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TYRIENS ET CELTES EN ESPAGNE

L'exploitation des richesses minérales de l'Occident fut la grande source de la prospérité des Phéniciens et leur constante préoccupation. Aucune nation n'a été comme eux mêlée au développement des autres, car, véritables parasites, ils s'enrichissaient à leurs dépens. Dans l'histoire de leurs colonies se reflète done celle des principaux peuples contemporains: aussi est-il du plus haut intérêt de la dégager des mystères qui T'enveloppent. La tradition nous prête pour cela un précieux appui, mais elle est impuissante à résoudre les grands problèmes qui nous préoccupent. Les trouvailles archéologiques à leur tour commencent à livrer de nombreux témoins de l'activité phénicienne, et nous permettent, avec le secours des données historiques, de reconstituer le tableau d'ensemble des relations entre la Phénicie et l'Occident.

Les lecteurs de cette REVUE ont pu voir la tentative que j'ai faite pour reconstituer la période la plus ancienne de l'influence phénicienne dans l'Ouest européen, période que je fais remonter à la dernière phase de l'age de la pierre. Depuis, les découvertes se sont multipliées, et j'ai cru pouvoir introduire une plus grande précision dans l'interprétation du rôle des Phéniciens chaque fait nouveau en fait ressortir l'importance. De plus en plus nombreuses sont les preuves de leur commerce très étendu, qui avait comme objet principal l'exportation des métaux rares: l'étain

de l'Armorique, dont les îles étaient les Cassitérides, et l'argent de l'Espagne ou Tarshis, sans parler du cuivre, de l'ambre baltique, du jais britannique, de la turquoise occidentale, de l'oeuf d'autruche, de l'ivoire d'éléphant et d'hippopotame, et des parfums de l'Orient. Les Phéniciens ne se limitaient pas à établir des colonies sur les côtes: ils avaient envahi pacifiquement l'intérieur du pays, du moins dans le Sud et l'Ouest de la Péninsule, et ils en étaient réellement les maîtres. Leur influence couvrit l'Occident de monuments funéraires, et y implanta profondément leurs idées religieuses.

Toute cette période correspond à l'hégémonie de Sidon; elle prit fin, d'après mes calculs, vers le xir° siècle, par suite de l'invasion de peuples venus du centre de l'Europe, et qui détruisirent le monopole commercial des Phéniciens.

La deuxième phase de l'activité phénicienne débute avec l'avènement de Tyr et finit lors de la destruction de celle-ci par Nabuchodonosor, de 587 à 574.

La troisième est celle de la suprématie de Carthage et se prolonge jusqu'à la domination romaine.

C'est de la seconde époque que je vais m'occuper : je tâcherai de déterminer aussi exactement que possible la nature et l'importance du rôle des Phéniciens en Espagne par les restes matériels qui marquent leur présence.

Lorsque Tyr reprit la direction des affaires, l'aspect de celles-ci avait bien changé au lieu de populations ignorantes et paisibles, elle trouva en Occident une nation civilisée et guerrière; au lieu d'amis et alliés, des ennemis et concurrents. La lutte par les armes était impossible la Phénicie ne possédait pas d'armées et ne pouvait songer à se mesurer avec un semblable

adversaire; la possession du sol était irrémédiablement perdue. Pour comble de malheur, à en juger d'après certains textes anciens, les nouveaux maîtres du pays avaient des relations amicales avec les Grecs, rivaux irréconciliables des Phéniciens. Cette sympathie était naturelle l'invasion du Nord avait atteint la Grèce aussi bien que l'Espagne; après les temps de lutte, envahisseurs et indigènes s'étaient fondus en une seule race; il y avait donc un certain degré de parenté entre les populations des deux péninsules, et de toute façon le Phénicien expulsé était l'ennemi commun. Les Grees, qui aspiraient à faire la concurrence aux Phéniciens, profitèrent de la nouvelle situation et établirent des relations commerciales avec l'Occident.

Les Phéniciens cependant luttèrent avec le courage et l'opiniâtreté qui caractérisaient leur race. Leur marine restait supérieure à celle des Grees, et si le monopole du commerce méditerranéen était perdu pour eux, ils réussirent à empêcher leurs rivaux de pénétrer dans l'Océan. Pour garder le détroit, les Tyriens fondèrent Gadir vers l'an 1100. D'après la tradition, le choix de l'emplacement avait été décidé après deux autres tentatives, abandonnées parce que les augures ne s'étaient pas montrés favorables; cela signifie probablement qu'elles s'étaient heurtées à des obstacles, provenant sans doute des dispositions hostiles des habitants; le manque d'iles le long de la côté méridionale rendait la solution du problème fort difficile.

