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spirituelle sur la société qu'elle était appelée à instruire et à gouverner; l'origine de ce pouvoir remonte à la source de tous ses autres pouvoirs ; il a été fondé par Jésus-Christ, le jour où, s'adressant à ses apôtres, il leur disait : «< Toute » puissance m'a été donnée dans le ciel et sur la terre, allez >> donc, instruisez les nations, et baptisez-les, leur apprenant >> à observer tout ce que je vous ai ordonné (1). » Cette parole donnait aux chefs de l'Eglise le pouvoir d'enseigner la doctrine et la morale, d'administrer les sacrements et de gouverner la société chrétienne. Après sa résurrection, JésusChrist donna à ses apôtres de nouveaux pouvoirs: « Recevez » le Saint-Esprit, leur dit-il; les péchés seront remis à ceux » à qui vous les remettrez et retenus à ceux à qui vous les re» tiendrez (2). » Par ces dernières paroles, il constitua les ouvriers évangéliques juges des consciences; leur juridiction spirituelle se trouve parfaitement établie.

L'autorité de l'Eglise fut fondée dans un double but: l'enseignement de la doctrine, et la surveillance des mœurs ; la doctrine sera enseignée par les docteurs, et les principes de morale seront sauvegardés par les magistrats; les apôtres cumuleront ces deux sortes de fonctions; après eux, les évêques deviendront en même temps les docteurs enseignant ce qu'il faut croire, et les censeurs exerçant leur vigilance dans l'intérêt des bonnes mœurs ; ils se feront aider par des ministres inférieurs; tel est le principe de la hiérarchie de l'Eglise, et en même temps de la juridiction spirituelle qu'elle exerce.

L'établissement de la juridiction temporelle fut la conséquence de la situation particulière où se trouvait la société, au Iv et au ve siècles; le Christianisme voyait à sa tête un corps constitué, ayant son administration et ses lois; l'autorité morale et matérielle était passée tout entière aux mains du

(1) S. Matth. cap. XXVIII, v. 18.

(2) S. Joan. cap. XX, v. 25.

clergé ; le désordre et la confusion qui existaient dans le gouvernement civil contrastaient avec l'harmonie et l'homogénéité qui régnaient dans le gouvernement spirituel. Ce fut dans ces circonstances que les peuples, ne trouvant plus dans leurs magistrats la protection qu'ils en attendaient, s'abandonnèrent à la direction des chefs religieux qui, par leur science et leurs vertus, avaient conquis une autorité que nul pouvoir n'eût été en état de leur disputer; telle est l'origine de la juridiction temporelle du clergé ; elle reposait sur les titres les plus légitimes et les plus incontestables.

Investi par la confiance des peuples de nouvelles fonctions civiles et politiques, le clergé devint le médiateur entre les gouvernants et les gouvernés; il usa constamment de son autorité pour assurer le triomphe de la loi chrétienne, et tra·vailler à rétablir le règne de Dieu parmi les hommes ; il fut appelé à rendre les plus importants services à l'humanité, et l'histoire a redit qu'il ne faillit point à sa mission.

II. Réforme de l'ordre civil et politique par l'influence des évêques. Quoique l'influence du Christianisme sur l'administration civile et politique n'apparaisse pas d'une manière sensible durant les persécutions, il ne faut pas croire cependant qu'elle fût complétement nulle. A cette époque, la religion nouvelle ne pouvait songer à faire prévaloir ses maximes dans les mœurs, trop corrompues pour que ses efforts eussent chance de succès; l'opposition entre les usages de la société ancienne et les idées nouvelles était trop profonde pour qu'il y eût même possibilité de transaction entre le passé et l'avenir; les réformes suffisent aux temps ordinaires; aux époques de crises décisives, ce ne sont plus de simples remaniements dans la machine administrative que réclament les novateurs; ce qu'ils rêvent, ce sont des révolutions; or, le Christianisme était, par excellence, le grand réformateur du monde; vivant au milieu d'une société profondément gangrenée, ayant con

tinuellement sous les yeux le spectacle d'une violation perpétuelle de toutes les lois de la justice et de l'humanité, il sentait qu'avant d'élever le nouvel édifice qui devait abriter le monde moderne, il fallait attendre que l'édifice ancien, fondé par le paganisme, finît par s'abîmer, ce qui ne devait pas tarder, à en juger par certains symptômes de décomposition et de ruine qui annonçaient sa fin prochaine ! Il y eut alors séparation totale entre l'Eglise et l'Etat; les chefs du pouvoir religieux se virent forcés à condamner les lois impériales, dans tout ce qu'elles avaient d'opposé aux maximes de l'Evangile; souvent ils défendirent aux fidèles de leur obéir, leur demandant de souffrir le martyre, plutôt que d'accorder une soumission sacrilége à des lois impies. Comme les pratiques de l'idolâtrie étaient alors mêlées à presque tous les actes de la vie publique, cette défense eut pour effet de rendre générale la résistance des chrétiens aux édits des empereurs; or, cette désobéissance purement passive s'étant produite simultanément sur tous les points de l'empire, il ne fut pas difficile de prévoir qu'elle amènerait infailliblement l'un des deux résultats suivants : ou bien elle serait vaincue et les opposants disparaîtraiént de la face du monde, en ne laissant après eux qu'un nom voué au mépris et à l'exécration publics; ou bien cette résistance finirait par triompher en renversant de fond en comble les institutions existantes, pour transformer l'ordre social tout entier. La question ainsi posée, les chefs du pouvoir civil acceptèrent la lutte, dans des conditions qui ne leur laissaient entrevoir que des chances favorables au triomphe de leurs prétendus droits; tandis que, de leur côté, les chefs du pouvoir religieux et les fidèles ne répondirent à la persécution que par une invincible patience, confiants dans la parole divine, qui leur avait promis un triomphe définitif. L'événement justifia leurs espérances; on sait ce qui arriva.

