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que le dogme de l'unité était le principe plus ou moins explicite de la doctrine qu'on y enseignait.

Comment donc s'étonner que ce germe se soit développé au contact d'une religion dont l'esprit, malgré la multiplicité des formes de la divinité, était toujours monothéiste? Comment les Grecs, chez qui la sève de l'imagination s'était arrêtée et la raison s'était mùrie, n'auraient-ils pas compris la supériorité du système égyptien? Ils firent, lorsqu'ils le connurent mieux, le dernier pas dans la voie du syncrétisme. Mais tous leurs dicux ne gagnèrent pas également à ce progrès; il y en eut que l'on identifia bon gré mal gré avec certaines formes du Dieu de l'Egypte, en se fondant seulement sur des analogies de légendes assez superficielles, et qui n'eurent plus, dans la théologie nouvelle, qu'une importance secondaire. On a beau dire qu'Athénè et Aphrodite se confondent avec Neith et Athor (1), qui elles-mêmes ne sont pas distinctes d'Isis, qu'Arès est le même qu'Horos (2), en réalité, Athénè, Aphrodite et Arès sont condamnés désormais à un rôle effacé; leur culte est assimilé, en Egypte, à celui de certaines divinités locales, au pied desquelles on veut attirer les deux peuples (3); mais ce ne sont pas eux que l'Occident adorera sous les noms de Sérapis, d'Isis et d'Horos. L'avenir est réservé aux maîtres d'Eleusis et de Delphes; ils gagneront l'empire des âmes que tourmentent chaque jour davantage les sombres idées de mort et de vie future, et feront oublier à l'humanité tous les autres objets de sa vénération. Bien que le syncrétisme soit le principe de la religion qui naît à Alexandrie, certains attributs, certaines fonctions de la divinité sont laissées dans l'ombre; le monde se tourne vers le monothéisine, qui se fait alors de plus en plus grave et sévère.

Si les Ptolémées ne furent pas les seuls auteurs de ce changement, ils y contribuèrent pour beaucoup. Le premier d'entre eux obéit à une impulsion de la philosophie de son temps, non moins qu'à un dessein politique, lorsqu'il rapprocha par un lien religieux la Grèce et l'Egypte. Il conclut cette alliance avec tact, en s'éclairant des conseils des hommes les plus compétents; il y en eut deux surtout qui lui prêtèrent le secours de leur science théologique ce furent Manéthon et Timothée. Manéthon découvrit,

(1) V. ces mots dans Pierret, Dict. d'arch. égypt.

(2) De Rougé, Monnaies des nomes, dans la Revue numismatique, 1874, p. 7. Monnaies d'Edfou.

(3) Ibid., passim.

dans son Livre sacré, le sens des mythes (1), il fixa dans une étuded'ensemble ce que les Grecs avaient appris lentement depuis Hérodote, et donna, par son témoignage, de l'autorité à leurs découvertes. Timothée était un Athénien, de la famille des Eumolpides, qui exerçait un sacerdoce élevé dans les mystères d'Eleusis. Ptolémée l'appela auprès de lui et le confronta avec Manéthon (2). Les conférences de ces deux hommes avec le chef de l'Etat furent le point de départ de l'alexandrinisme. Suivant les auteurs, ils n'auraient été consultés que pour décider si le dieu de Sinope, que le roi avait vu en songe, était bien identique à l'Osor-Apis des Egyptiens. Malgré la confusion que nous avons signalée dans cette tradition, elle doit être exacte en ce qu'elle rapporte de Ptolémée et de ses conseillers. Il est probable que leurs entretiens roulèrent sur beaucoup d'autres sujets et qu'ils réglèrent d'une façon définitive tout ce qui touchait au dogme et à l'organisation du culte mixte. Dès lors, en effet, le principe et la forme de la religion sont arrêtés. Les siècles suivants n'y ajouteront rien. Les travaux d'Amométos (3), d'Anticlidès d'Athènes (4), de Nymphodore de Syracuse (5) deviennent, sous Ptolémée Soter et son successeur, la tige d'une littérature dont l'auteur du traité d'Isis et d'Osiris recueillera les fruits. Les identifications se poursuivent, les légendes se compliquent et s'enchevêtrent, on s'égare dans un fatras d'explications désordonnées, dont Plutarque sera plutôt embarrassé qu'éclairé, et qui ne dérouteront pas moins les savants modernes jusqu'au jour où les découvertes de Champollion permettront de s'en passer. Nous n'avons donc pas à suivre les Alexandrins dans ce travail stérile. Il suffit de rappeler qu'il commence à s'accomplir lorsque paraît l'Histoire sacrée d'Evhémère. Ce fut pour l'alexandrinisme une circonstance fâcheuse que de naître en même temps que le système de ce philosophe. Si, en outre, l'on songe que la religion égyptienne nationale subit à la même époque une altération semblable à celle qui dégrade l'hellénisme (6), on comprendra combien le mythe primitif dut être dénaturé (7). Suivant les dogmes les plus anciens, Dieu, à l'ori