On remarquera que le premier essai eut lieu dans la partie de la côte riche en mines d'argent et le second près des mines de cuivre, tandis que Gadir n'est pas dans le voisinage immédiat d'une région minière. Elle visait done moins les richesses métalliques locales que, d'une façon générale, la route de l'Océan. C'était une position stratégique, la gardienne du détroit, en même temps qu'un entrepôt et une escale.

Cela prouve que les Phéniciens conservaient encore des relations de commerce avec certaines régions : ils y avaient probablement des alliés, et l'invasion n'avait pas nécessairement supprimé toute possibilité de concurrence, notamment pour l'étain des Cassitérides et les produits des régions insulaires. Les Grecs pouvaient arriver aux Cassitérides par les vallées du Rhône et de la Loire à l'embouchure de celle-ci se trouvait, un peu avant l'époque romaine, une colonie grecque florissante, Corbilo; ils pouvaient aussi, par l'Ebre, arriver aux régions stannifères de la Galice, où s'est perpétué également le souvenir d'établissements grees, tout comme dans le voisinage des mines d'argent du Sud. Mais les routes terrestres de l'étain devaient malgré tout présenter de nombreux inconvénients, et la voie exclusivement maritime lui restait fort supérieure. Aussi les Phéniciens purent-ils continuer à faire concurrence aux Grees, et l'étain de la Celtique est expressément signalé en première ligne parmi les produits qui enrichissaient Gadir.

Jamais les Phéniciens ne revirent une période de prospérité comme celle qui correspondit à l'hégémonie de Sidon ce n'était plus possible à cause de la concurrence grecque et de la consommation locale de l'étain et de l'argent. Aussi, dès que l'usage de ces deux métaux se répand en Occident, nous ne trouvons plus aucune trace de l'influence orientale, aucun de ces objets de pacotille exotique qui marquaient la présence de colons phéniciens. Au lieu de cela, on constate une civilisation qui présente des rapports intimes avec celle du centre de l'Europe et des races celtiques, insensible aux attraits des raffinements de l'Orient, réfractaire à sa religion : si avec cela nous tenons compte des innombrables et très riches acropoles dont elle couvrit l'Espagne jusqu'au bord de la mer et dans les régions qui avaient été le plus exploitées par les Phéniciens, nous

pourrons affirmer qu'à cette époque, la Péninsule resta entièrement ou presqu'entièrement fermée à ceux-ci.

L'invasion des peuples du bronze en Espagne et leur mélange avec les indigènes après les luttes dont témoignent les nombreuses villes fortifiées, donnèrent nécessairement lieu à la formation d'une race mixte. L'histoire de son côté raconte que les Celtes envahirent l'Espagne, soutinrent de longues luttes avec les Ibères, et finirent par conclure avec eux une alliance dont sortit la nation des Celtibères.

Nous pouvons donc identifier les faits que révèlent les fouilles, avec ceux que rapporte l'histoire.

Je place les débuts de l'âge du bronze approximativement vers le XIIe siècle, dans la première partie de l'époque à laquelle on attribue l'hégémonie de Tyr. On vient de voir que pendant sa durée, l'influence orientale fut nulle en Espagne; parmi des milliers d'objets de toilette, à peine un peu d'ivoire pourrait-il lui être attribué. Cependant les Phéniciens n'avaient pas abandonné l'Occident; la fondation de Gadir le prouve, et ils guettaient l'occasion de rentrer en Espagne. Nous allons les voir, pendant l'age du fer, réaliser partiellement leur désir.

Entre les civilisations du bronze et du fer, il y a des différences très considérables, quoiqu'elles soient deux branches sorties d'un même trone. La seconde, dans les districts miniers que j'ai explorés, ne possédait pas de villes fortifiées; ses sépultures, au lieu d'être enfouies dans le sol des maisons sur des acropoles inexpugnables, baties loin des voies de communication, se trouvent, comme au dernier àge de la pierre, sur des collines passes, dans les plaines, près des cours d'eau. L'apparition du fer correspond donc à une diminution sinon à la disparition des caractères belliqueux marquant l'arrivée du bronze. Faut-il pousser l'identification des faits historiques et archéologiques jusqu'à attribuer l'âge du

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