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rectangle blanc, sur lequel court ma plume, c'est, au point de vue cognitif, tout à la fois le contenu de ma sensation et l'extérieur de ma feuille de papier: point d'intermédiaire interposé. Mais puisque le « sens » laissé à lui-même n'atteint des choses que cette configuration, ce modelage, qui leur est commun avec lui, son acte propre ne changera pas, qu'il subsiste ou non un objet réel et distinct sur la face externe de ce modelage; or - les scolastiques l'ont admis depuis longtemps- ce modelage de la faculté sensible peut persister après disparition de l'objet, ou même, exceptionnellement, résulter de l'action équivalente d'autres

causes.

Le sens met le sujet en contact avec du réel mais ne discerne pas, par soi-même, le réel. La critique de la donnée sensible et la perception proprement dite du réel ressortissent à une faculté supérieure, la faculté de l'« être », l'intelligence. Or, l'exercice purement psychologique de cette faculté chez l'homme offre un spectacle de prime abord déroutant. La matière prochaine sur laquelle s'exerce l'activité intellectuelle est constituée tout entière par les données de la sensibilité, par des éléments essentiellement relatifs done; d'autre part, l'acte intellectuel est une affirmation absolue de quelque chose qui dépasse le phénomène sensible; mais ce quelque chose n'est affirmé qu'en fonction du phénomène sensible, n'est atteint par l'intelligence que dans ce phénomène sensible. L'acte intellectuel, considéré isolément et dans les conditions présentes de son exercice, est donc constructif, synthétique, mais non pas strictement intuitif: il réédifie, sur la face interne du modelé phénoménal, l'unité supra-phénoménale qui en est le soutien externe et objectif; en d'autres termes il retrouve, dans l'apparence sensible, l'être absolu de l'objet qui la sous-tend.

Et telle est la réaction spontanée de l'intelligence

humaine sur la donnée sensible: ce premier mouvement est une affirmation absolue et inconditionnée d'être, un jugement de réalité au sens illimité du mot. A l'unité encore multiple de l'espace, dans laquelle s'étaient rencontrés l'objet et le sens, l'intelligence superpose sans restriction et sans défiance l'unité supérieure et transcendante de l'être; une fois déclanchée par le signe phénoménal, d'emblée elle va jusqu'au bout de sa course et pose cet « Absolu », cette « Unité » qui est à la fois. son mobile et sa fin. Mais il en est de l'intelligence comme de l'enfant dont la conscience vient à peine de s'éveiller elle doit apprendre, à l'école des désillusions successives, l'art de douter et de ménager ses adhésions. Elle doit apprendre que l'affirmation d'être, qui exprime son mouvement interne, dépasse infiniment en portée le fragment de réalité accroché aux présentations sensibles isolées.

Nous avons vu comment se fait cette éducation du pouvoir d'affirmer; elle repose tout entière sur ces deux lois fondamentales de la pensée : le mouvement primitif et naturel de l'esprit est d'affirmer l'être ; mouvement est arrêté net par la contradiction logique et suspendu par la possibilité entrevue de la contradiction.

ce

Et si l'on voulait chercher la raison profonde de ces lois, peut-être trouverait-on ceci que l'intelligence humaine n'est pas un simple miroir reflétant passivement les objets qui passent à sa portée, mais qu'elle est une activité, orientée dans son fond le plus intime vers un terme bien défini, le seul qui puisse l'absorber complètement, vers l'Etre absolu, le Vrai absolu. L'Absolu a mis sa marque sur la tendance foncière de notre intelligence; aussi bien cette tendance dépasse-t-elle constamment les intellections particulières : l'esprit, par son dynamisme interne, est chassé d'intellection en intellection, d'objet en objet; mais tant qu'il gravite

dans la sphère du fini, en vain s'efforce-t-il d'égaler son mouvement interne, de se reposer dans la plénitude de son acte, d'affirmer l'être purement et simplement. Et cette dénivellation, cette disproportion de la tendance et de l'objet actuel est la condition même du raisonnement, le stimulant de cette « curiosité » toujours insatisfaite, dans laquelle les anciens Scolastiques avaient bien remarqué le principe de toute spéculation.

L'esprit humain est donc une faculté en quête de son intuition, c'est-à-dire de l'assimilation avec l'être, avec l'être pur et simple, souverainement un, sans restriction, sans distinction d'essence et d'existence, de possible et de réel (1). Mais ici-bas, au lieu de l'Un, il rencontre le multiple, le fragmentaire. Or, dans l'ordre de la vérité, la multiplicité non réduite des objets suspend l'affirmation et engendre le doute, de même que, dans l'ordre du vouloir, la multiplicité non réduite des fins engendre l'indifférence et suspend l'action. Devant un objet unique, dont rien ne manifesterait la finitude et la multiplicité au moins potentielle, l'intelligence, nous l'avons dit, ne pourrait qu'émettre une affirmation absolue de réalité; mais qu'apparaisse la multiplicité, il faudra d'abord la réduire pour pouvoir en affirmer les éléments; et si la réduction ne se fait que par coordination, ceux-ci ne participeront de la réalité affirmée que dans la mesure où ils participent à la totalité unifiée dont ils font partie. L'affirmation de réalité n'est

