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sa doctrine, avec toutes les conséquences qui en étaient le développement logique et nécessaire.

L'opposition entre l'ordre ancien, sur lequel était fondée la société romaine, et l'ordre nouveau qui devait être la conséquence de la prédication apostolique, était sensible et palpable; aussi, les païens n'y furent point trompés; dès l'origine, ils comprirent la portée de l'enseignement nouveau; ils sentirent que la loi chrétienne menaçait un système fondé sur l'inégalité politique et sociale, qu'elle tendait à détruire toutes les distinctions qui ne reposaient que sur l'arbitraire et la force; et c'est pour cette raison que, si la religion chrétienne fut d'une part l'objet des sympathies les plus vives, elle fut exposée de l'autre à ces haines profondes et violentes qui provoquèrent de cruelles vengeances, et qui armèrent le bras des persécuteurs. Tous les opprimés, les faibles, les pauvres, tous les déshérités de la fortune vinrent lui demander aide et pro-. tection contre les injustices dont ils étaient victimes; et en même temps, les anciens privilégiés, tous ces hommes sans cœur et sans entrailles, qui avaient élevé leur fortune sur la misère publique, et qui ne demandaient qu'à jouir paisiblement du fruit de leurs rapines, devinrent les ennemis acharnés de cette religion, dont ils regardaient les fondateurs comme des aventuriers obscurs, et les disciples comme des gens sans aveu, dignes du dernier supplice.

Mais tandis que le paganisme cherchait, tantôt par la calomnie et tantôt par les gibets, à détruire l'œuvre divine, ses propagateurs prêchaient leur doctrine, sans se laisser intimider par les menaces, sans se laisser décourager par les épreuves qui les attendaient; ils prêchaient, dis-je, et leur parole allait changer la condition des peuples: « Il n'y a point de >> distinction entre les Juifs et les gentils, écrivait le grand

Apôtre, parce que tous n'ont qu'un même Seigneur, qui ré>> pand ses richesses sur tous ceux qui l'invoquent (1). » Désor(1) Roman. X, v. 12.

mais les anciennes distinctions doivent disparaître; quand le Seigneur n'établit point de différence entre les hommes, quand il les traite tous comme ses enfants, il n'appartient à personne de s'élever au-dessus de ses semblables, et d'établir sur la servitude des autres son orgueilleux empire.

Autrefois, un philosophe célèbre n'avait pas craint d'écrire ces mots : <«<La nature a créé des hommes pour la liberté, et >> d'autres pour l'esclavage; il est utile et il est juste que l'es>> clave obéisse (1). » C'est là une doctrine contre laquelle un philosophe chrétien, célèbre lui aussi, proteste en ces termes : <«< Il n'y a plus ni de Juif, ni de gentil, ni d'esclave, ni d'homme » libre, ni d'homme, ni de femme, mais vous n'êtes tous » qu'un en Jésus-Christ (2). » On comprend la popularité que devait obtenir une pareille prédication. L'ancien droit public était battu en brèche; les exclusions qu'il prononçait contre la plus grande partie de l'humanité, au profit d'un petit nombre de privilégiés, allaient être effacées; et à leur place, on voyait s'élever les fondements d'un droit public fécond, parce qu'il était universel. Pour accomplir cette réforme, le Christianisme n'avait dit qu'une seule parole; mais cette parole avait la puissance du fiat lux du commencement du monde; cette parole était divine!

Une doctrine qui professait de tels principes pouvait parler haut et ferme, aux hommes dont elle défendait les droits si longtemps méconnus; aussi le Christianisme rappelait-il avec autorité, à tous les hommes, les devoirs fondamentaux de la vie civile, dont la mémoire du genre humain n'avait peut-être pas gardé fidèlement le souvenir, mais que la conscience n'avait jamais entièrement oubliés.

Pour faire comprendre la supériorité des préceptes de l'Evangile sur l'œuvre la plus parfaite émanée de l'intelligence hu

(1) Aristot. Politic. I, 5.

(2) S. Paul, Epist. ad Galat. c. III, v. 28.

maine, il suffit d'établir un simple rapprochement entre la loi romaine et la loi chrétienne, qui vint la remplacer.

