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d'être promus à l'épiscopat. Les observations que votre modestie vous inspire (il se trompait, c'était crainte et vérité) ne peuvent qu'ajouter à mon opinion sur les succès qui vous attendent et sur la satisfaction que vous en éprouverez. Votre nomination est connue du chapitre de Séez. >> Des amis respectables, qui étaient aussi ceux de l'Église, me conseillèrent de ne pas résister davantage, et de marcher où Dieu m'appelait. Je cédai.

Le 3 mai, je fus appelé à Paris pour le serment d'usage, et qu'il était dans les principes de la religion chrétienne de prêter au gouvernement existant. Je crus l'occasion favorable pour renouveler mes instances, espérant encore que je pourrais éloigner de moi le calice de l'épiscopat, dont on eût dit que je goûtais déjà toute l'amertume. Cette tentative de vive voix n'eut pas plus de succès que celle que j'avais faite par écrit. J'ajoutai néanmoins aux motifs de ma lettre, que j'appréhendais extrêmement les dispositions peu favorables de quelques autorités du département de l'Orne, dont le dernier évêque avait eu, disait-on, beaucoup à souffrir. « Vous n'êtes pas votre « prédécesseur, me répondit le ministre (c'était un com« pliment). Comptez, d'ailleurs, que vous serez soutenu. << Mais on ne vous tourmentera pas........ » C'est le seul point sur lequel Son Excellence ait rencontré juste.

Dès le 30 avril (preuve d'empressement), le chapitre de Séez avait pris une délibération sur laquelle il est important de remarquer que je n'avais fait aucune démarche pour en suggérer l'idée ; de manière que si elle a été provoquée, je n'ai eu aucune part à cette insinuation. Voici cette pièce; je prie qu'on la lise avec la plus grande attention. «En chapitre dûment convoqué.... a été mis sur le bureau.......... un paquet adressé à MM. les chanoines du chapitre de Séez, contenant une lettre de Son Excellence le

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ministre des cultes, en date du 21 de ce mois (avril), dont lecture a été faite, et un décret, en date du 14, par lequel Sa Majesté impériale et royale nomme à l'évêché de Séez, actuellement vacant, M. l'abbé Baston, vicaire général de Rouen lequel décret a été reçu UNANIMEMENT avec joie, respect et RECONNAISSANCE par le chapitre, qui se félicite du choix d'un ecclésiastique aussi recommandable par ses vertus et ses lumières. Pour lui donner une preuve de sa satisfaction et de sa confiance, le chapitre l'a nommé, PAR ACCLAMATION, vicaire général pour gouverner le diocèse conjointement avec MM. Le Clerc et Le Vavasseur, grands vicaires actuels, jusqu'à ce qu'il ait reçu son institution canonique. En conséquence, la compagnie invite MM. les vicaires généraux d'adresser une expédition de la présente délibération.... à M. l'abbé Baston, en le priant de vouloir bien accepter les pouvoirs qui lui sont conférés, et d'accélérer le moment où il doit venir recevoir ses hommages. Fait...., etc. » Tous avaient signé. MM. les vicaires généraux joignirent à la copie de cette délibération une lettre particulière, par laquelle ils me pressaient de venir au milieu d'eux, m'assurant que le contentement était universel, et que, mes collègues en apparence, ils me regarderaient comme leur supérieur, se faisant gloire et devoir de respecter et d'accomplir mes ordres. C'était beaucoup plus que je ne voulais, infiniment plus que je n'ai jamais exigé ou même souffert.

Quelques jours d'une maladie courte, mais aiguë, occasionnée, je n'en doute pas, par le déplaisir de ma nomination et des pertes immenses qu'elle coûtait à mon cœur, me retinrent un peu de temps à Rouen et dans ma famille. Je n'arrivai à Séez que passé la mi-juin. La délibération du chapitre et la lettre des deux vicaires généraux me parurent n'avoir pas exagéré l'accueil qui m'attendait. Les

chanoines en corps me rendirent leurs devoirs, et sur tous les visages étaient peintes la joie et la satisfaction. On me proposa de prendre au chœur la place ordinaire de l'évêque, ce que j'eus la sagesse ou le bonheur de refuser. On arrêta que je prendrais la stalle du doyen, qui fut ornée d'un tapis et d'un carreau. On me donna l'encens et le livre des Évangiles; on me fit officier aux jours épiscopaux, etc. Mais qu'on le remarque je ne demandai rien; et rien de ce qu'il était possible de m'accorder ne fut omis. Je ne dirai pas qu'on allait au-devant de mes désirs je dirai qu'on allait beaucoup au delà.

