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de là leur religion s'infiltre dans les maisons des particuliers; elle s'y étend dans l'ombre. Bientôt la question sera de savoir comment elle osera se produire au grand jour. Ce sera la seconde période.

§ 2.

En 332 fut fondée Alexandrie. Les études snr la théologie égyptienne reprirent aussitôt un nouvel élan. Un Macédonien, nommé Léon, né comme Alexandre à Pella, et qui l'avait sans doute accompagné dans ses expéditions, aurait été le premier, s'il faut en croire la tradition, à écrire un ouvrage d'ensemble Sur les dieux de l'Egypte; il le dédia à Olympias, mère du roi (1). Sous Ptolémée Ier Soter, cet exemple fut suivi par un grand nombre de Grecs (2); Hécatée d'Abdère, entre autres, visita Thèbes avec Ptolémée (3) et consigna le résultat de ses investigations dans un livre, dont un chapitre, celui qui traitait de la philosophie, a été plusieurs fois cité par les écrivains postérieurs (4). Mais le principal rôle, dans la littérature d'où est sortie la religion alexandrine, appartient à un prêtre égyptien originaire de la ville de Sebennytus, à Ma-n-thôth. Ce personnage célèbre, que les Grecs ont appelé Manéthon, en publiant le premier dans leur langue ce que pendant longtemps ils étaient venus chercher à grand'peine dans les temples, fonda véritablement cette religion mixte qui allait avoir de si grandes destinées. Quand on considère l'importance qu'a prise son œuvre dès le premier jour, on ne peut écarter l'idée qu'il fut chargé par le roi d'une mission officielle, et qu'il exerça une sorte de suprématie pontificale dans la nouvelle capitale de l'Egypte.

On sait avec quel bon sens Ptolémée comprit sa tâche; il s'enferma dans sa conquête et n'eut plus qu'une pensée unir les deux races destinées à vivre sous ses lois. Rien n'était plus conforme à ses principes de gouvernement que de leur montrer qu'en religion, comme en tout le reste, elles étaient faites pour s'entendre, et que de les amener à un mutuel échange d'idées sans rien brusquer, sans rien imposer. Le Livre sacré de Mané

(1) Hist. græc. fragm., Didot, t. II, p. 331.

(2) Diodor., I, 46, 8.

(3) Hist. græc. fragm., Didot, t. II, p. 384 et 388.

(4) Entre autres par Plutarque, dans le traité d'Isis et d'Osiris, c. VI, p. 353, B. c. IX, p. 354.

thon servit à merveille cette politique. C'est de là que sont nés les dieux alexandrins (1).

On a vu comment, au cinquième siècle, la triade d'Osiris, Isis et Horos avait été identifiée avec celle de Dionysos, Déméter et Apollon. Sous Ptolémée Soter apparaît un nouveau dieu, Sérapis. Est-ce donc que l'on méconnaît le principe de la Triade? Est-ce que l'on fait entrer dans la conception de la divinité une personne de plus, et que l'on abandonne le système théologique des mystères? Cette question mérite de nous arrêter un instant.

L'origine de Sérapis a donné lieu à des discussions sans fin (2); elles viennent de ce que, dès le règne du second des Lagides, on ne s'entendait plus sur ce sujet. Alors se répandirent deux opinions contradictoires qui ont égaré les écrivains de l'époque impériale, et dont les modernes n'auraient jamais tiré la lumière sans le secours de l'égyptologie. Parmi les commentateurs alexandrins, les uns prétendaient que Sérapis avait été adoré par les Egyptiens dans le vieux bourg de Rhacotis, bien avant la conquête macédonienne; les autres qu'il avait été apporté de Sinope, ville du Pont. Pour les premiers, c'était un dieu indigène; pour les autres, un dieu grec. Ce qui mettait surtout la critique dans l'embarras, c'était qu'un auteur aussi grave que Tacite rapporte les deux traditions dans la même page sans en faire remarquer la différence, comme s'il eût désespéré de les concilier jamais (3). Plutarque, qui avait lu tout ce que les Alexandrins avaient écrit sur cette matière, a tenté, dans son traité d'Isis et d'Osiris, une explication qui mît les deux parties d'accord. Suivant lui, Ptolémée, ayant vu en songe la statue colossale d'un dieu, consulta un Grec

(1) Hist. græc. fragm., coll. Didot, t. II, p. 613. L'authenticité des fragments de Manéthon a été niée par M. Havet, dans son livre sur le Christianisme et ses origines, l'Hellénisme, t. II, p. 29, et la note (1873). Mais son opinion ne nous paraît pas être universellement adoptée, même par les égyptologues. V. un article de M. Révillout dans la Rev. arch., 1877, t. XXXIII, p. 73. En tout cas, il n'est pas douteux que les adeptes du culte alexandrin eurent une grande vénération pour Manéthon, et qu'ils le considérèrent en quelque sorte comme leur patriarche. On a trouvé à Carthage, au milieu d'inscriptions et de fragments provenant des ruines du Sérapéum de cette ville (C. I. L., VIII, 1002 à 1009), un buste d'homme, sous lequel est gravé le nom MANEOON, C. 1. L., VIII, 1007.