En tête de la loi romaine, le législateur avait écrit ces deux paroles « Ne fais tort à personne, - Rends à chacun ce » qui lui appartient. » Ce texte exprimait ce que l'homme doit faire et ce qu'il doit éviter, le Fas et le Nefas. Mais cette loi n'était ni parfaite ni complète. Le citoyen savait bien qu'il devait être honnête, vertueux, juste envers tout le monde ; il savait que le vol et le parjure, l'homicide et l'adultère sont des crimes qui couvrent d'infamie celui qui les commet. Mais, jusqu'où allait le devoir, et quelle était sa limite? Pourquoi devait-il s'abstenir du mal et faire le bien? Il l'ignorait; et le texte de la loi ne pouvait l'éclairer sur ses incertitudes, puisque sa formule n'était qu'une abstraction; elle obligeait à respecter les droits d'autrui, mais sans faire connaître quels étaient ces droits.

Pour combler cette lacune, le Christianisme n'a fait qu'ajouter deux mots à la loi romaine : « Ne fais pas à autrui » ce que tu ne voudrais pas qu'on te fit à toi-même, » Fais à chacun ce que tu voudrais qu'on te fît à toi-même.» Dans cette simple addition, il y a la révélation d'un ordre moral nouveau. Avec la loi chrétienne, l'homme connaît ses devoirs, leur étendue et leurs limites; il y a dans cette loi quelque chose qui se réfléchit en lui, qui le touche de près; il n'a plus besoin de consulter personne pour savoir la mesure du mal qu'il doit éviter, du bien qu'il doit accomplir. Son intérêt devient, par une transformation merveilleuse, la règle de sa justice envers les autres ; la cause de son prochain se trouve identifiée avec sa propre cause; celui-là, que je regardais tout à l'heure comme un étranger, devient un autre moi-même, un frère, puisque je dois avoir à son égard les sentiments que j'ai pour moi-même.

Ce raisonnement conduit à une conclusion logique et importante pour notre sujet : Dieu, pour nous engager à accom

plir sa loi, a fait appel à un sentiment plus noble et plus élevé que celui de la justice, l'amour! Quand je traite mon prochain comme un autre moi-même, je fais plus qu'accomplir à son égard une loi de justice; j'agis sous l'influence du même sentiment qui m'anime quand il est question de mon propre intérêt; la loi de la justice d'ailleurs, donnant une règle moins infaillible du devoir que la charité, on peut quelquefois se faire illusion sur la rigueur de l'obligation qu'elle impose, tandis que la même erreur ne saurait avoir lieu sur un précepte de charité.

On comprend quelle influence un pareil principe devait exercer sur le droit public des nations. La société, en effet, n'est composée que de deux sortes de membres : les gouvernants et les gouvernés, ceux qui font la loi et ceux qui la reçoivent. Si le législateur s'inspire de la maxime chrétienne, son œuvre portera l'empreinte de l'amour; il respectera les droits et la liberté des autres, comme il voudrait qu'on respectât ses droits et sa liberté propres ; il n'imposera que les charges motivées par la plus impérieuse nécessité, et dans la répartition des avantages sociaux, il n'admettra d'autres préférences que celles fondées sur les titres les plus légitimes.

D'un autre côté, si tous les membres d'une nation sont bien pénétrés de la même maxime, on ne verra plus ces résistances aux lois qui gouvernent la société et qui mettent si souvent en péril l'ordre et la sécurité publics; chacun s'empressera de travailler dans l'intérêt de tous ; et de ce concours simultané des volontés vers un but commun résulteront l'harmonie, la paix et la prospérité générales.

Il est donc certain que la loi chrétienne de la charité qui a pour objet de perfectionner les relations extérieures entre les hommes, devait réaliser un progrès sensible dans le droit public et privé des nations, et tendre au perfectionnement des lois civiles et des institutions; aussi est-il écrit: La

charité est la plénitude de la loi; plenitudo legis dilectio (1)!

C'est en professant cette doctrine, et en s'efforçant de faire prévaloir ses maximes de charité, que le Christianisme entoura le faible et l'opprimé d'une protection qu'ils n'avaient jamais eue dans l'antiquité païenne; il sut ménager avec sagesse les droits des sujets et ceux des souverains; en proclamant enfin les principes qui doivent servir de base aux relations sociales, il travailla constamment dans l'intérêt des sociétés, qui lui doivent tous les bienfaits dont notre civilisation est justement fière. Les preuves de cette assertion ressortiront avec la dernière évidence, nous l'espérons du moins, des explications qui vont suivre.

(1) Roman. c. XIII, v. 10.

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