(1) Ceci, avec toutes les conséquences qui en découlent, est l'enseignement authentique de S. Thomas. (Cf. par ex. Summa contra Gentes. Lib. III, cap. 37 ad 63). Les chapitres 37 à 40, 50 à 53 sont particulièrement significatifs au point de vue qui nous occupe. Si leur interprétation laissait quelque doute en l'esprit, nous renverrions au Commentaire de François de Ferrare (S. Thomae Aquin., Doct. ang., O. P. De veritate cathol. fidei contra gentiles, cum commentariis Fis Francisci de Sylvestris, Ferrariensis. Parisiis 1643). Nous jugeons superflu d'accumuler ici les références, d'autant plus que la nature de l'intellection dans la philosophie thomiste a été mise en brillante lumière dans un livre récent, auquel nous ne pouvons mieux faire que renvoyer nos lecteurs: P. Rousselot, L'Intellectualisme de S. Thomas. Paris, 1908.

donc autre chose que l'expression de la tendance foncière de l'esprit à s'unifier dans et avec l'Absolu : cette affirmation n'aurait sa pleine valeur que dans l'intuition directe de l'Absolu; elle garde cependant une valeur diminuée et analogique dans son application à tout objet qui met en branle l'activité de l'esprit et se laisse coordonner à la totalité des objets déjà affirmés: les objets sont réels de la façon et dans la mesure où ils convergent vers l'unité totale de l'esprit, ou plutôt, les objets ne sont irréels que de la façon et dans la mesure où ils en divergent.

Nous avons dit plus haut et il est peut-être bon de le rappeler ici que le phénoménisme, méconnaissant la nature active de l'esprit et sa « polarisation » transcendante, échoue à refaire la synthèse de la « croyance » au réel. Mieux inspirée fut la psychologie thomiste, en cherchant au fond même de l'esprit l'élément actif essentiel à cette croyance.

Il nous reste maintenant, pour clore cet article, à esquisser quelques applications des remarques qui précèdent à l'expérience mystique.

(A suivre).

J. M., S. J.

VARIÉTÉ

LE MOUVEMENT BROWNIEN

L'étude du mouvement brownien a été reprise récemment par plusieurs physiciens : ils cherchent une vérification quantitative de l'explication thermodynamique, purement qualitative, qu'on en a donnée jusqu'ici (1). Notre intention n'est pas d'analyser ces travaux, sur lesquels nous aurons peut-être l'occasion de revenir. Nous voulons simplement rappeler l'attention sur les observations et les vues théoriques qui en sont le point de départ.

« Le très grand intérêt théorique présenté par les phénomènes du mouvement brownien, écrit M. P. Langevin, a été signalé par M. Gouy (2): on doit à ce physicien d'avoir formulé nettement l'hypothèse qui voit dans ce mouvement continuel des particules en suspension dans un fluide un écho de l'agitation thermique moléculaire, et de l'avoir justifiée expérimentalement, au moins de manière qualitative, en montrant la parfaite permanence du mouvement brownien et son indifférence aux actions extérieures lorsque celles-ci ne modifient pas la température du milieu (3). »

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(1) A. Einstein, ANN. D. PHYSIK, 4 série, t. XVII, 1905, p. 549; t. XIX, 1906, p. 371. — von Smoluchowski, ANN. D. PHYSIK, 4 série, t. XXI, 1906, p. 756. - T. Svedberg, Studien zur Lehre von den kolloïden Lösungen, Upsala, 1907. P. Langevin, COMPTES RENDUS DE L'ACADÉM. DES SCIENCES, t. CXLVI, 1908, p. 530. Jean Perrin, IBID., t. CXLVI, 1908, p. 967. —. Victor Henri, IBID., t. CXLVI, p. 1024 et t. CXLVII, 1908, p. 62. — Jacques Duclaux, IBID., t. CXLVII, 1908, p. 131. Jean Perrin, IBID., t. CXLVII, 1908, p. 475. Chaudesaigues, IBID. t. CXLVII, 1908, p. 1044. Voir aussi, dans LA REVUE DU MOIS : Jean Perrin, La Discontinuité de la matière, t. I, p. 323, 10 mars 1906; IBID., Jean Perrin, Peut-on peser un atome avec précision? t. III, p. 513, 10 novembre 1908.

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(2) Gouy, JOURNAL DE PHYSIQUE, 2o série, t. VII, 1888, p. 561; COMPTES RENDUS, t. CIX, 1889, p. 102.

(3) P. Langevin, COMPTES RENDUS, t. CXLVI, 1908, p. 530.

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