(1) Hist. gr. fr., Didot, t. II, p. 613, fr. 74-79.

(2) Tac., Hist., IV, 83. Plut., De Is. et Osir., ch. XXVIII, p. 362, A.

(3) Hist. gr. fr. Didot, t. II, p. 396.

(4) Script. rer. Alex. M. Ed. Didot, p. 147. Cité par Plutarque, De Is. et Osir., c. XXXVII.

(5) Hist. gr. fr. Didot, t. II, p. 375.

(6) Maspéro, Hist. anc. des peuples de l'Or., p. 51.

(7) Evhémère appliqua certainement son système à la légende des dieux

gine du monde, s'était manifesté sous la forme d'une suite de rois, dont le séjour sur la terre marquait la période de l'âge d'or. Si cette croyance ne s'était pas modifiée, elle n'aurait pu servir la théorie d'Evhémère; car autre chose est de dire que Dieu s'est incarné dans l'homme, autre chose de dire qu'il n'y a de dieux que des hommes élevés au ciel par notre imagination. Mais les Egyptiens, à force de vouloir préciser les détails de l'existence terrestre de leurs dieux, en étaient arrivés d'eux-mêmes, sous les Ptolémées, à des abus de langage dont l'évhémérisme pouvait profiter. La religion alexandrine allait donc puiser à deux sources déjà corrompues. Le mythe s'en ressentit; on développa outre mesure la légende de la Passion d'Osiris et des aventures d'Isis; elle devint un canevas sur lequel chaque génération s'exerça à son tour. La fable d'Io surtout se grossit de détails empruntés à la géographie (1). On allongea le récit de ses courses errantes et l'on chercha à expliquer pourquoi elle avait été depuis si longtemps identifiée avec Isis. C'est sans doute à cette époque que l'on prétendit que l'héroïne grecque, amenée en Egypte par sa destinée singulière, y avait été adorée à partir de ce jour sous le nom d'Isis (2); présenter ainsi la fable, c'était donner le culte de la déesse égyptienne comme originaire de la Grèce, ce qui est le contraire même de la vérité. Il est regrettable que le poème de Callimaque, intitulé l'Arrivée d'Io en Egypte, ne soit pas parvenu jusqu'à nous; composé sous les premiers Ptolémées, il nous permettrait de mesurer le chemin que la légende avait parcouru depuis Eschyle et d'apprécier l'idée que les Alexandrins se faisaient des origines de leur religion.

Mais aussi bien leurs interprétations, souvent erronées, ont peu d'intérêt; qu'il nous suffise d'avoir vu comment s'est opéré le rapprochement entre les mythes fondamentaux des mystères de l'Egypte et de la Grèce. Les ressemblances qu'ils présentent s'expliquent-elles par une communauté d'origine ou par des emprunts que le plus jeune des deux peuples aurait faits à l'autre ? Il faudrait remonter, pour trancher cette question, à des époques

d'Alexandrie. V. Minutius, Félix, Octavius, c. 21. V. l'indignation de Plutarque contre ce système, De Is. et Os., p. 360, A.