Pendant cette longue période de trois siècles, l'Eglise se borna donc à condamner toute participation aux actes et aux

usages des païens qui lui paraissaient incompatibles avec la profession du Christianisme; ainsi, elle interdisait aux fidèles l'acceptation des magistratures et des emplois publics, parce qu'il était difficile de s'y engager sans s'exposer à se rendre coupable de pratiques d'idolâtrie; et, non-seulement les fonctions civiles étaient frappées d'interdiction, pour les chrétiens, mais encore il leur était défendu de réclamer l'intervention des magistrats païens pour obtenir une solution judiciaire, au sujet des différends qui les divisaient (1); suivant les Pères de l'Eglise, il était impossible de professer la religion et d'accepter les dignités et les charges civiles (2). L'Eglise adopta jusqu'à un certain point cette idée, comme tendrait à le prouver un canon du concile d'Elvire, tenu vers l'an 305, qui interdit spécialement aux chrétiens le duumvirat, magistrature annuelle, dans les colonies et les villes municipales (3). Dans la suite, les conciles se montrerent moins sévères, et finirent par permettre aux chrétiens de remplir les fonctions civiles, mais en obligeant cependant ceux qui étaient promus à des emplois publics, à prendre des lettres de communion de leur évêque, et à se soumettre à la surveillance de l'évêque du diocèse dans lequel ils exerçaient leurs fonctions. Cette disposition, exprimée dans un décret du célèbre concile d'Arles, tenu en 314, avait pour objet de rendre les magistrats responsables de leur conduite, et de provoquer leur séparation de la communion de l'Eglise, dans le cas où ils violeraient les règles de la discipline ecclésiastique (4).

L'époque où fut rendu ce décret coïncide avec le temps où Constantin, ayant obtenu l'assentiment de son collègue Li

(1) I. Corinth., cap. vi.

(2) Tertull. De idolatriâ, cap. 7.

(3) Magistratum vero uno anno, quo agit duumviratum, prohibendum placuit, ut se ab Ecclesià cohibeat (Concilium Eliberitanum, can. 56). (4) Concil. Arelatens. I, can. 7.

cinius, publia le célèbre édit de Milan (313), qui reconnaissait le Christianisme comme religion de l'Etat, et qui, en pacifiant l'Eglise, lui accordait une protection et des prérogatives qu'elle n'avait jamais obtenues jusqu'alors (1). Parmi les motifs que l'histoire assigne à cet acte important, on place surtout la remarquable apologie de Lactance (2), dans laquelle l'élégant écrivain prédit les avantages qui résulteront de l'établissement de la foi chrétienne dans le monde; elle eut un immense retentissement à l'époque où elle parut, et, soit en faisant tomber les préjugés qui restaient encore, soit en fixant bien des opinions chancelantes, elle acheva de préparer la société à la transformation qui allait s'accomplir.

Le triomphe du Christianisme fut consacré en ces termes dans le célèbre édit : « Le libre et entier exercice de leur re>>ligion est accordé aux chrétiens, comme à tous les autres » sujets de l'empire; chacun peut passer à eux sans obsta>> cle; les églises et les biens que l'on avait enlevés aux fidèles » doivent leur être rendus, et ceux qui avaient acheté ces biens >> seront dédommagés par le trésor public. » C'est par ces quelques lignes que fut proclamée la victoire du monde nouveau sur la vieille civilisation, et que fut définitivement assuré, humainement parlant du moins, le succès de l'œuvre du Christ!

Comme on le voit, l'édit de Milan avait pour objet de reconnaître et de proclamer, en faveur de tous les sujets de l'empire, un droit souvent méconnu dans l'antiquité: la liberté de conscience. Ce droit, que les chrétiens avaient toujours revendiqué, qui leur avait été refusé pendant trois siècles, et qu'ils avaient acheté au prix de leur sang, finissait par triompher; il était dès lors permis d'espérer que l'Eglise, qui s'était si rapidement développée au milieu des périls de la persécution,

(1) Cæcilius (De morte persecutor. c. 48) a conservé l'original latin de cet édit, et Eusèbe en a donné une traduction grecque dans son Histoire ecclésiastique, liv. X, c. 5.

(2) Lactant. Divin. instit. v. 8.

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