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En l'occurrence du moins n'y a-t-il nullement lieu de s'étonner de voir l'Allemagne occuper le premier rang. Psychologiquement surtout, le fait est fort compréhensible. Si un peuple devait prendre rapidement une place prépondérante dans cette branche de l'industrie, c'était bien assurément le peuple allemand. Patientes études, minutieuses observations, savantes analyses nécessitées par la chimie commerciale, tout cela cadre absolument avec son tempérament et convient parfaitement à son incontestable esprit d'assimilation et d'organisation. L'Allemand est naturellement travailleur, attentif. Il lui appartenait de triompher dans les sciences expérimentales. Remarquons cependant que ce labeur patient est le plus souvent marié à un certain idéalisme. Il faut, en effet, en être imprégné pour travailler, parfois pendant des années, à la solution d'un problème ardu qui, résolu, ne rapporte souvent qu'un profit modeste. Mais le seul espoir soutenant le savant en ce cas, c'est que, au cours de ses recherches, il peut être amené à une grande découverte qu'il lui est impossible de prévoir au début de ses expériences. Les faits ont le plus souvent donné raison à semblable hypothèse, et il est facile de concevoir tout ce que l'imprévu donne d'attachant et d'envergure à cette science plus encore qu'à toute autre.

Si les ingénieurs chimistes ne sont donc pas dépourvus d'un certain idéalisme, cet idéalisme devient tout à fait optimiste pour les patrons. Il est nécessaire en effet d'en posséder une forte dose pour payer une véritable armée de chimistes dont beaucoup travaillent des années entières sans rien trouver qui vaille la peine d'être exploité. Pour un patron américain ce serait de l'argent jeté par les fenêtres. Il lui faut de la production immédiate: << Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras...» L'Allemand, au contraire, patiente, ne se décourage pas, persuadé que les découvertes, en ce genre surtout,

ne s'improvisent pas du jour au lendemain ; et, somme toute, le résultat final lui donne amplement raison.

En dehors de ces considérations psychologiques et inhérentes au caractère allemand, la prépondérance de l'Allemagne en cette branche de l'industrie a d'autres bases scientifiques et rationnelles.

En premier lieu se place la perfection de l'enseignement chimique, tant au point de vue intrinsèque que matériel. En d'autres termes, la doctrine est excellente par elle-même et en outre chaque faculté ou usine est pourvue de laboratoires d'un aménagement très supérieur à ce qu'on trouve en tout autre pays.

à

Depuis que le célèbre Liebig fonda, en 1810, le premier laboratoire de chimie ouvert aux étudiants à Giessen, l'industrie chimique a marché en Allemagne pas de géant. Au cours de la présente étude détaillée de la principale fabrique allemande, nous esquisserons d'autres considérations qui, quoique moins importantes, doivent cependant entrer en ligne de compte et n'ont pas peu contribué à la prospérité présente de la chimie

commerciale chez nos voisins.

A l'époque même où l'Allemagne rançonnait la France de cinq milliards somme énorme qui lui fut de la plus grande utilité car, de l'aveu même des Allemands, malgré la victoire, malgré la perspective de la rentrée de ce trésor dans ses caisses, leur nation se trouvait beaucoup plus éprouvée que la nôtre elle commençait à faire disparaître la culture de la « garance» par la fabrication synthétique de l'alizarine, principe colorant de cette plante. C'est le 14 novembre 1868 que Grache et Liebermann firent breveter en Angleterre la production de l'alizarine.

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Dès 1869, Perkin fabriquait une tonne d'alizarine en pâte à 20 ° revenant à 31 fr. le kilogramme. La France fut particulièrement atteinte, car, surtout en Provence, la culture de la garance y était fort répan

due. A cette date, le département de Vaucluse produisait, suivant les années, de 16 à 20 mille tonnes de garance vendue 76 fr. le quintal à Avignon. Meister, Lucius et Bruning et d'autres fabriques allemandes perfectionnèrent la fabrication en 1875, l'industrie utilise 630 tonnes d'alizarine en pâte à 9 fr. le kilogr., la garance n'est plus vendue que 39 fr. le quintal... En 1878, l'alizarine est à 3 francs : les planteurs d'Alsace et du comtat d'Avignon sont ruinés, la belle garance rosée ne valant plus que 15 franes le quintal. L'usine Badische fabrique bientôt de l'orangé d'anthracène et du bleu d'alizarine... » (1).

Mieux qu'un plus long historique, cette citation montre nettement la chute rapide de la garance perdant 61 francs par quintal en moins de dix ans ! A l'heure présente, on doit considérer la culture de cette plante comme nulle.

