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vis-à-vis de tous les pouvoirs qui se sont élevés et qui s'élèveront en face d'elle; souvent un gouvernement jaloux et défiant, craignant de lui laisser prendre une trop grande autorité sur les peuples, cherche à lui susciter des obstacles et à limiter son action; on lui dit: tu enseigneras aux hommes les préceptes de la morale; tu promulgueras du haut de la chaire chrétienne tes dogmes et tes lois; mais en observant certaines règles et sans franchir certaines limites! L'Eglise n'a jamais voulu se soumettre à ces injustes exigences, et alors même qu'elle l'eût voulu, cette soumission eût été impossible, car l'énergique protestation des apôtres : Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes, eût sans cesse retenti à ses oreilles, pour lui rappelerun devoir qu'elle ne saurait méconnaître sans trahir sa mission!

Enfin, à la puissance spirituelle seule appartient le droit de faire des lois obligatoires pour tous les hommes, pour tous les pays dans lesquels il se rencontre des enfants de l'Eglise; les lois civiles ne peuvent prétendre au caractère de l'universalité; elles sont essentiellement locales; tandis que la loi religieuse s'adresse à l'univers tout entier; elle ne fait pas d'acception de personnes, et le plus puissant roi du monde est obligé, s'il est catholique, de se soumettre aux prescriptions de la loi chrétienne, comme le dernier de ses sujets.

Ces droits, qui ont appartenu à l'Eglise dans tous les temps, et qu'elle a exercés avec une prudence et une sagesse incontestables, n'ôtent rien, nous aimons à le redire, à l'autorité légitime de la puissance séculière; si le pouvoir spirituel règne avec indépendance sur les consciences, le pouvoir temporel préside avec la même indépendance au gouvernement civil. Dans les temps ordinaires, les principes que nous avons exposés trouvent leur application naturelle et pacifique au sein de la société humaine; mais lorsque surviennent des contestations entre les deux puissances, l'Eglise ne peut se soumettre à des prétentions injustes, ni accepter un rang inférieur à celui qui lui appartient; car elle sait, et ses docteurs l'ont répété

trop souvent pour qu'elle ait pu l'oublier, que sa puissance vient directement de Dieu, et qu'elle domine, par la dignité de son origine et par l'excellence de sa fin, toutes les autres puissances: « Quoique dans l'ordre des puissances séculières, dit à ce sujet un docteur du moyen âge, Alexandre de Halès, nul pouvoir ne soit au-dessus du roi ou de l'empereur, de même que, dans l'ordre des puissances spirituelles, nul pouvoir n'est au-dessus du pape; néanmoins, si l'on compare les deux puissances l'une à l'autre, la puissance spirituelle est au-dessus de la puissance séculière, comme l'esprit est au-dessus du corps (1). »

Souvent on a combattu l'influence du pouvoir spirituel; on a semblé craindre que sa domination s'exerçât d'une manière trop étendue sur la société, au préjudice du pouvoir temporel, dont personne cependant ne respecte davantage les prérogatives que l'Eglise. Sans faire ressortir ici ce que ces craintes ont d'exagéré, qu'il nous suffise de rappeler combien elles sont injustes. Pour reprocher à l'Eglise l'influence qu'elle exerce depuis tant de siècles, il faut avoir oublié les services qu'elle a rendus à la société, à d'autres époques, et ceux qu'elle peut encore être appelée à rendre dans un temps donné; ces reproches accusent, dans ceux qui les font, un défaut de mémoire ou de reconnaissance déplorable. En effet, jetez un coup d'œil sur l'histoire du monde, et voyez ce qu'a fait le pouvoir spirituel en faveur de l'ancienne société romaine d'abord, et ensuite comment il a travaillé à civiliser la société barbare; sans anticiper ici sur un sujet que nous traiterons ultérieurement, rappelons cependant, d'une part, quel était l'état du monde, il y a deux mille ans, par exemple, et d'autre part, la condition dans laquelle se trouvent placées nos sociétés modernes. Avant le Christianisme, la société ne reconnaît qu'un seul principe de gouvernement, dont l'application entraîne la violation de

(1) Alex. Alensis, pars 5, q. 40, membr. 2.

