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de la complexité des armes et des engins. La science. ne sera pas en cela la grande régénératrice; elle ne réussira pas à vaincre la guerre, pas plus qu'elle ne réussira à vaincre complètement la nature.

Au fond, il s'agit d'une question morale. L'humanité ne cessera pas de vivre sous l'empire de quelques idées générales, d'être soumise à quelques nécessités essentielles, idées et nécessités toujours les mêmes et qui ne semblent se modifier, s'abolir, renaître à travers les âges, qu'en raison du cadre changeant que leur font les différentes civilisations. Dernière les mots et les formules, l'on trouve toujours l'homme s'acharnant ici bas après le mirage du bonheur et se heurtant constamment au dur horizon de la réalité. Il faut gagner son pain à la sueur de son front, il faut souffrir, il faut lutter. La lutte est en nous, elle est en dehors de nous, elle est dans tout l'Univers, et qui done a dit. les astres dans les cieux se livraient un incessant combat? Il n'y a point de luttes pacifiques quelle singulière antithèse ! Ne plus lutter c'est l'immobilité, la corruption ou la mort.

que

Ayons horreur de la guerre; humanisons-la, cherchons à l'éviter, mais ne l'avilissons pas trop! Qu'elle ne nous surprenne pas dans une quiétude amollissante! Sachons envisager les épreuves qu'elle comporte, les sacrifices que son éventualité nous impose comme une part de nos inévitables misères, comme la rançon de nos jours de prospérité, comme une dette et un devoir. envers la Patrie.

C. BEAUJEAN.

VARIÉTÉS

I

A PROPOS

D'UNE

HISTOIRE DES MATHÉMATIQUES (1)

(Suite)

Lorsque Charlemagne, en la fête de Noël de l'an 800, échangea la couronne royale contre le diadème impérial, il avait, depuis un quart de siècle, donné l'impulsion à ce relèvement intellectuel des nations franques que l'Histoire a appelé la Renaissance carolingienne. Cet heureux mouvement avait été préparé, du reste, par les sages efforts de Pepin le Bref (741-768) : il ne serait pas juste que l'éclat du règne de Pepin, le premier roi des Francs, s'effaçât devant la splendeur du règne de son fils.

Les Mathématiques obtinrent leur part dans les faveurs de ces deux princes. Complètement inconnues en nos pays sous les Mérovingiens, nous les verrons y faire leur apparition sous le fils et le petit-fils de Charles Martel, et désormais, sur le sol belge du moins, elles ne cesseront d'être cultivées, à travers la période qui sépare l'ère de Charlemagne de l'ère des Croisades.

Préoccupé de l'ordre et du progrès, Pepin aimait à prendre

(1) Histoire des Mathématiques, par W.-W. Rouse Ball. Édition française, par L. Freund. - Tome 1, Paris, A. Hermann, 1906. — Tome II, avec des Additions de R. de Montessus. Paris, A. Hermann, 1907.

Voir REVUE DES QUEST. SCIENT., 3o série, t. XII, oct. 1907, pp. 594-607; t. XIII, janv. 1908, pp. 252-267, et avril, pp. 558-578; t. XIII, juillet 1908, pp. 228-235, et oct., pp. 564-580.

pour conseiller l'évêque saint Boniface, ce moine anglo-saxon Winfrid, de son nom barbaredevenu, de docte scholar de l'abbaye de Nursling, l'apòtre de la Germanie et le réformateur du clergé de la Gaule. Le prince inaugura les grandes œuvres qu'acheva Charlemagne : il réforma dans son royaume le système métrique et le système monétaire; il favorisa les obscurs recommencements des études profanes dans les cloîtres monastiques et dans les chapitres collégiaux ; il chercha à s'entourer d'hommes instruits.

