprunte tous ces détails, était doué d'un rare talent et d'un esprit varié. Quoique versé dans des arts différents, il ne cessa jamais d'être graveur et imprimeur. Il fit mieux. De simple «constvercooper », marchand d'images qu'il était au début de sa carrière, il ne tarda pas à se ranger parmi nos plus importants éditeurs et

(1) Pp. XXVII et XXVIII.

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