tous les droits les plus légitimes; le droit de la force règne en maître absolu; il règne dans l'Etat d'abord : toutes les volontés sont obligées de plier sous une volonté despotique, qui sacrifie tous les droits individuels aux prétendus droits de l'Etat! Il règne sur les champs de bataille, où les vaincus sont impitoyablement sacrifiés à la vengeance du vainqueur, dont le bras cesse de frapper alors seulement qu'il est fatigué de donner la mort! Le droit de la force règne dans la cité, par l'odieuse distinction entre les hommes libres et les esclaves, et par les traitements cruels infligés à ces pauvres créatures privées de toute espèce de protection, et qui n'ont rien conservé de leur qualité d'homme, pas même le nom! Le droit de la force règne dans la famille, où le despotisme du chef ne connaît pas de bornes; la femme est assujettie à une condition misérable, que partagent ses enfants, soumis comme elle à une tyrannie d'autant plus brutale, que ses excès sont sanctionnés d'avance par le législateur. Voilà donc la société telle que l'avait faite la puissance temporelle livrée à elle-même, et sans le concours de la puissance spirituelle, fondée plus tard par le Christianisme! Et maintenant, si cet état violent a cessé, à qui faut-il en rapporter la gloire? N'est-ce pas la puissance spirituelle établie par l'Eglise qui a rappelé aux souverains temporels les obligations que leur impose la loi divine, à l'égard de leurs sujets? N'est-ce pas cette même puissance spirituelle qui a travaillé sans relâche à adoucir les mœurs, et à empêcher dans l'exercice du droit de la guerre les excès qui suivaient ordinairement la victoire? N'est-ce pas encore cette puissance qui a combattu l'esclavage civil, en s'efforçant sans cesse de procurer l'affranchissement des esclaves, qui a combattu l'esclavage domestique, en réhabilitant la femme et les enfants dans la famille, en leur rendant le rang que le paganisme leur avait fait perdre? Comment donc la puissance spirituelle a-t-elle accompli ces grandes choses, sinon en faisant plier et disparaître, sous l'action de ses propres lois, les lois temporelles

qui leur étaient opposées, et les pouvoirs qui cherchaient à maintenir celles-ci?

Or, ce pouvoir qu'elle a exercé pendant tant de siècles pour le bien de l'humanité, est-ce donc qu'elle en aurait été dépouillée ? Mais, par qui et en vertu de quel droit? Ah! on accepte volontiers les avantages que le pouvoir spirituel a assurés à notre société; mais en recevant le bienfait, on méconnaît la main du bienfaiteur; on la repousse; on fait comme l'enfant qui, se sentant la force de marcher seul, repousse avec dédain et mépris le bras qui l'a soutenu quand il faisait ses premiers pas !

Mais en vain voudrait-on s'obstiner à méconnaître les services rendus au monde par le pouvoir spirituel; en vain voudrait-on le repousser, comme un élément inutile désormais à la marche de la civilisation; en vain pousserait-on l'ingratitude pour ses services passés jusqu'à le proscrire au nom de je ne sais quels principes nouveaux, incompatibles, dit-on, avec son influence et ses prétentions; cette puissance se maintiendra dans le monde, parce qu'elle a reçu l'ordre de gouverner le royaume des âmes jusqu'à la fin des temps; elle se maintiendra parce qu'elle a, plus qu'aucun autre pouvoir, la conscience de ses devoirs, et qu'elle sait que, sans son intervention bienfaisante, le monde ne tarderait pas à s'égarer.

Si donc la puissance spirituelle pouvait oublier ses droits, le souvenir des devoirs qui lui sont imposés suffirait pour lui rappeler qu'elle ne saurait, sans trahir sa mission, abandonner l'œuvre qu'elle poursuit depuis des siècles, et cesser de travailler au perfectionnement moral et religieux des générations qui existeront jusqu'à la fin des temps!

SECTION II.

DE L'INFLUENCE DU CLERGÉ SUR le gouverneMENT.

Avant de travailler à l'œuvre de la réorganisation sociale, le clergé commença par perfectionner sa propre constitution; il voulut donner au monde le modèle d'une société parfaitement gouvernée, afin d'appuyer sur l'autorité de l'exemple l'influence qu'il devait exercer dans l'ordre politique. Examinons donc sur quelle base reposa la constitution du clergé dans les premiers âges du Christianisme, et nous verrons ensuite quelle part d'influence il eut dans le gouvernement et la législation.

SI.

Du rôle politique du clergé sous les empereurs chrétiens.

I. De la constitution du pouvoir ecclésiastique.

Le pouvoir fondé par Jésus-Christ pour le gouvernement de la société religieuse, en conservant ses principaux caractères qui sont immuables, a dû cependant modifier son action sur le monde, et la mettre en harmonie avec les diverses situations qu'a traversées le Christianisme. Pendant les trois siècles de persécutions, comme dans les âges suivants, le pouvoir spirituel resta constitué sur la base que lui avait donnée JésusChrist lui-même lorsqu'il avait choisi ses apôtres pour les envoyer à la conquête des âmes. Le clergé formait, dès l'origine, un corps spécial qui exerçait une autorité regardée comme légitime par tous les fidèles, quoiqu'elle restât complétement étrangère au pouvoir qui gouvernait alors la société politique. Dans la période qui suivit le triomphe de l'Eglise, par l'avénement au trône des empereurs chrétiens, le pouvoir religieux conserva son antique organisation; seulement les chefs du

(1) Nous traitons ici la question de principe; plus loin nous étudierons son application. V. livre II, De l'autorité, tit. III, chap. I.

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