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son caractère, aussi bien que la sûreté de son amitié; les circonstances pouvaient lui amener, d'un jour à l'autre, dans l'enseignement un avancement que tous désiraient pour lui. Mais Halphen était à la fois un savant et un soldat, il aimait l'École et il aimait l'Armée, et la passion de la Science n'avait jamais étouffé chez lui le goût de la vie militaire. En octobre de cette année, il obtint de quitter l'École Polytechnique et de reprendre à l'Armée son service actif. Promu depuis deux ans au grade de Chef d'escadron, il fut envoyé à Versailles pour y commander les batteries du 11° régiment d'Artillerie.

Ce goût prononcé de la vie de soldat et le désir d'y retremper pendant quelques années ses forces physiques, qui commençaient à ne plus s'accommoder de son labeur intellectuel trop intense et trop continu, furent-ils les seuls motifs de son départ de P'Ecole? Peut-être, mais il nous revient en souvenir qu'à cette époque, à la fin de l'année 1886, les officiers de l'Armée française, comme de l'Armée belge, étaient assaillis de patriotiques préoccupations: l'atmosphère politique de l'Europe était devenue soudainement très lourde. L'horizon se chargeait d'orage, du côté de l'Est (1). L'Allemagne se montrait inquiète de voir la France se relever trop rapidement et trop bien de ses désastres de 1870. Guillaume Ier semblait près de disparaître de la scène le début du règne nouveau n'allait-il pas donner le signal de l'explosion? Quoi qu'il en ait été de ses arrière-pensées, lorsqu'il reprit son poste à l'Artillerie, nous pouvons saluer en ce Commandant Halphen, un de ces nombreux et admirables officiers supérieurs, à l'àme et aux qualités très françaises, dont la haute intelligence et l'incessant effort surent donner dès cette époque à la France une organisation militaire très redoutable les voisins de l'Est durent préparer trente ans encore leur attaque.

La carrière d'Halphen ne devait pas être longue. Durant deux ans et demi, il sut concilier avec ses devoirs militaires son zèle

(1) Dans la Correspondance entre Léopold II et Auguste Bernaert (18841894), que vient de publier le Professeur Van der Smissen, on lit avec un intérêt infini l'échange de réflexions qui se fit, à l'époque dont nous parlons, entre le souverain et son ministre. Le Roi déclare de son devoir de prêter une oreille attentive aux avertissements qui lui viennent de Berlin et de Paris, et de prendre ses dispositions: on l'invite « à défendre les routes militaires » qui passent en Belgique ». Il y a lieu, notamment, de discuter le problème de la défense des positions de Visé et de Saint-Trond. On lira volontiers la lettre du 17 janvier 1887. Ces pressantes lettres de Léopold II et la collaboration du Roi et de Beernaert aboutirent bientôt à la mise sur pied définitive du projet de fortification de la Meuse.

pour la Science. Malgré son éloignement de Paris, il fut assidu aux séances de l'Académie des Sciences; il continua de s'intéresser aux choses de l'École Polytechnique et se vit nommer membre du Conseil de perfectionnement de cette École. Sans rien retrancher au temps et aux soins qu'il consacrait à ses occupations professionnelles, il réserva ses instants de loisir et trop souvent de nombreuses heures de ses nuits à ses études scientifiques. Il acheva de rédiger et publia le Tome II de son Traité des Fonctions elliptiques et approfondit son étude des théories abstruses qu'il réservait au Tome III. Mais l'organisme humain a une puissance de travail limitée. Le 11 mars 1889, il présenta à l'Académie une Note sur la division des périodes elliptiques peu de semaines plus tard, sa santé s'ébranla et le 21 mai 1889, au moment où il allait être promu au grade de lieutenant-colonel d'Artillerie, la mort, hâtée par ces travaux excessifs de l'officier et du savant, venait le frapper prématurément et presque soudainement. Georges Halphen n'avait point quarante-cinq ans.

L'un des fils de Georges Halphen, unissant comme lui la passion des armes et l'amour de la Science, a collaboré à l'édition des Euvres de son père que nous présentons au lecteur. La guerre allemande interrompit cette collaboration, que la piété filiale lui rendait chère, et le 15 mai 1915 Charles Halphen fut glorieusement tué à l'ennemi, à Neuville-Saint-Vaast.

