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êtes ici, messieurs, un jury d'accusation, comme la Chambre des pairs est un jury de jugement, et vous devez décider, comme des jurés, d'après votre intime conviction. N'est-il pas d'ailleurs notoire que M. Decazes avait lui-même choisi ses collègues; et la condition nécessaire d'une telle association n'est-elle pas, en France comme en Angleterre, qu'on se conformera à l'avis du ministre qui, ayant formé le conseil, est toujours, sous une dénomination quelconque, le premier ministre ?

Vous n'hésiterez donc pas, messieurs, à accuser M. Decazes de cette attaque à l'indépendance de l'une des branches du pouvoir législatif; et si cette accusation est portée à la Chambre des pairs, comme il me semble difficile d'en douter, les nouveaux pairs eux-mêmes sentiront qu'ils sont aussi intéressés que les anciens à défendre les droits de la pairie, ou, pour parler plus exactement, l'existence politique de la Chambre dont ils font partie.

d'accusation

Je vous proposerai, messieurs, de rédiger XIII CARS ce chef d'accusation dans des termes semblables à ceux qu'adopta la Chambre des communes. d'Angleterre, dans le procès déjà cité : « La « Chambre accuse M. Decazes d'avoir enfreint «<les droits et l'honneur de la Chambre des

«< pairs, en faisant nommer soixante pairs pour « s'en servir à ses fins. >>

Le ministre, après avoir dissous la majoritė de la Chambre des pairs, fit rejeter la proposition relative aux élections par la Chambre des députés. Cette discussion ne dura que trois jours. La victoire était certaine. Dès le premier jour, un des alliés politiques du ministre, M. le général La Fayette, s'écria à cette tribune: Nous allons gagner la bataille de la loi des élections!

Après le gain de cette bataille, on vit arriver à la Chambre une multitude de pétitions qui, quoique censées parties de tous les points. de la France, demandaient, dans le même style, le rappel des régicides et de tous les ennemis de la royauté, bannis par la loi du 12 janvier 1816.

Le rapport de ces pétitions fut fait le 12 mai: ce fut dans cette séance que M. le garde des sceaux, indigné de tant d'audace, dit ces mémorables paroles : « Il est impossible que jamais, << sans descendre de son caractère auguste, sans <«< compromettre sa dignité aux yeux de la << France et de l'Europe, et par-là, la dignité de << la France, Sa Majesté vint à provoquer un acte << solennel qui rendrait la patrie aux meurtriers «< de son frère, aux assassins de son prédécesseur, aux assassins du Juste couronné!»>

Quatre jours après, on apprend qu'une nou. velle ordonnance vient de permettre la rentrée en France de quatre régicides; il ne paraît pas douteux que la signature du Roi n'ait été surprise dans un rapport clandestin fait à Sa Majesté par M. Decazes, comme celui du 24 décembre précédent; et l'on sait que M. le garde des sceaux n'en eut connaissance qu'avec le public : vous trouverez, messieurs, dans cette circonstance, une nouvelle preuve que les actes de ce ministère doivent être attribués au seul ministre qui envahissait tout.

M. le garde des sceaux avait dit, dans cette même séance du 17 mai : « qu'il était de l'in« térêt public, qu'il serait, par conséquent, << dans la volonté du Roi, de n'accorder le rap<< pel qu'à ceux des bannis qui feraient franche«ment acte de fidélité envers sa personne, et << soumission à son gouvernement. »

K

M. Decazes ne manqua pas de contredire encore, par ses actes, les sentimens si justes exprimés par M. le garde des sceaux; il fit rentrer ceux même, parmi les bannis, qui, d'après l'article officiel du Moniteur du 18 juillet 1816, et d'après les pièces et les débats du procès contre M. de Lavallette, étaient reconnus comme les principaux auteurs du 20 mars; ceux-là même que Buonaparte, en partant

Lettre

de madame

Saint-Jean

pour Waterloo, avait adjoints, pour la régence de l'empire, à son frère Joseph; enfin des hommes que personne en France, et leurs amis plus que personne, ne soupçonneront de ne pas continuer à être dévoués avec passion à la cause de l'usurpateur.

On a une preuve légale de l'esprit qui aniRegnault de mait les personnes de leurs familles restées en d'Angely. France, dans le moment même qu'elles sollicitaient leur retour auprès de M. Decazes. L'une d'elles écrivait : « Il est impossible que «< ces misérables gens-ci existent. Une révolution « est inévitable; elle pourra être terrible, mais <«<elle amènera du bien....; l'on n'a vraiment « qu'à souffler un peu fort sur ces odieux misé<< rables (1) pour les renverser, et ils le sentent <«< bien.... L'empereur n'est pas seulement le plus << grand homme qui existe au monde, c'est le seul « vraiment grand, et cet homme, nous l'avons «< perdu par notre faute!... Au reste, il nous

lègue son fils, et il sait que ce fils est le seul « véritable souverain de la France.... Crois-moi << bien, nous touchons à d'heureuses crises; re<< viens vite pour les juger de plus près........ »

(1) Je demande s'il y avait d'odieux misérables du temps de la Chambre de 1815, et s'il aurait suffi de souffler un peu fort pour les renverser!

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M. Decazes connaissait la lettre où ces expressions sont contenues, puisqu'il avait soustrait à la justice la personne qui l'avait écrite. Je demande si faire rentrer en France de telles gens, n'est pas une vraie trahison? Un ministre fidèle doit sans doute conseiller de faire grâce à des sujets repentans; mais conseiller à son Roi de répondre, par de nouveaux bienfaits, à chaque nouvelle insulte, c'est la manière la plus criminelle comme la plus sûre de renverser un trône.

On a souvent cité l'exemple de la clémence d'Henri IV; mais les bannis qui furent exceptés de l'amnistie de 1594, et qui appartenaient à la ligue espagnole (expression dont on se servait alors pour distinguer cette ligue de la ligue française, qui avait toujours voulu un Roi français et du sang royal); ces bannis de la ligue espagnole, qui avaient demandé à l'Europe un prince étranger, comme l'ont fait depuis les hommes du 20 mars et du 6 juillet 1815, ces bannis ne rentrèrent point en France de tout le règne d'Henri IV. Les conseillers de Marie de Médicis, quoique dominés par quelques hommes de cette ancienne faction, n'osèrent pas faire l'insulte à la France de rappeler ses ennemis publics. Vous ne me demanderez pas s'ils cherchèrent à rentrer dans le royaume

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