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cendreuses provenant de la gigantesque explosion volcanique de l'île de Krakatoa (26-27 août 1883). Dès la première lettre, datée du 9 février 1884, on remarque cependant que les préoccupations de Montessus sont autres : « Dans quelques mois, je vous enverrai le résultat de mes observations séismiques. Je les crois relativement importantes pour la question, au centre de l'Amérique tout au moins ». C'était en effet l'étude des tremblements de terre qui était et devait être jusqu'à la fin de ses jours l'objet exclusif de son activité scientifique.

Plus d'un an s'écoula avant que, le 5 mars 1885, il ne réalisât sa promesse. Mais, dès ce moment, on pouvait augurer du plein succès de sa carrière de savant. Son coup d'essai fut un coup de maître. En même temps qu'une note riche d'enseignements, Montessus adresse en effet à l'Académie un exemplaire du travail original dans lequel il expose les résultats de ses consciencieuses recherches sur les tremblements de terre et les éruptions volcaniques dans l'Amérique centrale. Grâce à la munificence du gouvernement de San Salvador, cet ouvrage se trouvait déjà imprimé en espagnol. Il contenait en germe l'œuvre du grand disparu. Toutes les causes de ses désenchantements, mais aussi et surtout des joies les plus sereines que lui vaudront ses conquêtes scientifiques, s'y retrouvent indiquées par des touches très nettes.

Bien humain, bien banal presque est le motif qui poussa ce chef de mission militaire à se mettre, très pacifiquement d'ailleurs, en campagne. « Dès mon arrivée dans ce pays, il y a quatre ans, écrit-il à M. Cornu, j'étais frappé et de la fréquence des tremblements de terre dans cette région et de la facilité avec laquelle les gens du pays se permettaient de les annoncer à l'avance, en basant la plupart du temps leurs affirmations sur des données météorologiques. Je pensai dès lors qu'il serait facile de donner un lien scientifique à cet ensemble de suppositions, et cela d'autant plus que nombre de per

sonnes ayant habité les diverses parties de l'immense côte du Pacifique (Chili, Pérou, Équateur, Mexique, etc.) préconisaient les mêmes règles de prévisions. Je me mis donc à l'œuvre, compulsant tous les documents possibles, mais en me limitant à la région comprise entre les deux isthmes de Panama et de Tehuantepec. Je fus vite désabusé et convaincu que, s'il y avait une relation entre les phénomènes météorologiques et les tremblements de terre, il fallait d'abord en éliminer ceux qui résultent des éruptions volcaniques.... Je suis arrivé finalement à la négation absolue de la possibilité de prédire les tremblements de terre, au moins dans l'état actuel de nos connaissances. » Mais si le point de départ était reconnu inexact, il y avait des préjugés à détruire, des bases nouvelles à rechercher : « Néanmoins je suis bien convaincu que, si le travail que j'ai exécuté sur une faible fraction de l'immense chapelet volcanique compris entre le détroit de Behring et le cap Horn était complété pour toute la ligne, on arriverait à des relations de périodicité ; ję crois les avoir démêlées, mais elles n'ont pas assez d'évidence ou de probabilité pour que je puisse me permettre de les énoncer ». Quelle ardeur et quelle prudence! En face d'un programme aussi vaste, c'étaient bien là les qualités nécessaires.

Peu après, de retour au pays natal, où il avait été chargé de l'inspection des études à l'École polytechnique, Montessus poursuivait en effet dans la voie où il s'était engagé.

Tout d'abord, il tenta d'achever le renversement des idoles, en insistant sur l'inexistence de relations entre les tremblements de terre et les phases de la lune d'une part, et, d'autre part, avec les saisons. Avec la netteté d'un esprit tout imprégné d'une solide formation mathématique, il avait d'ailleurs et préalablement insisté, dans une note, sur la méthode à suivre pour la recherche de la corrélation de deux ordres de faits, indiquant que les concomi

tances de tremblements de terre avec des phénomènes les plus divers n'impliquaient pas aussi facilement relation d'effet à cause que beaucoup se plaisaient et se plaisent encore à se le représenter. Il faut insister sur pareil détail, parce qu'il fournit la mesure de la préparation générale que Montessus possédait au moment où il se lança dans le champ de recherches où il devait se distinguer. Nombreux sont en effet ceux qui doutent de la nécessité de semblable préparation. Grâce à des statistiques étendues, il put établir que c'est en vain qu'on a tenté de rechercher dans les milieux cosmiques ou atmosphériques les causes premières des tremblements de terre. Il ne cessera pas, surtout sur le tard, de revenir sur ce sujet. Et l'on doit bien reconnaître que certains vulgarisateurs, aspirants-prophètes, rendent aujourd'hui encore bien nécessaire tout au moins le rappel des démonstrations faites par Montessus taches solaires, lune, saisons, pluies, sont, à chaque occasion, mais à tort, rendues responsables de l'instabilité de la croûte terrestre.