Le fils était digne du père. Tout en regrettant qu'ils n'aient pas été des nôtres par les croyances religieuses, nous saluons volontiers leur mémoire : ils ont été l'un et l'autre des hommes de science et des hommes de devoir.

Le rôle que les travaux d'Halphen ont joué dans l'avancement de l'Analyse et de la Géométrie, tend à cesser. Trente ans durant, d'autres ouvriers, vaillants et hardis, ont continué d'élever l'harmonieux et superbe édifice. Aux regards de la génération présente, l'œuvre d'Halphen apparaît déjà à plusieurs comme un monument du passé; mais elle mérite que l'on revienne parfois l'étudier et que l'on se modèle sur elle, car elle appartient aux parties de la Mathématique les mieux construites, les plus achevées et où, en plusieurs places, il n'y a plus à toucher. François Bacon a dit : Multi transibunt, sed augebitur Scientia. Incessant est le providentiel progrès de la Science les savants passent, mais la Science reste et grandit.

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B. LEFEBVRE, S. J.

IV

LES MEDICATIONS PSYCHOLOGIQUES

D'APRÈS LE

D PIERRE JANET (1)

Il est fort heureux que la plupart des névropathes n'aient pas le caprice ni les moyens, avant d'adopter un traitement, de consulter un bien grand nombre de guérisseurs attitrés; et nous entendons seulement des guérisseurs honnètes.

Sans doute, nul n'enverrait plus ces malades porter, comme dans les temps antiques, leur offrande et leur espoir aux pieds du dieu de la santé, dans quelque « Asclépieion » à la mode (2); et probablement même aucun conseiller sérieux ne les convierait plus, comme il arriva si souvent durant la première moitié du XIXe siècle, à faire la chaine autour d'un mystérieux « baquet magnétique moderne avatar des médications thaumaturgiques de l'antiquité ou bien à se pamer sous les « fluides >> enveloppants d'un hypnotiseur d'occasion. En général, la foi dans les thérapeutiques du « mystère » est en baisse : nos méde cins contemporains n'ajouteraient pas à leur crédit en s'affu blant, tel jadis Mesmer, «d'une longue robe de soie lilas clair », non plus qu'en multipliant sur leurs malades les passes bizarres et compliquées des premiers magnétiseurs.

(1) Dr Pierre Janet, membre de l'Institut, professeur de psychologie au Collège de France. Les Médications psychologiques. Études historiques, psychologiques et cliniques sur les méthodes de la psychothérapie. Tome 1: L'action morale, l'utilisation de l'automatisme, in-8o, 346 pages. Tome II: Les économies psychologiques, in-8°, 307 pages. Tome III: Les acquisitions psychologiques, in-8°, 494 pages, avec table onomastique et table alphabétique générales. Editeur Félix Alcan, Paris, 1919.

(2) Nous ne parlerons pas ici des effets que peut avoir la prière chrétienne pour la guérison des corps ; car il y intervient trop d'éléments extra-médicaux; et il serait vraiment un peu simple d'assimiler en bloc, comme semble le faire M. Pierre Janet, le temple d'Épidaure et la grotte de Lourdes. Nous ne parlerons pas davantage de la psychothérapie inconsciente qui peut se dissimuler sous des superstitions de bas étage ou bien sous des pratiques purement charlatanesques.

Nous nous glorifions volontiers, aujourd'hui, de discerner, sous les procédés anciens de cure, certains facteurs élémentaires, réellement agissants, noyés dans un contexte fantaisiste qui les faisait méconnaitre ; et nous expliquons par eux le succès quelquefois éclatant de pratiques souvent étranges, sinon absurdes. Malgré cet incontestable progrès de notre esprit critique, la situation présente de la médecine mentale n'offre peut-être pas de quoi tellement nous enorgueillir. Que d'incertitudes encore dans le traitement des névroses!

Voici un névropathe, dont la psychasthénie a résisté aussi bien aux régimes végétariens qu'à l'intoxication par les viandes et les toniques. A qui l'adresserons-nous ?

Nous avons littéralement l'embarras du choix.