Durant cette première apparition, qui fut d'environ trois semaines, MM. les vicaires généraux m'apportèrent presque tous les actes à signer, « afin, disaient-ils, qu'on sache, dans toutes les parties du diocèse, que vous vous êtes rendu aux vœux qui vous conviaient de ne pas trop retarder votre arrivée. » Le motif me parut raisonnable, et je signai tout ce qu'on me présenta. Je reçus beaucoup de lettres, de visites: tout y respirait la sérénité, l'aménité, et ce plaisir tranquille qu'on éprouve quand on jouit d'un bien désiré avec ardeur. La supérieure d'une association dite des Dames bleues, femme de beaucoup d'esprit, d'une grande dévotion, mais.... (on la connaîtra par ce que j'aurai bientôt l'occasion d'en dire), se distingua entre toutes les personnes qui me firent des avances de politesse, de confiance même et d'affection. Aussi peu disposé à croire le mal que peu enclin à le faire, je me livrai de la meilleure foi du monde à la douceur d'être aimé, et ne me rappelai pas que le serpent se cache sous les fleurs. Ces heureux jours passèrent comme l'éclair; et je ne crois pas en avoir revu depuis un seul qui fût pur. Je me disposais à retourner à Rouen pour y terminer les affaires et les embarras de ma translation, lorsque

M. le supérieur du séminaire 1 me fit une confidence qu'après deux ans de réflexion je ne puis pas ne point regarder comme la première et peut-être l'unique cause d'une grande partie des désagréments que j'ai essuyés. Un M. V. 2, ancien eudiste, homme d'un certain âge, qu'on dit savant en morale, très vertueux, mais un peu singulier, a établi à Séez une petite réunion de filles que le peuple appelle 3 les sœurs du ***, peut-être à cause de leur respectable pauvreté et de leur édifiante mortification. Ce nom n'empêche pas qu'elles ne soient fort estimables et fort estimées. La prière et le travail remplissent tous leurs moments. Elles sont assidues aux offices de la paroisse, vivent très retirées, ne recevant pas le monde chez elles et n'allant pas chercher le monde chez lui. A la première visite que je leur fis, elles m'intéressèrent, et j'y retournai une seconde fois. Cela excita leurs partisans à me parler d'elles, afin de me prévenir en leur faveur. « Elles pratiquent, me dit-on, tous les exercices et toutes les vertus de la piété chrétienne et religieuse. C'est le semen relictum qui pourrait un jour ressusciter les institutions monastiques et ramener les beaux jours de leur ferveur. Au commencement, elles donnèrent de l'ombrage aux autorités locales, mais sur leur déclaration qu'elles se réunissaient pour fabriquer du fil et s'entr'aider en santé et en maladie, les magistrats ont pris le parti de fermer les yeux. >> En effet, que pouvait-on raisonnablement appréhender d'une vingtaine de filles qui ne font autre chose

1. J.-J. Bazin, qui fonda plus tard la communauté de la Miséricorde de Séez.

2. Villeroy, préfet des études au grand séminaire; il n'avait pas quitté la France. Mgr d'Argentré le nomma vicaire général en 1796. Pendant la Terreur, il avait pris le nom de Romain.

3. Nom bizarre, que je supprime pour ne pas le perpétuer. Note de M. Baston. Il s'agit des Sœurs du Pot.

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que filer du lin et prier Dieu? Je ne savais pas alors qu'elles croyaient avoir des révélations : ce fut M. le supérieur qui me l'apprit. Un matin donc il entre dans ma chambre, et s'étant bien assuré que je suis seul, que personne ne nous peut entendre, il tire de sa poche un cahier d'écriture assez menue, et me le présente, en me priant de le lire avec attention. « C'est, continua-t-il, « l'histoire des saintes filles de M. V., écrite par le << vénérable M., chanoine, bachelier de Sorbonne, << et moi je l'ai approuvée. N'en parlez pas à MM. les << vicaires généraux. » Cette réticence me déplut. Les vicaires généraux, exerçant les fonctions de l'Ordinaire dans tout le diocèse, ne devaient-ils pas être les premiers instruits des prétendues merveilles qui s'opéraient sous le toit des bonnes filles en question? Le propre de la petite et fausse dévotion est de se soustraire, tant qu'elle peut, aux regards de l'autorité légitime. Je promis cependant de m'occuper sur-le-champ de cette affaire, et tins parole. Mais quelle fut ma surprise de trouver dans ce manuscrit, que le style était loin de recommander, des lumières d'en haut, des manifestations surnaturelles, dont plusieurs, pour ne pas dire toutes, me parurent indignes de Dieu, quoique je sache qu'il aime à se révéler aux petits: mot sacré dont les petits et leur directeur abusent quelquefois. Il y avait, entre autres choses, la déclaration d'une sœur qui portait que l'esprit de Dieu lui avait fait connaître que son âme était agglutinée à celle du pape. Le supérieur vint reprendre son manuscrit. Je ne lui donnai pas la peine de m'interroger sur le jugement que j'en portais. De moi-même, je lui fis

1. M. Le Marchand-Ducassel, dont il sera question dans tout le cours de cet ouvrage.

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