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son ordre (1), » ou « d'après son avis (2)» qu'ils se sont mis en frais. Le onzième livre d'Apulée s'ouvre par le récit d'une apparition de ce genre. Lucius revoit plusieurs fois encore sa protectrice: c'est toujours pendant la nuit qu'elle lui dicte ses volontés; elle le guide ainsi pas à pas dans la voie du salut. D'ordinaire les dieux alexandrins se montrent volontiers à ceux qui vont leur demander une recette. L'incubation iatromantique est en grand honneur, surtout dans le culte de Sérapis, que l'on identifie désormais avec Asklépios (3). Les malades vont passer la nuit dans le temple, où des salles réservées sont sans doute aménagées pour les recevoir; et là le dieu leur donne sur les remèdes dont ils doivent faire usage des indications qui sont ensuite interprétées par des devins spécialement chargés de ce ministère (4). Aristide raconte qu'il eut recours aussi à Isis et à Sérapis, et qu'il en obtint des renseignements précieux; une nuit même, Sérapis et Asklépios lui apparurent ensemble (5). Quoique, dans certains cas, le dieu égyptien et ses acolytes ne se montrent pas aussi secourables que le grec, ils semblent lui avoir enlevé peu à peu le prestige que de nombreuses guérisons miraculeuses lui avaient valu; et sans doute ce ne fut pas une des moindres raisons de l'extension inouïe de leur culte (6). Il arrive encore que, même à l'état de veille, et sans remèdes, des malades soient subitement guéris par l'attouchement d'un mortel, à qui Serapis a confié ses pouvoirs. D'autres fois, le dieu fait connaître sa volonté par des signes fortuits, par des visions qui s'offrent, même en plein jour, aux yeux de ceux qui le consultent. C'est ainsi que Vespasien, dans cette journée fameuse où il guérit un aveugle et un paralytique, étant entré dans le Sérapéum d'Alexandrie, eut une hallucination il crut voir derrière lui un certain Basilidės, qui en ce moment se trouvait fort loin de la ville. Les prêtres déclarèrent que c'était là un présage qui désignait Vespasien pour occuper le souverain pouvoir, attendu que Basilidès signifiait fils de roi (7).

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Enfin les Alexandrins pratiquent la nécromancie autant que pas un des païens les plus superstitieux. Dans le roman qu'Apu

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(1) Katà πpóstaypa, C. 1. G., 2304 et 2305. Ez imperio,» C. I. N., 5352.

Imperio, » Orelli, 1886, C. 1. L., V, 10. « Jussu, » C. I. L., II, 3386.

(2) « Ex monitu. » C. I. L., V, 484.

(3) Bouché-Leclercq, ouvrage cité, t. I, p. 321 et suiv.; t. III, p. 391. (4) V. C. I. G., 3163.

(5) Disc. sacrés, II, p. 519; III, p. 565.

(6) Diod., I, 25. Bouché-Leclercq, t. III, p. 391-394.

(7) Tac., Hist., IV, 82.

lée a traduit figure un prêtre égyptien, qui, moyennant une somme très considérable, consent à tirer pour quelques instants une âme des enfers et à ranimer un cadavre. Il applique à trois reprises une certaine herbe sur la bouche du mort et lui en met une autre sur la poitrine. Puis, tourné vers l'Orient, il adresse tout bas une prière au Soleil. Et le mort ressuscite (1). Sérapis peut, quand il le veut, produire ce miracle, et rappeler à la vie qui il lui plaît, non pour un moment, mais pour des années (2).

La science moderne se demande avec étonnement comment les Egyptiens ont pu rendre un culte à des animaux, et elle cherche encore sans succès les raisons qui les ont poussés à une pareille folie. Les uns admettent a priori que nous manquons des connaissances nécessaires pour trancher la question (3). Les autres, désespérant d'arriver à une solution qui sauve l'honneur de la religion égyptienne, n'hésitent pas à qualifier ce culte de fétichisme (4). De quelque façon qu'on le considère, il est certain qu'il n'inspira jamais aux Grecs et aux Romains que du mépris et de l'horreur. A peine les Athéniens en eurent-ils entendu parler, que les poètes comiques se mirent à le poursuivre de leurs sarcasmes (5). Les Latins sont unanimes pour le condamner. Cicéron est confondu, comme nous le sommes aujourd'hui, du contraste qu'il y a entre une superstition si grossière et la sagesse légendaire de la nation chez qui elle florissait (6). Orateurs, historiens, philosophes, satiriques, tous témoignent la même surprise. Aussi Plutarque a-t-il fort à faire lorsqu'il lutte contre ce sentiment, ou du moins lorsqu'il cherche si la croyance populaire n'est pas fondée sur une idée raisonnable qui puisse trouver grâce devant la philosophie (7). Entre toutes les explications qu'il passe en revue, il y en a une qui lui paraît plus plausible : c'est que l'Egypte rend un culte aux animaux qui lui sont utiles, qui la délivrent des corps malsains et des êtres nuisibles. Déjà Cicéron avait dit, en se moquant des théories d'Epicure: « On rit des Egyptiens... Mais chez eux les animaux n'ont été divinisés que par suite de leur utilité, tandis que vos dieux, non seulement ne font rien d'utile, mais même ne

