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L'incomparable réaction

L'assimilation du carbone par les plantes vertes

Au dix-septième siècle, on pouvait encore se demander où les plantes puisent les substances qui entrent dans leur constitution. Pour résoudre ce problème, le belge Van Helmont (1577-1644), à la fois médecin et chimiste, imagina l'expérience suivante : dans un pot de terre du poids de deux cents livres, il planta une branche de saule pesant cinq livres et arrosa avec dé l'eau de pluie. Cinq ans après, il déracina l'arbre et le pesa; l'augmentation était de cent cinquante-neuf livres. Le poids de la terre, pensait notre homme, aura diminué d'autant.... Stupéfaction! Il retrouva, à deux onces près, ses deux cents livres de terre. Il en conclut, sans hésiter, que les plantes tirent leur nourriture de l'eau de pluie uniquement. Pas un instant, il n'eut l'idée de s'enquérir si l'eau renferme tour les éléments qui se retrouvent dans une plante. Comment ce scrupule lui fût-il venu dans l'ignorance où l'on était alors de la cons itution des corps ? Le cours de chimie le plus répandu, celui de Nicolas Lémery, ne contenait-il pas encore la doctrine révélée par Geber aux alchimistes d'Occident? « Les chimistes, dit Lémery, en faisant l'analyse des divers mixtes, ont trouvé cinq principes des choses naturelles, l'eau, l'esprit, l'huile, le sel et la terre; l'esprit qu'on appelle mercure..., l'huile qu'on appelle soufre..., l'eau qu'on appelle phlegme,... la terre qu'on appelle terre morte ou damnée. »

Mais l'heure des belles découvertes est bien près de sonner; voici venir les grands initiateurs: Priestley, Scheele, Lavoisier. Joseph Priestley entre en scène le premier. Ce pasteur, plus habile à découvrir des faits nouveaux qu'à les interpréter, multipliait les expériences avec une facilité prodigieuse. En calcinant le précipité « per se », produit rouge qui se forme quand on chauffe le mercure vers 350o, au contact de l'air, il venait d'obtenir un gaz qu'il appela « air très pur », « air déphlogis.iqué » et qui n'était autre que l'oxygène. Cet air était propre à entretenir la vie des animaux, mais ceux-ci ne tardaient pas à le vicier, de sorte qu'enfermés dans un espace hermétiquement clos et primitivement rempli d'air déphlogistiqué, ils finissaient par succomber. C'est en cherchant le moyen de régénérer l'air ainsi corrompu que Priestley eut l'heureuse idée (1772) d'introduire une plante dans l'enceinte. Résultat inespéré ! après quelques heures, l'atmosphère était de nouveau respirable. Malheureusement, l'expérience ne réussissait pas toujours : tantôt l'air était régénéré, tantôt il restait vicié. Quelques années plus tard (1779) le physicien Ingenhouz montra que la régénération de l'air ne se faisait que par les parties vertes des plantes et seulement au soleil. C'était là tout ce qu'il était possible alors d'apercevoir; pour quelle raison les animaux corrompent-ils l'air très pur tandis que les végétaux le revivifient, nul n'aurait su le dire; on ignorait la nature des gaz que l'on appelait mophète, air fixe, air déphlogistiqué; il fallait attendre que Lavoisier eût renversé la théorie du phlogistique pour lui substituer le système français basé sur les propriétés de l'air vital ou oxygène. Dès lors, la voie était ouverte. Le traité de physiologie végétale de Sénebier, publié à Genève en 1800, contient un chapitre « sur l'application des principes de la nouvelle chimie à la théorie végétale ».

L'auteur démontre que « la lumière tire le gaz oxygène hors des plantes » et que « le gaz carbonique est la source

de ce gaz oxygène ». Théodore de Saussure s'appliqua, vers la même époque, à la mesure des échanges gazeux et trouva que le volume d'oxygène dégagé est sensiblement égal au volume d'acide carbonique absorbé. Il voyait d'ailleurs, dans ces échanges, autre chose qu'un simple mécanisme approprié à la purification de l'atmosphère; d'après lu', c'était là, pour les végétaux, un mode de nutrition.