Parmi les hommes qu'il sut distinguer pour leur science, citons le moine irlandais Virgile le Géomètre. Abbé du monastère d'Aghaboé, Virgile, ou Feirgil, avait quitté en 743 le cloitre irlandais et était venu sur le continent, accompagné de son ami Dubda le Grec. Pepin, « charmé de sa science comme de sa vertu », le retint deux années à sa cour, et se réjouit de le faire élever dans la suite au siège épiscopal de Salzbourg (1). Ce Virgile est précisément le moine célèbre dans l'histoire des sciences par son affirmation de l'existence, aux antipodes, de terres habitées. Mélangeant en sa personne, sans les fusionner assez, le type ardent du moine celtique, autrefois résumé en saint Colomba d'lona, ou Columb Keillé, et en saint Colomban, et le type plus souple et plus modéré du moine anglo-romain, personnifié alors dans l'archevêque saint Boniface (680-755), le moine irlandais Virgile eut plus d'un démêlé avec le vieil archevêque. En 748, celui-ci le dénonça au pape Zacharie. Il s'agissait — du moins ainsi le comprit le pape de perversà et iniquà doctrinà, quod alius mundus et alii homines sub terrà sint seu sol et Juna» (2). Boniface et Zacharie s'étaient inquiétés, croyant qu'on aflirmait l'existence sur notre globe, sous un autre ciel, de races humaines non adamiques. Il est à croire que Virgile justifia aisément et complètement son opinion sur l'existence de peuples qui à la fois soient nos antipodes et comme nous descendent d'Adam; car nous le voyons sacré en 767 évèque de Juvavia, ou Salzbourg. Il illustra ce siège par sa science et par ses vertus,

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(1) MONUM. GERM. HIST., Script., t. XI, p. 86.

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(2) Mabillon, Acta SS. O. S. B., sæc. III, 2 (Paris, 1672), p. 72. Cf. Ph. Gilbert, Le pape Zacharie et les Antipodes, dans la REVUE DES QUEST. SCIENTIF., Ioo série, t. XII, oct. 1882, pp. 478-503. Touchant les opinions des Pères, voy. S. Augustin, De Civit. Dei, XVI, 9; S. Isidore, Etym., III, 32, 43, 59; Bède, De Naturâ rer., 3 et 36, et De Temporum ratione, 32 et 34. S. Augustin rejetait l'existence de peuples antipodes, parce que l'immensité des océans était, à ses yeux, un insurmontable obstacle aux transmigrations des descendants d'Adam.

jusqu'à sa mort en 784, et Grégoire IX n'hésita pas à canoniser cet apòtre et ce thaumaturge de la Karinthie. — Le dogme de la sphéricité de la terre, proclamé par Parménide d'Élée, mais qui semble remonter à Pythagore - ses connaissances mathématiques lui permettaient de l'établir avait été acquis à la science à partir de Platon : il avait été admis par beaucoup de docteurs de l'Église, tels que saint Ambroise, saint Augustin, saint Isidore. Bède venait récemment de professer cette doctrine antique de la sphéricité, quand Virgile la compléta par l'aflirmation de l'existence de terres antipodes habitées. Le moine irlandais se faisait, pensons-nous, l'écho de la commune croyance des navigateurs bretons: du vie au xe siècle, les Irlandais furent les plus intrépides navigateurs de la chrétienté (1); dès la fin du vr siècle, de nombreux moines gaéliques, disciples de Colomba d'lona, évangélisaient les Orcades, et à la fin du VIIIe siècle les Féroés ils s'établissent en Islande en 793, en attendant l'heure de descendre vers le Nouveau-Monde.

Voici un trait caractéristique du règne de Pepin. Le pape Paul 1, soucieux de complaire au roi des Francs, lui fit un jour, avec toute la munificence qu'il put, un riche envoi de livres, et parmi ces livres, « qui contenaient en germe la renaissance littéraire destinée à s'épanouir peu à peu sous le règne de Charle- . magne » (2), le pontife prit la peine de signaler lui-même au prince un Aristote, des Grammaires et une Géométrie, tous livres, dit-il, écrits en grec omnes Græco eloquio scriptaset, ajoute-t-il, un horologium nocturnum (3). Quelle pouvait être cette Geometrica? Des fragments de l'œuvre d'Euclide? Des écrits des Gromatici? Nous ne pourrions hasarder que des conjectures.

