Sayfadaki görseller
PDF
ePub

Il résulte donc de tout ce qui précède, qu'avant de partir pour la France Barberino travaillait au Reggimento, et avait amené cette œuvre à un point très avancé. C'était à Padoue, en 1308. Son long séjour en deçà des Alpes eut, comme résultat littéraire, la composition des Documenti, mais non leur achèvement. Les premiers mois de son retour en Italie furent consacrés à cet achèvement, et c'est seulement après avoir terminé cet ouvrage qu'il reprit le Reggimento et y mit la dernière main. De cette retouche finale datent les nombreux passages où le voyage de Barberino en France a laissé des traces si manifestes, et ceux où il est parlé en termes si précis du manuscrit des Documenti. Ainsi s'expliquent les citations réciproques de ces deux ouvrages (1).

(1) Comme on le voit, nous n'avons aucune donnée certaine sur la date à laquelle fut commencé le Reggimento. Le passage sur lequel M. Antognoni s'appuie pour reporter cette date à une époque où Barberino était in età molto giovanile ne me paraît pas avoir la valeur qu'il lui attribue.

CHAPITRE IV.

POÉSIES DÉTACHÉES.

Comme tous les poètes italiens ses contemporains, Barberino a dù composer un grand nombre de petites pièces de vers, chansons, sonnets et ballades. Les manuscrits ne nous en ont malheureusement conservé qu'une très faible partie. En voici l'inventaire aussi complet que possible.

:

I. Chanson Io non descrivo in altra guisa Amore. Publiée par Ubaldini (Doc., p. 359), d'après le manuscrit original des Documenti; elle se trouve également dans le manuscrit de la Barberine coté XLV 47, qui paraît avoir été écrit en Lombardie, et dans un manuscrit de la bibliothèque nazionale de Florence, classe VII, no 1040, fo 45, qui a été exécuté en Toscane à la fin du quatorzième siècle. Une note de M. D'Ancona nous apprend, je ne sais d'après quelle source, que la même chanson se trouve dans un manuscrit de Lucques, qui l'attribue à Francesco da Orvieto (Vita nuova, di Dante Alighieri, éd. D'Ancona, p. 96).

II. Chanson Madonna allegro son per voi piagere. Publiée par Ubaldini (ibid., p. 368), d'après le manuscrit original des Documenti, fo 100.

III. Chanson: Se piu non raggia il sol e io son terra. Publiée par Ubaldini (ibid., p. 363), d'après le même manuscrit (fo 98 et 99).

:

IV. Chanson Madre di fallo chiami. On n'en possède que la première strophe, citée par Barberino dans le commentaire des Documenti (fo 28 v°) et publiée par Ubaldini (p. 373).

V. Chanson: Da chui gratia e l'onor e l'alma tegno. On ne possède que ce premier vers et dix autres appartenant à une des dernières strophes, publiés par Ubaldini (p. 374), d'après le manuscrit du commentaire (f° 52 r°).

VI. Chanson ..... Per lui prodeza et effetto d'onore. On n'a pas

:

le premier vers, mais on possède des fragments des cinq strophes dont elle se composait (Même ms. - Ubaldini, p. 375).

:

VII. Ballade Angeli poichè 'l ciel s'averse a quella. Se trouve complète dans le même manuscrit et a été publiée par le même éditeur (p. 371); republiée par Crescimbeni, Ist. volg. poesia, Venise, 1731, III 92.

VIII. Sonnet (1): Testo d'un erba ch' a nom zentelina. Se trouve dans le ms. Barberini XLV 47, p. 177; publiée par Ubaldini (p. 376).

La plus curieuse de ces compositions est celle qui, d'après le témoignage même des manuscrits assez nombreux qui la contiennent, paraît avoir eu le plus de succès:

Io non descrivo in altra guisa Amore.

Elle n'a de lyrique que sa forme de canzon distesa; en réalité, c'est une œuvre descriptive, et Barberino l'intitule lui-même : Tractatus Amoris et operum ejus (2). Elle a pour but d'expliquer une représentation figurée de l'Amour, imaginée par notre auteur pour remplacer la représentation traditionnelle transmise par l'antiquité. Comme on peut s'y attendre, la miniature et la chanson s'appliquent à donner au dieu une forme et des attributs qui puissent se concilier avec la théorie de l'amour que j'ai exposée plus haut.

Nudo, con l'ale, cieco e fanciul fue,
Saviamente ritratto a saettare,
Diritto stante in mobile sostegno.

C'est ainsi que Barberino résume le portrait d'Amour tel que l'ont décrit li saggi che passaro (3). Il accepte la nudité (4) et les

(1) On se rappelle que nous avons déjà signalé un sonnet inséré dans le Reggimento (éd. Vesme, p. 103).