(1) II, p. 160 et suiv.

(2) Arist., In Serap., 55.

(3) Pierret, Dict. d'arch. ég.

(4) Tiele, l. c., 8 30. Perrot, Revue de l'hist. des relig., l. c., p, 155.

(5) V. plus haut, chapitre II, p. 32.

(6) Repub., III, 6. Nat. Deor., III, 15. Tuscul., V, 27.

(7) De Is. et Os., ch. LXXI à LXXVIII.

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font rien du tout (1). » Plutarque soutient que les hommages de la multitude s'adressent, non point aux animaux eux-mêmes, mais à l'ordre admirable de la Providence dont ils sont les instruments, et qui les place à côté de l'homme, dans un climat brùlant, comme des auxiliaires d'un prix inestimable (2). La puissance divine se reflète en eux « comme le soleil se peint dans des gouttes d'eau. D'ailleurs est-il plus absurde d'adorer dans les animaux une des manifestations de la vie, laquelle émane de Dieu, que d'attribuer, avec l'école de Pythagore, des propriétés divines aux nombres et aux figures géométriques? Si les philosophes les plus illustres n'ont pas craint de voir dans les substances inanimées des traits de ressemblance avec la divinité, « à plus forte raison ne doit-on pas négliger ceux que l'on rencontre dans les êtres animés et sensibles, capables de passions et d'affections morales (3). » Plutarque ne cache donc pas la répugnance qu'il éprouve à se prosterner devant des créatures manifestement inférieures à l'homme. Mais, au fond, il pense que moins ils sont capables de raison et plus il est naturel de voir dans leur instinct. merveilleux l'indice d'une action directe et incessante de la divinité. C'était l'opinion de l'antiquité tout entière; et, à vrai dire, loin d'être surpris que Plutarque excuse les Egyptiens sur ce point, on devrait l'être bien davantage qu'il ne remarque pas combien leurs doctrines, en pareille matière, étaient voisines de celles des Grecs. Il y avait en Grèce une méthode divinatoire qui reposait sur ce principe, que les animaux servent d'intermédiaires entre Dieu et l'homme (4). Celse écrivait : « Si les oiseaux nous indiquent par des signes tout ce que Dieu leur a révélé, il suit de là qu'ils sont dans une intimité plus étroite que nous avec la divinité... et sont plus chers à Dieu que nous (5). » De là à leur rendre un culte y a-t-il un abîme? Il est vrai qu'au temps de Celse la religion hellénique absorbe dans son sein les doctrines de l'Orient. Mais les héros d'Homère (6) n'eussent point consulté le vol de l'autour, du faucon et d'autres oiseaux, s'ils n'avaient été inspirés par la même idée. Asklépios, dans certains temples,

(1) De Nat. Deor., I, 36.

(2) C'est en somme la théorie que soutient aussi M. Perrot, l. c. V. ibid., le brillant développement que Michelet a donné à la même idée.

(3) Is. et Os., ch. LXXI à LXXIV.

(4) Bouché-Leclercq, ouvrage cité, t. I, p. 124 et suiv.

(5) Dans Origène, Contre Cels., IV, 88.

(6) Odyss., XIII, 87; XV, 526. Il., X, 274, cités par Bouché-Leclercq, l. c., p. 134.