Entrant d'ailleurs dans un domaine plus positif, Montessus de Ballore commence bientôt d'édifier patiemment ce vaste monument statistique, dont il avait rêvé au San Salvador. Il suffit de parcourir la liste de ses publications pour assister au développement de son œuvre et, du même coup, juger de l'accueil bienveillant qui lui est fait, peut-on dire, en tous pays. Ses études portent tour à tour sur la Suisse, la France et l'Algérie, le Mexique, l'Europe centrale, la Scandinavie, la péninsule ibérique, l'Italie, les Indes Néerlandaises, l'Empire britannique, le Japon, les États-Unis, l'Amérique centrale et l'Amérique du Sud, l'Asie moyenne, la Russie, les régions balkaniques et l'Anatolie, la Grèce, la Roumanie et la Bessarabie, les Philippines, les Antilles, les Océans. Maintes fois ce sont les pays intéressés qui publient le mémoire qui leur est spécialement consacré. Simultanément Montessus de Ballore s'inquiète de questions

d'ordre général et leur consacre quelques notes ou même des travaux assez étendus. Ayant, après dix ans d'enquête, terminé une première exploration sismologique du Globe, il ne cessera de produire des mises au point de la situation de régions intéressantes, tout en y trouvant l'occasion d'étudier des problèmes ou des points spéciaux.

Enfin, après 25 années d'efforts, Montess us publie en 1906 son premier livre sur les tremblements de terre, la Géographie sismologique. Il a la joie de pouvoir y placer une préface dans laquelle l'un des maîtres les plus universellement appréciés, Albert de Lapparent, constate que, si, en 1891, l'opinion régnante était que la cause des tremblements de terre devait être recherchée dans des explosions volcaniques souterraines, les études poursuivies depuis lors démontrent que les tremblements de terre les plus destructeurs sévissent dans les pays dépourvus de volcans actis et atteignent leur maximum d'intensité juste dans les régions de l'écorce terrestre que la géologie désigne comme étant les plus disloquées. L'enquête statistique, poursuivie par Montessus et présentée ici sous une forme aussi homogène et aussi complète que le permettent les données existantes, apporte une démonstration très nette de la conclusion formulée dans la préface. C'est d'ailleurs de façon bien modeste, presque incidente, que l'auteur énonce ses idées sur les causes probables du plus grand nombre des tremblements de terre, encore que ces idées tout originales soient très nettes tant en ce qui concerne la dissymétrie du relief géographique des régions sismiques que le rôle des géosynclinaux mésozoïques et cénozoïques.

Peu après la publication de ce premier volume, en 1907, Montessus recevait une consécration officielle de ses efforts il était appelé par le Gouvernement chilien au poste de directeur des services sismologiques de la République du Chili, en remplacement du docteur Frédéric Ristenpart, professeur à l'Université de Berlin. Sem

blable titre eût bien été de nature à lui assurer aux yeux de certaines gens le crédit nécessaire pour la publication en cette même année d'un second ouvrage, celui-ci un vrai traité de La Science sismologique. Mais puisqu'il était besoin de présenter l'ouvrage au public, ce fut, cette fois, le grand maître viennois, Édouard Suess, qui prit sur lui ce soin et s'en acquitta dans ce style si poétique, si profondément philosophique qui caractérise ses œuvres de science transcendante et de haut envol. Quant au livre lui-même, c'est un exposé général, d'allure éminemment didactique, où, de l'avis de Suess, l'auteur a mérité la reconnaissance des observateurs et forcé l'attention du monde de la science. Aussi ce livre a-t-il d'emblée pris rang parmi les ouvrages classiques.

Ce serait toutefois méconnaître totalement le caractère de Bernard de Montessus que de ne pas soupçonner que ses fonctions officielles furent surtout pour lui l'occasion d'amplifier et d'intensifier ses recherches de prédilection. Qui voudra parcourir la liste de ses travaux s'en convaincra aisément.

Une part de son activité débordante fut certes absorbée par des tâches inhérentes à toute fonction de caractère plus ou moins administratif. Il fut contraint de revenir à son propre point de départ. C'est que la prévision, la prédiction même des tremblements de terre font, à juste titre, l'objet d'un désir intense de la part des populations qui se trouvent exposées à ces fléaux. Elles ne conçoivent pas toujours, dans leur ignorance, l'intérêt de ces observations qui vont se poursuivant quiètement pendant que se répètent les désastres et les catastrophes. Persuadé de l'impuissance où se trouve l'homme d'agir sur les causes mêmes des tremblements de terre et encore de son ignorance actuelle d'en démêler toutes les lois, de Montessus avait cependant, et depuis longtemps, tourné ses regards vers les moyens d'action présentement les plus efficaces, ceux des mesures hygiéniques ou prophylactiques, si l'on

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