(2) Ce tractatus se trouve transcrit à la suite des Documenti. Le manuscrit comprend, en outre, quelques gobole italiennes et un commentaire inédits, dont notre savant ami, le professeur Monaci, a annoncé depuis longtemps la publication. (3) Un autre poète italien, Federigo dall' Ambra, a composé un sonnet sur le même sujet, sonnet dont Barberino semble avoir pris la contrepartie :

Se Amor, da cui procede e bene e male

Fusse visibil cosa per natura,
Sarebbe senza fallo appunto tale
Com el si mostra nella dipintura,
Garzone col turcascio alla cintura,
Saettando cieco, nudo e ricco d'ale.

(Nannucci, Manuale, I, 366).

(4) Toutefois, per onestura, mais non per significanza, Amour porte une guirlande autour des reins.

ailes comme symbole d'immatérialité, mais il lui enlève son bandeau. Le faire aveugle, ce serait en effet admettre qu'il va au hasard frapper à toutes les portes; nous savons, au contraire, que le véritable amour ne s'arrête

Se non in loco d' ogni viltà netto.

C'est pour la même raison que Barberino n'en fait pas un enfant, mais un adolescent,

Che parria poco avesse conoscenza.

[ocr errors]
[ocr errors]

Il a, au lieu de pieds, des serres de faucon qui ne lâchent pas facilement leur proie. De la main droite il lance des dards; de la gauche, des roses. Sa monture est un cheval sans mors et sans bride, et c'est ce cheval, symbole de l'amant, qui porte le carquois et le bouquet de roses où l'Amour puise à pleines mains. Les dards symbolisent les peines; les roses, les joies d'Amour; et en les faisant porter au cheval, Barberino veut indiquer que l'amant

A seco quel dond' egli è poi lanciato.

Cette fantaisie de Barberino a joui d'une certaine renommée, puisque plusieurs manuscrits reproduisent la chanson. Boccace, dans sa Genealogia Deorum, lui a fait l'honneur de la citer, mais en commettant une erreur qui prouve qu'il l'avait lue avec bien peu d'attention (1). Pieraccio Tebaldi, rimeur de la fin du quatorzième siècle, en a enfermé le résumé dans un sonnet. On ne saurait dire toutefois que cette œuvre de Barberino ait exercé une bien grande influence sur la littérature postérieure.

La chanson no 2 est une longue lamentation d'un amant que la cruauté de sa dame pousse au désespoir; la vie est pour lui à charge et il appelle la mort à grands cris, pardonnant d'avance à celle qui en est la cause; il n'est plus que l'ombre de lui-même, et il s'écrie:

Chi a nemici e vuol lor morte dare,
Menimi a lor, che'l doloroso aspetto
Ch' io porto in vista gli farà finire...

(1) Passage cité par Ubaldini : « Huic (Cupidini) Franciscus de Barberino, non postponendus homo, in quibusdam suis poematibus vulgaribus oculos fascea velat... » C'est précisément le contraire.

Nous avons peine à prendre au sérieux toutes ces lamentations, et pourtant nous avons tort. Cette chanson a une histoire lugubre que Barberino nous a contée lui-même. Un noble florentin vint un jour trouver notre poète et le pria de lui composer une chanson dont il lui donna le sujet; celui-ci obéit. L'œuvre faite, il l'envoya à celui qui la lui avait demandée. Le Florentin lut et relut avec passion cette poésie qui correspondait si exactement à l'état de son âme, tant et si bien que, huit jours après, on le trouva mort, tenant encore à la main les vers de Barberino; la dame ne lui survécut que six jours. La chanson n'était autre que celle dont je viens de citer quelques vers. En nous racontant cette véridique histoire, pourquoi en douter? - Barberino croyait peut-être nous donner une haute idée de son talent poétique. Bien loin de là ces vers faits pour un autre nous laissent très froids. C'est que nous nous faisons une autre idée de la poésie, et que nous répétons volontiers, avec Dante, que le vrai poète est celui-là seulement qui

-

quando

Amor gli spira, nota, ed in quel modo
Ch' ei detta dentro va significando.

Nous ne nous arrêterons pas à la chanson no 3, ni au sonnet : ces deux compositions sont d'une obscurité dont l'auteur semble se faire un mérite et que nous ne chercherons pas à percer. Notons seulement que le sonnet est postérieur à l'année 1299, puisqu'il y est question du Sesto: c'est, en effet, en cette année 1299 que le pape Boniface VIII publia le sixième livre des Décrétales.

Les chansons 4, 5 et 6 ne nous sont pas parvenues en entier. La première était une des compositions juvéniles de Barberino; les deux autres, d'après ce qui nous en reste, exprimaient les idées favorites de Barberino sur l'amour. La dernière contient quelques vers qu'on dirait manifestement imités de Guillem de Montagnagol :

Io non veggio qual possa innamorare

Di donna e poi desiderar di lei

Fuor ch' ogn' onor di lei,

Se perfetto ama e nettamente imprende (1).

Enfin la ballade est peut-être le seul morceau vraiment poé

(1) Comparez, en effet, les vers provençaux cités plus haut, p. 54.

Mas ieu non dic que sia enamoratz...

« ÖncekiDevam »