S'il ose s'aventurer jusqu'à ces frontières brumeuses, où l'art médical confine à une vague philosophie et à une très vague religiosité, il rencontrera les adeptes diplômés de la «Christian Science », qui lui assureront, souffrit-il d'un ulcère d'estomac, qu'il n'a nul besoin de cure, attendu que le mal physique n'est rien, pas plus que le corps et la matière; la mort mème, la suprême maladie, n'est qu'une illusion de nos yeux obscurcis.

Peut-être notre malade ne sent-il qu'une médiocre appétence pour cette mixture approximative et confuse d'éléatisme et de stoïcisme, baptisée, on ne sait pourquoi, d'un nom chrétien. En ce cas, jetons-le dans les bras respectables de la «New Thought»: là, du moins, il n'entendra point nier la réalité du corps et du mal physique; on soignera mème ses bobos organiques; mais il écoutera les discours persuasifs de professeurs d'Université et de médecins authentiques lui répétant à satiété « qu'on ne guérit point le corps par le corps, mais le corps par l'àme ».

Si la perversité de notre mauvais sujet le rend insensible à cette moralisation un peu imprécise et ondoyante, rembarquons-le vite pour l'Europe (car, faut-il le dire? la Christian Science et la New Thought sont écloses, en liberté, sur le sol américain); à Berne, le Dr Dubois, avec sa belle confiance dans l'efficacité thérapeutique de la conviction rationnelle, le condamnera, pour la forme, à quelques jours de repos et de régime lacté, puis, dans un corps à corps vigoureux, démolira chez lui les idées fixes, dissipera les phobies, redressera les aboulies par des leçons familières de philosophie pratique.

N'est-ce point assez, et le malade s'obstine-t-il à ne pas mépriser philosophiquement » sa fatigue ou ses manies? Essayons

alors de l'amener à la clinique de Déjerine, à Paris : dans l'isolement du repos au lit, entre quatre rideaux constamment tirés, sous la répétition discrète d'entretiens moralisateurs et encourageants, il finira bien par se calmer et s'assagir.

Mais il arrive, hélas, que la guérison ne soit qu'apparente, et, selon la malicieuse insinuation du Dr Pierre Janet, marque seulement une instinctive réaction de défense contre l'ennui des rideaux clos. Que faire de notre aboulique, repris soudain par ses scrupules, par sa fatigue, par ses phobies de l'action, que sais-je ?

Heureusement, il existe encore, à Paris et ailleurs, de bons Docteurs compatissants, qui croient à la réalité physiologique de la fatigue des névropathes: le Dr Deschamps, par exemple, lequel, à l'imitation de Weir Mitchell (dont on connaît les cures fameuses, et déjà surannées, de repos et de suralimentation), diagnostique volontiers l'asthénie» vraie. D'après lui, notre malade reste, certes, capable d'un sursaut momentané d'activité, mais il manque d'une « réserve d'énergie » : c'est un

asthénique ». Et s'il est un véritable «asthénique », on aura beau, comme le Dr Dubois, lui prêcher de mépriser sa fatigue : on n'aboutira qu'à l'épuiser davantage. Repos donc, mais sans le gavage de Weir Mitchell et sans la claustration excessive de Déjerine; repos, c'est-à-dire économie de forces, à l'effet, soit de lui reconstituer un capital énergétique disponible, soit du moins de maintenir l'équilibre entre son avoir et ses dépenses.

La théorie du Dr Deschamps prévoit, sagement, qu'en certains cas la cure modérée et raisonnable par le repos pourra s'éterniser. Si notre névropathe n'est point un de ces sujets d'élection qui font la gloire des « Cliniques » et la réclame vivante des Traitements », il se lassera peut-être de progrès trop imperceptibles, et le pauvre se remettra en quête de remèdes plus puissamment efficaces. Le voilà de nouveau livré à ses phobies, à ses impuissances, à ses hésitations, à ses paresthésies, à ses contractures, à ses tics. Espérons qu'en cette beure critique, il aura la bonne fortune de passer devant la porte du D' Meige ou du D' Lagrange, qui réussiront peut-être, grâce à leurs procédés de rééducation physique, à le débarrasser de ses tics moteurs et de ses attitudes « désharmoniques ». Ce succès partiel pourrait devenir l'amorce d'une guérison plus complète la rééducation motrice inaugurerait alors une de ces cures de rééducation intégrale des fonctions psychiques, telles qu'en

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