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Dans l'Égypte romaine, plus que partout ailleurs, la contagion sévit avec virulence. L'histoire l'atteste. Outre les zodiaques des temples et des cercueils, contentonsnous de rappeler la numismatique alexandrine qui nous montre le buste de Sérapis (et d'Isis), dieu solaire et déesse lunaire, entourés du zodiaque. Une série curieuse de pièces, datant de l'an viii de Trajan (145-146), contiennent le thème natal du monde, c'est-à-dire qu'elles indiquent la place que les planètes occupaient dans le zodiaque au moment de la création de l'univers. Entre ces monuments, grands ou petits, et l'infatuation astrologique contemporaine, il y a une liaison évidente, qui nous en donne le moment et surtout la nature. Pour nous en convaincre, regardons d'un peu près le plus fameux de ces monuments: le planisphère de Denderah, tel qu'il a été élucidé par Boll, à la lumière des textes.

« On y reconnaît aisément la série des douze signes du zodiaque, dessinant un cercle oblique, c'est-à-dire inégalement éloigné du pôle, situé au centre de la pierre. Les cinq planètes, sous l'apparence de divinités égyptiennes, se trouvent Saturne près de la Balance, Jupiter du Cancer, Mars du Capricorne, Vénus des Poissons, Mercure de la Vierge, c'est-à-dire qu'elles sont figurées dans le signe où les astrologues plaçaient leur «< exaltation » (üчwμa), celui où elles acquièrent leur maximum d'énergie. Dans le zodiaque rectangulaire qui décore le pronaos du temple, on les voit au contraire dans les signes qui étaient regardés comme leur « domicile ». Les figures curieuses de personnages et d'animaux sculptés des deux côtés du zodiaque sont celles des « paranatellons », c'est-à-dire des constellations boréales et australes qui se lèvent en même temps que chacun des signes (πараνάτελev) et dont l'influence modifie la leur. Enfin les trente-six dieux des décans forment comme une bordure autour de la plaque circulaire. Nous avons donc sous les yeux une représer

tation astrologique du ciel tel qu'on le concevait en Égypte vers le début de notre ère » (1).

Venons maintenant au cas d'un particulier, cas non moins caractéristique et représentatif. En novembre 1823, le voyageur Cailliaud (2) rapportait de Thèbes une caisse de momie. Des savants furent invités à l'ouverture du cercueil. Au fond du couvercle se trouvait figuré un zodiaque identique à ceux de Denderah. Une inscription grecque trouvée sur une moulure de la caisse apprit à Letronne que le corps là enfermé était celui d'un certain Petemenon ou Ammonius, Πετεμένων ὁ καὶ Ἀμμώνιος (3), fils de Soter et de Cléopâtre, qui mourut à l'âge de vingt et un ans, quatre mois et vingt jours, la dix-neuvième année de Trajan, le huitième jour de Payni (2 juin de l'an 116 de notre ère).

De l'inscription il passa au zodiaque et y remarqua une particularité, qui n'existe pas à Denderah : le signe du Capricorne est retiré de la série des autres signes et placé au-dessus de la tête de la figure, à côté de sa main droite, dans une position isolée, d'où il semble la dominer. Cette particularité note évidemment qu'il y a là un rapport au corps momifié, que l'objet du zodiaque est astrologique, que le personnage était né sous l'influence de ce signe. En effet, on a l'àge exact de Petemenon, avec la date de sa mort. Calculant d'après ces bases, on voit qu'il naquit le 12 janvier de l'an 95 de l'ère chrétienne ce jour-là le soleil se trouve aux deux tiers environ du Capricorne. Si, au lieu du signe, on interroge la constellation, la conclusion sera la même, car, en calculant d'après la table de Delambre, selon la précession annuelle, on aper

(1) F. Cumont, loc. cit.

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(2) Voyage à Mercè, 1862-1827, t. IV, pp. 1 sq. Cailliaud (Frédéric), né et mort à Nantes (1787-1869), visita aussi l'oasis de Thèbes en 1821 et l'oasis de Syouah en 1823.

(3) Ammonius, l'Amonien, est la traduction exacte de Petemenon, le donné d'Amon, expression égyptienne analogue à notre Déodat, Deodatus, Dieudonné.

çoit qu'à l'époque en question la constellation entière. était dans le signe, et que le 12 de janvier le soleil était au seizième degré de la constellation. Cette coïncidence complète la démonstration. Petemenon était donc né sous le signe du Capricorne. L'ensemble du tableau rappelait que, pieusement momifié, l'immortalité sidérale lui était réservée.

Ce zodiaque et, par conséquent, ceux de Denderah et d'Esneh, qui ont avec lui tant d'analogies, ne sont donc que des monuments astrologiques.

Une telle réunion de faits, de dates modernes et à peu près contemporaines de tous les zodiaques, et par-dessus tout l'influence des idées astrologiques dans le seul temps où fut fait tout zodiaque existant en Égypte, ne nous permettent plus de douter que toutes productions de ce genre ne soient simplement des restes de la science occulte, et qu'ils ne représentent des sujets généthliaques (1).