(2) Dans ce qui suit, nous ne faisons qu'analyser un excellent mémoire de M. Lumbroso, intitulé Del culto di Serapide, et inséré par l'auteur dans ses Ricerche alessandrine. Il nous dispense de donner la longue liste des indications bibliographiques qui seraient nécessaires.

(3) Hist., IV, 84.

qui avait beaucoup voyagé, et apprit de lui que c'était celle du Pluton de Sinope. Il la fit transporter à Alexandrie, et des gens compétents y reconnurent une image de Sérapis : « Ce n'était pas ainsi que le dieu était appelé à Sinope; mais arrivé à Alexandrie, il y reçut ce nom, qui est celui que les Egyptiens donnaient à Pluton. » De ce passage il ressort qu'il y avait en Egypte, avant la fondation d'Alexandrie, un dieu de la mort et des régions souterraines qu'on appelait Sérapis, mais que ce nom était resté jusque-là inconnu aux Grecs. C'est ce que confirme l'égyptologie. Sérapis n'est qu'une transcription hellénisée du mot Osor-Hapi, par lequel on désignait, après sa mort, Osiris envisagé dans sa manifestation terrestre, le bœuf Apis (1). Que les Grecs eussent ignoré le terme propre à cette forme du mystère divin, c'est ce dont témoigne leur littérature, comme on peut aisément s'en convaincre par l'examen des textes antérieurs à l'an 332. Lorsqu'on le leur eut enseigné, ils l'écrivirent Ὁσόραπις, Ὁ Σόραπις, Σόραπις, Σάραπις et épais. Il reste à expliquer l'origine de la légende acceptée par Plutarque, d'après laquelle la statue du dieu auquel on appliqua ce vocable aurait été apportée de Sinope. Ou pourrait penser d'abord que les Ptolémées, en la laissant se répandre de si bonne heure, voulurent ménager la susceptibilité des Grecs, qui auraient pu souffrir dans leur amour-propre d'avoir à brûler leur encens devant le dieu des vaincus; mais en général ce n'est pas un dessein politique qui engendre les légendes. Au contraire, rien n'est plus commun que de les voir naître d'une confusion de noms, surtout à cette époque et dans ce pays (2). Les Apis étaient entretenus à Memphis sur une colline que l'on appelait Sen-Hapi << la demeure d'Hapi (3); » les Grecs établis depuis longtemps dans la ville avaient donné à ce nom la forme Sinopion (4). N'était-ce pas assez pour que le peuple prit le change? Les relations commerciales qui unissaient Alexandrie à la Sinope du Pont firent le reste. Quelques années suffirent pour que les lettrés eux-mêmes oubliassent l'origine d'une fable construite sur le modèle de tant d'autres (5). Sérapis n'est donc pas distinct d'Osiris. Dans les mys

(1) Pierret., Dict. d'arch. égypt. : Osor-Hapis.

(2) Cf. Lumbroso, Della formazione di alcune leggende greco-egizie, dans Nuovi studi d'archeologia alessandrina, p. 14 et suiv.

(3) Brugsch, Geogr., I, 240.

(4) Eustath. ad Dion. Perieg., v. 255, cf. Ps. Call. : ó dè éñeμyev aùtoùs dià χρησμῳδίας πρὸς τὸν ἀόρατον τοῦ Σινωπίου,

(5) Lumbroso, Formazione,... etc., p. 16.

tères, les deux noms désignent la même personne; quand bien même Plutarque ne l'affirmerait pas (1), nous le verrions assez par les inscriptions: il n'y en a pas une seule où Osiris et Sérapis figurent ensemble.

Un autre dieu recut aussi une appellation nouvelle; c'est celui dont Hérodote orthographie le nom Oros, plus communément écrit Horos. Sur l'expression égyptienne Har-pa-Khrat, qui signifiait Horos l'enfant, on appliqua le mot 'Aproxpárns, qui ne présentait aucun sens, mais qui sonnait grec. Quoiqu'on se soit mépris quelquefois sur le rôle d'Harpocrate, il n'est pas douteux qu'il continua toujours à représenter dans les mystères la résurrection (2).