Aujourd'hui l'indigo naturel est en train de subir le même sort que la garance. Sous très peu d'années, il est également appelé à disparaitre complètement. Dès maintenant, la culture de l'indigo au Bengale se trouve réduite à un tiers, et très prochainement l'indigo synthétique, c'est-à-dire produit par voie artificielle, remplacera avantageusement l'indigo naturel. La « cochenille », jadis si importante, ne se cultive plus guère; quant au « bois du Brésil », on n'en parle plus. Même le « bois jaune » (Cuba) et le fameux « campêche battent en pleine retraite. Tous ces colorants ont dû céder le pas aux colorants artificiels fait, somme toute, fort logique puisque ceux-ci ont le double avantage d'être produits à l'état plus pur et beaucoup meilleur marché.

Pour tous ces colorants artificiels, le point de départ est le goudron de houille. Ce déchet, presque sans

(1) H. Duchaussoy. Rapport lu à la Société industrielle d'Amiens (19 décembre 1907), p. 41.

valeur autrefois, incommode même, est devenu, dans ces dernières quarante années, une source intarissable des plus précieux produits. Il convient donc de rendre hommage à ce grand bienfaiteur, récemment encore inconnu et méprisé. Non seulement il nous a donné ces brillantes couleurs qui enluminent et égaient tout ce que nous voyons autour de nous, mais de plus il a déjà << grandement soulagé l'humanité souffrante ». Ce sont, en effet, les différents principes contenus dans le goudron de houille qui sont utilisés pour la plupart de ces produits thérapeutiques jouant un si grand rôle en médecine: l'antypirine, l'aspirine, la phénacétine,l'acide salicylique, etc.

Il existera toujours des partisans à outrance du passé. La race des gens vous vantant les charmes de l'antique diligence, en regard des désagréments du chemin de fer, n'est pas encore disparue. Aussi bien un certain nombre de personnes déclarent regretter la prédominance des couleurs artificielles. A l'appui de leur thèse, elles prétendent que celles-ci ne sont pas aussi résistantes que les colorants naturels, employés au bon vieux temps. Inutile d'insister: pareille opinion est insoutenable. Les premières matières colorantes artificielles, quoique d'une beauté de nuance éblouissante, furent, il est vrai, d'un « faux teint » déplorable. C'est en se basant sur ce fait que les partisans de la coloration naturelle se sont efforcés de répandre, sous forme d'axiome, l'opinion qu'une couleur brillante est forcément << faux teint » c'est-à-dire fugace, passant et ne résistant pas à l'air, au soleil, au lavage, etc... Ce soidisant axiome intéressé n'a plus depuis longtemps aucune raison d'être. Les constants progrès de la chimie ont en effet révélé, au cours de ces dernières années, un grand nombre de couleurs qui ne le cèdent en rien comme solidité aux anciennes couleurs, mais les surpassent de beaucoup comme beauté, vivacité et

éclat de la nuance. D'ores et déjà la suprématie des matières colorantes artificielles est définitivement consacrée ; c'est un fait indéniable.

Il est cependant à ce sujet une question intéressante à résoudre. Quelle est donc la cause des nombreuses plaintes d'acheteurs sur le « faux teint» des étoffes qu'ils ont acquises? La réponse est d'ordre purement commercial. Fabricants et teinturiers emploient encore des colorants plus ou moins faux teint parce que, d'une part, ces couleurs sont d'une application plus facile et que, d'autre part et surtout, elles sont moins chères que les nuances « grand teint ». Elles sont néanmoins solides à l'usage, autant qu'on peut l'exiger raisonnablement. C'est donc uniquement une question de prix. D'ailleurs pour certain usage le faux teint suffit absolument. Il serait ridicule, par exemple, d'exiger pour une robe de bal, destinée à ne jamais voir le soleil et à être portée rarement, une teinte résistante à l'air qui en augmenterait le prix fort sensiblement. Il en est de même pour toutes les étoffes de doublure. Par contre, une qualité essentielle pour drap d'ameublement, rideaux, costumes d'été devant au moins durer la saison, est la résistance à l'air aussi complète que possible. Enfin, s'il n'est pas nécessaire que les couleurs d'une étoffe pour ameublement résistent à un lavage au savon répété, semblable propriété doit être exigée pour la chemiserie, la cretonne, etc... Nous avons cité ces quelques exemples à seule fin de faire ressortir les différentes exigences formulées par le commerce.

Or, l'industrie des matières colorantes est peu à peu parvenue à fabriquer des produits répondant à toutes ces exigences et à satisfaire parfaitement à tout ordre de fabricant ou de teinturier. En conséquence si, dans le commerce, on trouve tant de marchandises << faux teint», il est injuste d'incriminer les usines de matières colorantes: elles produisent les colorants pour lesquels

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