<< En voilà assez, répéterons-nous ici après Cuvier, en voilà assez pour dégoûter un esprit bien fait de chercher dans l'astronomie la preuve de l'antiquité d'un peuple ». Et nous conclurons, avec Chabas (2), que « Dupuis avait tout simplement jeté l'ancre au milieu d'un océan d'erreurs »; avec Letronne, que les zodiaques, « au lieu de recéler, comme on se l'était promis, le secret d'une science perfectionnée bien avant le déluge, ne sont plus que l'expression de rêveries absurdes et la preuve vivante d'une des faiblesses qui ont le plus déshonoré l'esprit humain ».

Toutefois, la querelle, vaine pour la chronologie, n'avait pas été perdue pour la science historique. L'on connaissait désormais la signification, l'origine et la date des zodiaques égyptiens. D'autre part, il demeurait établi, à l'encontre d'une légende tenace, qui domine encore dans la Description de l'Égypte (3), que la conquête persane, malgré la

(1) Cf. Letronne, Observations critiques, pp. 30, 49, 53-54, 105-108. (2) Études sur l'antiquité historique, 1873, p. 588.

(3) Jomard, Jollois et Devilliers n'ignoraient pas les inscriptions

folie de Cambyse (523) et les pillages d'Artaxerxès III Ochus (339), n'avait pas porté un coup mortel aux arts et aux institutions de l'Égypte ; que ces arts et ces institutions, la religion qui les animait, la langue qui les exprimait, s'étaient maintenus, sinon sans défaillance, du moins en accord avec la tradition (1); que le Lagide et le César, partout ailleurs Grec et Romain, avaient voulu être en Égypte, par sagesse politique, l'incarnation du pharaon, servant, comme lui et sous les mêmes attributs, les dieux du pays, leur élevant des temples analogues aux anciens, y recevant l'apothéose, et donnant aux Égyptiens

l'illusion de la continuité de leur vie nationale.

La querelle des zodiaques ne fut pas non plus perdue pour Letronne et Champollion. Le premier en sortit avec le renom bien gagné d'helléniste habile et de critique sagace; le second, avec le rayon de gloire qui consacre une découverte. Le fantôme des six mille ans évanoui, la fièvre de la zodiacomanie tombée, les zodiaques réfugiés au ciel des académies, on respirait enfin, et l'on acclamait les vainqueurs. La presse d'extrême droite exalta Champollion. On oubliait soudain son libéralisme politique, son attitude aux Cent-Jours et pendant les troubles de Grenoble en 1821 (2). On alla même jusqu'à déclarer qu'il n'avait entrepris le déchiffrement des hiéroglyphes que pour ruiner les zodiaques et défendre Moïse. La Gazette de France en fit presque un Père de l'Église. A tout le moins, c'était excessif (3).

grecques gravées sur la façade des temples. Ils y devinèrent une objection possible et crurent la prévenir en disant que ces inscriptions étaient une simple prise de possession. Cf. Description, 20 édition, t. III, pp. 393 sq.; t. IX, pp. 407 sq.

(1) Darius Ier éleva un temple en l'honneur d'Amon dans l'casis de Khargeh.

(2) Le baron d'Haussez, naguère bonapartiste fervent, présidait alors au département de l'Isère. Pour lui, Champollion était un « jacobin enragé ». Il lui en voulait à mort. On eut grand'peine à le tirer de ses mains en 1821.

(3) Naturellement Champollion ne goûta pas cette outrance

Nous préférons rappeler que par là le déchiffreur s'attira l'estime du haut clergé et se concilia l'amitié du duc de Blacas, l'amitié aussi de tout ce qui gravitait autour de ce dernier. Il ne marcherait plus seul désormais. Harcelé par ses envieux, on le soutiendrait puissamment dans sa lutte pour achever le triomphe de cette Égyptologie qui portait le coup de grâce aux zodiaques (1), comme don de joyeux avènement.

CAMILLE LAGIER.

ni « cette odeur de sainteté » qu'on lui prêtait. Il s'en plaignit dans l'intimité en termes très vifs contre des journaux qui avaient été jusque là les organes de ses adversaires. Cf. Lettres et journaux, t. I, pp. 229-230.

(1) Le coup de grâce rejaillissait sur les défenseurs de la haute antiquité des zodiaques. Avant de rien publier, Champollion avait en à cœur de préparer Fourier à la déception. Celui-ci, profondément surpris, ne pouvait que se rendre à l'évidence. De la Lettre à Dacier, il dit en propres termes à son auteur: « C'est de la géométrie, mais les antiques institutions de l'Égypte sont écrites ailleurs en signes ineffaçables; vous nous le démontrerez par la suite de vos recherches ; quant à celles-ci, c'est une découverte qui doit vous surprendre autant que moi-même. Vous êtes, je crois, dans une heureuse voie ; persistez, et tous nos rêves, sur cette admirable civilisation se changeront en réalités. » Champollion-Figeac, Fourier et Napoléon, pp. 58-59.

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