Ainsi la triade subsiste sous cette forme :

(Osiris)

(Horos)

Isis.

Sérapis (3).

Harpocrate.

La triade, dans les diverses combinaisons des divinités éleusiniennes, était souvent accompagnée d'un personnage d'ordre inférieur que l'on considérait comme le ministre des autres (πρóñoλos). On assigna ce rôle, dans le culte alexandrin, à Anup ou Anpu, Anubis; il devint le conducteur des âmes, et à ce titre il remplit auprès d'Isis les mêmes fonctions qu'Hermès auprès de Déméter. Cette addition ne changeait rien au système. Anubis n'était jamais qu'un serviteur divin chargé de faire exécuter dans le monde les ordres venus d'en haut, un être intermédiaire placé fort audessus de l'homme, mais au-dessous de Dieu.

Il s'agissait de persuader aux Grecs que tous les dieux du polythéisme s'absorbaient dans les trois personnes de la théologie alexandrine. Pour les amener au syncrétisme, il fallait montrer: 10 Que le panthéon égyptien se fondait dans une triade; 2o Qu'il en était de même du panthéon grec;

3o Que la triade égyptienne et la triade grecque étaient identi. ques.

(1) De Is. et Osir., ch. XXVIII, p. 362, A.-B.

(2) Pierret, Dict. d'arch, égypt. : Harpocrate.

(3) Malgré les explications si séduisantes de M. Lumbroso, quelques auteurs persistent à voir dans Sérapis un dieu apporté de la Sinope du Pont. Il serait, suivant eux, originaire de Babylone. Son nom signifierait serpent, et devrait être comparé au Séraphim des Hébreux. V. Tiele, Manuel de l'histoire des religions, trad. Vernes (1880), p. 59. Krall. Tacitus und der Orient, 1er Theil. Historien, IV, 83, 84. Die Herkunft des Serapis. Wien, 1880. V. Bouché-Leclercq, Hist. de la divinat., t. III, p. 378, note 1.

Nous avons dit en commençant quel était le caractère de la religion égyptienne : « Obscurcie à nos yeux, dit M. Pierret, par la complexité de la mythologie qui la recouvrait, elle s'est prêtée jusqu'ici à de nombreuses explications, souvent contradictoires, dont aucune n'a été unanimement adoptée; mais ce qui est hors de doute, ce qui pour tout le monde se dégage clairement des textes, c'est la croyance en un Dieu unique. Le polythéisme que les monuments semblent accuser n'est qu'apparent; les innombrables dieux du panthéon ne sont que la mise en scène de l'être unique dans ses différents rôles (1). » Il était donc facile d'écarter l'idée de ces rôles tout secondaires et de s'élever jusqu'à une conception plus haute; i n'y avait qu'à dégager le dogme fondamental et à prouver qu'à Thèbes, à Syène, à Phile on adorait un seul et même Dieu en trois personnes, qu'elles s'appelassent Ammon, Maut et Khons, ou Kneph, Sati et Anouké, ou Osiris, Isis et Horos (2). Le polythéisme grec se prêtait moins à une sembable concentration, et cependant, si l'on accorde que la mythologie et la religion n'étaient pas même chose, que la théologie n'avait rien à démêler avec les aventures fabuleuses que l'on prêtait aux dieux (3), il faut avouer que la question était bien simplifiée. Dans les mystères, non seulement on adorait la divinité sous une triple forme, mais encore on devait forcément ramener à cette croyance toutes les autres; déjà à Eleusis, Dionysos est une sorte d'Hadès qui règne souverainement sur les Enfers, et « il devient comme l'énergie productrice de Zeus lui-même (4). » En d'autres termes, Dionysos, Hadès et Zeus ne sont qu'une seule personne. Déméter et Kora, quoique distinctes dans la légende, tendent aussi à se confondre et à englober petit à petit les attributions des déesses de la mer et du ciel; présidant à la reproduction des êtres, elles absorberont, par exemple, Aphrodite, qui, à vrai dire, leur servait presque de doublure. Enfin, les fonctions d'Apollon s'étendent au point qu'on en fait le « surveillant et le directeur des affaires humaines » (5), et qu'on lui reconnaît, dans l'ordre moral, le pouvoir purificateur. Ainsi les mystères, au plus beau temps de la Grèce, contenaient un germe de syncrétisme par cela même

(1) Pierret, Dict. d'arch. égypt. Religion. V. aussi Divinité.

(2) Wilkinson, Manners and customs, t. II, p. 513.

(3) Decharme, Mythologie de la Grèce antique. Préface.

(4) Girard, p. 239.

(5) Id., p. 243.

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