était adoré sous la figure d'un serpent (1). Les génies topiques de certaines villes étaient représentés par des reptiles vivants qui avaient des ministres chargés de leur entretien. En somme, le culte des animaux ne fut jamais étranger à la religion grecque, et si ce furent des influences orientales qui l'y introduisirent, comme on le suppose (2), il faut admettre qu'elles se firent sentir de très bonne heure. Le bon sens populaire, le génie des artistes qui surent tailler pour la multitude des dieux plus beaux que tout ce que la nature pouvait lui fournir, retinrent seuls peutêtre la religion hellénique sur la pente du fétichisme. Encore s'y abandonna-t-elle librement, lorsqu'elle eut été transplantée à Alexandrie. Il est impossible de déterminer si elle le répandit en Occident. Nous ne savons pas si les auteurs anciens, si les Latins en particulier, lorsqu'ils traitent de cette superstition, font allusion à ce qu'ils voient sous leurs yeux, ou à ce qu'ils ont entendu rapporter par autrui des pays étrangers. Les monuments ne nous instruisent pas davantage. Les inscriptions ne parlent jamais des animaux. Dans les représentations figurées revient souvent Anubis à tête de chien ; c'est le seul dieu auquel on conserve la forme monstrueuse qu'on lui avait donnée en Egypte. A Rome, on portait sa statue dans les processions (3). Mais, quoique ce fùt sous l'influence d'un reste de fétichisme qu'on eût inventé cette idole, on ne peut lui donner le nom de fétiche, puisque c'était une image sans aucune réalité, à laquelle on attachait un sens symbolique, et non pas un être vivant renfermé dans un temple pour y être adoré. Des fresques d'Herculanum nous montrent, au milieu d'une enceinte sacrée remplie de prêtres et de fidèles, des ibis qui errent en liberté auprès de l'autel (4). A Pompéi, on voyait, peints sur les murs de l'Isium, un singe, un serpent, un bélier, un chacal, un rat, un vautour, un ichneumon et deux taureaux (5). Ce ne sont pas là des preuves péremptoires pour admettre que des animaux recurent un culte, en pays latins, dans les temples d'Isis et de Sérapis. Remarquons du reste qu'Apulée, qui décrit tout avec tant de détails, est muet sur ce sujet. Il est assez probable que l'alexandrinisme n'imposa point à ses adeptes une règle invariable et uniforme, qu'il ne fut point sur les bords

(1) Maury, Relig. de la Grèce, t. I, p. 450 et suiv.

(2) Ibid., t. II, 58.

(3) V. ici chapitre III, p. 62, n. 1.

(4) V. notre Catalogue, no 222, 223.

(5) V. notre chapitre VIII,

du Rhin ce qu'il était dans l'Italie méridionale, ni dans les petites villes ce qu'il était dans les grandes. Il dut s'accommoder aux mœurs, aux tempéraments très divers des peuples qui l'accueillaient, et se dégager d'autant plus de la superstition qu'il avait affaire à des esprits plus froids et plus raisonneurs. Peut-être le culte des animaux florissant dans les régions voisines de l'Egypte ne put-il s'acclimater sous d'autres cieux.

§ 4.

En somme, l'impression qui se dégage de l'examen de cette doctrine, considérée dans son ensemble, c'est qu'elle appartient à une époque de transition. Elle est née sous l'influence d'une grande exaltation répandue dans toutes les classes, chez les plus sages et chez les plus simples. En voyant les conceptions hautes. et pures qu'elle mêle à des superstitions ridicules, on se dit tout. d'abord qu'elle n'était point faite pour réaliser l'alliance tant atttendue entre la philosophie et la religion; elle rapproche les deux éléments sans les fondre, et l'on se demande comment elle peut espérer combler l'abîme signalé par Plutarque, satisfaire à la fois les docteurs et la foule. Mais, si l'on y regarde de plus près, on s'aperçoit que les vices qui la déparent son la conséquence même de la révolution dont elle est sortie. Si les uns admettent qne l'homme est sans cesse sous l'œil et dans la main de Dieu, il est naturel que les autres cherchent partout autour d'eux des signes sensibles de cette surveillance et tentent d'entrer en communication avec cette puissance invisible qui les enserre de toutes parts. Jusqu'à la fin du second siècle, les deux catégories de fidèles que la religion alexandrine entraîne dans un même courant restent éloignées l'une de l'autre ; mais, quand paraîtra Plotin, la philosophie unira sa cause à celle de la magie et des autres sciences surnaturelles (1); il n'y aura plus des penseurs d'une part et des esprits faibles de l'autre il n'y aura que des mystiques.

(1) V. Alf. Maury, La magie et l'astrologie dans l'antiquité, première partie, chap. V, La magie dans l'Ecole néo-platonicienne.

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