La lettre de Paul I à Pepin ne prouve pas que le roi connût lui-même le grec d'ailleurs, ces livres étaient-ils les écrits grecs eux-mêmes, ou de simples traductions latines des écrits

(1) Voy. les art. de E. Beauvois, dans le MUSEON, Louvain, 1887 et 1888. (2) G. Kurth, Les Origines de la civilisation moderne, ch. XII. (3) Lettre de Paul I à Pepin (écrite entre 758 et 763), dans le Coder carolinus, ou recueil de lettres des papes et des empereurs d'Orient à Charles Martel, à Pepin et à Charlemagne, dressé en 791 par ordre de Charlemagne : « Direximus itaque præcellentiæ vestræ et libros, quantos reperire potuimus id est antiphonale et responsale, insimul artem gramaticam, Aristo[tellis, Dionisii Ariopagitis [nommé, par confusion, au lieu de Denys de Thrace ou de Denys d'Halicarnasse ?], geometricam, orthografiam, grammaticam, omnes Greco eloquio scriptas, necnon et horologium nocturnum (Jaffé, Epist. 24). »

grecs? ni que son éducation dans le monastère de Saint-Denys ait été le moins du monde littéraire et scientifique; mais elle atteste l'intérêt que le roi, au su même du pontife romain, portait aux lettres et aux sciences. Cet intérêt a pu être le fruit de ses relations suivies avec les Irlandais et les Anglo-Saxons (1). Quant à l'horloge de nuit », le sens habituel de ces mots, chez les écrivains tant du Moyen Age que de l'Antiquité (2), désigne les cadrans astronomiques, dont les Grecs se servaient pour déterminer l'heure d'après l'observation des astres. L'instrument envoyé par Paul I était-il l'astrolabe planisphère si compliqué d'Hipparque et de Ptolémée ? N'était-ce pas plutôt le cadran sphérique plus simple, qu'Eudoxe avait emprunté aux Chaldéens? Celui-ci consistait, semble-t-il, dans l'antique cadran solaire hémisphérique creux (le polos ou heliotropium), où l'on emboîtait, pour le transformer en cadran de nuit, une sphère céleste armillaire ou un réseau (arachné) sphérique constellé pour déterminer l'heure à un moment donné de la nuit, on dirigeait vers l'étoile du Nord l'axe de rotation de la sphère ou du réseau, et on amenait contre le cercle d'horizon l'image de la constellation qui en ce moment, dans le ciel, se levait en réalité à T'horizon l'instrument donnait ensuite, grâce à des tables toutes calculées, l'heure correspondante. Mais ces appareils étaient. bien savants, et pour les utiliser il fallait un mathématicien », un astrologue ». Peut-être l'horologium de Paul I n'était-il qu'une horloge à clepsydre, analogue, mais avec moins de complications, à la merveilleuse horloge mécanique que le khalife Haroun-al-Raschid envoya cinquante ans plus tard à Charlemagne et qui jeta la cour franque dans le ravissement.

En 768 apparaît Charlemagne. M. R. Ball définit en ces termes sa restauration scientifique : « Charlemagne, en créant son empire, s'était proposé de développer l'enseignement autant qu'il était en son pouvoir. Il commença par décréter la création d'écoles à côté de chaque cathédrale ou de chaque monastère

(1) Cf. M. Roger, L'enseignement des lettres classiques d'Arsone à Alcuin, Paris, 1905, pp. 427 à 431 et mieux p. 432. — Observons que, dès le milieu du VIIIe siècle, on voit s'améliorer l'orthographe et la grammaire, jusque-là très barbares, des diplômes et des chartes (M. Bonnet, Le latin de Grégoire de Tours, Paris, 1890, p. 83).

(2) Au sujet des horologia, cf. P. Tannery, Recherches sur l'hist. de l'Astr. ancienne, Paris, 1893, ch. II. Sur l'horloge à clepsydre, avec sonnerie et personnages mouvants, envoyée par Haroun à Charlemagne, voy. les Annales {dites] d'Eginhard, année 807; les horloges à clepsydre étaient déjà connues au temps de Vitruve (De Archit., IX, 9).

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