(1) V. un mémoire de M. Hignard dans les Comptes rendus de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, 1868, p. 258.

(2) Lucien, Dialogues des dieux, 3. Remarquez qu'il n'y a rien de semblable dans Hérodote ni dans Eschyle; celui-ci parle bien du voyage en Egypte, mais non du culte.

qui ne sont pas de notre domaine. Ce que nous avons voulu établir, c'est que les Grecs n'ont été frappés de ces ressemblances que dans les temps historiques. La fusion qu'ils ont tentée est l'œuvre de la réflexion et de l'étude. Elle a été inspirée par des doctrines qui se répandirent immédiatement après celles des grandes écoles, et achevée grâce à un heureux concours d'événements. Dès le jour où Alexandrie fut fondée, l'éclectisme religieux s'imposa comme une nécessité à la politique et à la philosophie. Ce fut en même temps un immense progrès. Cinq siècles nous séparent encore de l'éclosion du néo-platonisme, et déjà on cherche à concilier d'une part le sentiment du divin avec les exigences de la raison, et de l'autre les différents systèmes entre eux. La religion grecque y gagne, puisqu'elle se resserre et s'épure en se concentrant tout entière dans le dogme fondamental de ses mystères la religion égyptienne y gagne aussi puisqu'elle acquiert la force de se répandre au dehors; l'hellénisme lui communique son étincelle. On objectera sans doute qu'elle était alors en pleine décomposition et que l'on pouvait tout au plus lui rendre les apparences de la vie. Il faut bien croire cependant qu'au milieu des éléments impurs qui s'y étaient introduits les Grecs surent trouver un principe que la corruption n'avait pas atteint, et qu'il leur suffit, non seulement pour soutenir pendant des siècles la vieille foi de l'Egypte, mais encore pour la propager jusqu'aux dernières limites du monde antique.

CHAPITRE II.

LE CULTE ALEXANDRIN DANS LE MONDE GREC (1)

ET AUTOUR DE ROME.

§ 1.

Les modernes n'ont que des éloges pour l'habileté dont Ptolémée Soter fit preuve dans son gouvernement, et c'est justice. Les progrès de la religion mixte, dont il fut le principal promoteur, ne peuvent se comparer, pour la rapidité, qu'à ceux du christianisme naissant. Avant de suivre les doctrines du culte nouveau chez les Grecs et chez les Romains, il serait bon de savoir comment il fut organisé à Alexandrie. Il faudrait surtout pouvoir reconstituer ce Sérapéum, qui fut jusqu'au dernier jour pour les Alexandrins ce que le temple de Jérusalem était pour les Juifs, un centre vénéré, où affluaient tous les hommages, et d'où partaient toutes les inspirations. Comment se combinèrent les traditions et les usages des deux races dans les cérémonies, dans les associations, dans la hiérarchie sacerdotale? Si l'on parvenait à l'expliquer on jetterait beaucoup de jour sur la suite de cette histoire (2). Alexandrie a répandu sur toutes les côtes ouvertes à son commerce les règles des honneurs qu'on devait rendre à ses dieux, et elle en a censervé le code dans son sanctuaire principal. C'est là que les rites. ont été célébrés avec le plus de solennité et observés avec le plus de rigueur. C'est là que le culte était né, et là qu'il se retrempait

(1) V. l'ouvrage de L. Preller, cité dans notre Bibliographie générale. V. encore une étude de Letronne, Sur les noms propres d'hommes et de femmes que les Grecs tirèrent de ceux des divinités égyptiennes Isidore, Sarapion, etc. Annali dell'Inst. di corrisp. arch., 1845, p. 325, et suiv.

(2) Ce sujet a été traité sommairement par Franz dans l'Introduction au recueil des inscriptions grecques de l'Egypte, C. I. G., t. III, p. 303, col. 2.

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