Boussingault reprit la question dans son ensemble et confirma la plupart des résultats signalés par les précédents auteurs. Restait à résoudre un point particulièrement délicat. Dans toutes les expériences antérieures, on avait placé les plantes vertes dans des milieux, air ou eau, enrichis en anhydride carbonique; or, l'atmosphère, Boussingault lui-même venait d'en faire la preuve, ne renferme normalement qu'une infime proportion de ce gaz, trois à quatre dix-millièmes en volume. Les plantes sont-elles capables de s'emparer d'une aussi petite quantité de CO2, si faible qu'elle échappe aux réactifs les plus sensibles? On ne pouvait rester dans l'incertitude à ce sujet; le problème de la nutrition carbonée des végétaux était en jeu. Effrayé par les difficultés d'une telle entreprise, Boussingault fit appel à son collègue Dumas, étant bien entendu que chacun d'eux opérerait pour son propre compte. Tout d'abord, tout marchait à merveille; l'air en passant sur les plantes ensoleillées abandonnait le peu d'acide carbonique qu'il contient. Puis, tout à coup, le tableau changea. Les plantes devinrent capricieuses et, au lieu de décomposer l'acide carbonique, elles commencèrent à en dégager. Tout perplexes, raconte le grand agronome, nous notions chaque soir les résultats obtenus, jetant l'un sur l'autre des regards d'interrogation. Involontairement, chacun se souvenait de la déception mémorable de Priestley le jour où il voulut répéter son expérience. Il en fut ainsi pendant plusieurs jours. Enfin, un beau matin, Regnault, l'illustre physicien, qui nous

observait attentivement, en voyant nos mines allongées, éclata d'un fou rire et nous avoua qu'il était la cause de notre déconvenue. Tous les jours, pendant que nous nous absentions pour le déjeuner, il s'approchait de l'appareil et soufflait un peu dedans ; « afin de me rendre compte, dit-il, si vous ne faites pas de charlatanisme et si vous pouvez réellement évaluer des quantités d'acide carbonique aussi minimes ».

Il était donc établi que les plantes vertes, à la lumière, s'emparent de l'anhydride carbonique présent dans l'atmosphère, assimilent le carbone et rejettent l'oxygène. Cette donnée de premier ordre est définitive; elle n'a pas varié depuis un siècle.

La dissociation du gaz carbonique en oxyde de carbone et oxygène est une réaction très endothermique ; l'oxyde de carbone, à son tour, ne peut être décomposé en ses éléments sans une dépense considérable d'énergie. La quantité de chaleur nécessaire à la dissociation complète du gaz carbonique équivaut à celle qui est dégagée lors de la combustion du carbone

C + 0 = CO2 97 calories;

pour prendre à l'atmosphère 12 grammes de carbone, la plante doit mettre en jeu l'énergie correspondant à 97 calories; c'est approximat vement ce qu'il faut fournir à 1 kilogramme d'eau pour le porter de 0o à 100o.

Où la cellule verte puise-t-elle cette énergie ? Les réactions de combustion dont l'ensemble constitue le phénomène de la respiration n'en produisent qu'une faible partie. Le fait que les plantes vertes n'opèrent la dissociation du gaz carbonique qu'à la lumière indique suffisamment que c'est aux radiations lumineuses qu'est empruntée, en partie du moins, l'énergie nécessaire.

Le soleil déverse sur le globe une quantité énorme de chaleur. Presque toute l'énergie actuellement disponible sur la terre provient du soleil. C'est à l'énergie solaire,

en définitive, que doivent être rapportées, comme à leur principe, la force motrice de l'eau et celle du vent, puisque le rayonnement solaire est la cause de l'évaporation des eaux aussi bien que des mouvements de l'atmosphère (1). La constante solaire, c'est-à-dire la quantité d'énergie reçue, aux confins de la couche atmosphérique, par centimètre carré et par minute, a une valeur moyenne de 2 petites calories; supposons que la moitié seulement du rayonnement parvienne au sol, une petite calorie par centimètre carré ou cent millions de petites calories par hectare; il faudrait environ 12 kilos de bon charbon pour obtenir une telle somme de chaleur. En admettant une durée moyenne d'insolation de 4 à 5 heures par jour, on trouve que le soleil fournit chaque année à la terre, par hectare, une quantité de chaleur qui équivaut à 1300 tonnes de charbon; cela fait, pour la totalité de la superficie terrestre, 6.631.066 × 107 tonnes; l'extraction mondiale n'atteignait, en 1914, que 134 x 10' tonnes.

Si le soleil est une source inépuisable de chaleur, cette énergie, malheureusement, se trouve répartie à la surface du globe sous une faible densité, ce qui rend son utilisation difficile. Un grand nombre d'expérimentateurs se sont appliqués à trouver des solutions pratiques. En concentrant les rayons solaires au moyen de miroirs, on peut obtenir des effets thermiques ou mécaniques, tels que l'ébullition d'un liquide, la fusion d'un métal, la dilatation d'une masse d'air; mais le caractère intermittent du rayonnement, son irrégularité, créent des difficultés presque insurmontables. Le seul appareil vraiment adapté à la captation de l'énergie solaire est celui que nous offre la nature dans les plantes vertes. Svante Arrhénius (2)

(1) Voir sur le sujet, Ch. Maurain, Les sources d'Énergie, BULLETIN DE LA DIRECTION DES RECHERCHES ET DES INVENTIONS, no 15, p. 6, 1920.

(2) Arrhénius, JOURNAL OF THE FRANKLIN INSTITUTE, juillet 1920, pp. 114-121.

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