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prêtre qui l'a consacré, entre le myste et le mystagogue (1). C'est Isis qui les rapproche; elle avertit chacun d'eux qu'il doit rechercher l'autre. Une fois les épreuves terminées, ils sont unis par une sorte de parenté spirituelle qui doit durer autant que leur caractère sacré d'isiaques, c'est-à-dire jusqu'à la mort. En prenant congé du grand prêtre de Kenchrées, « qui est désormais son père (2), » Lucius se suspend à son cou, il le couvre de baisers et lui demande pardon de ne pouvoir le récompenser dignement de ses immenses bienfaits.

L'initiation a donc pour résultat d'enlever l'homme à la société, de le faire entrer en communion directe avec le dieu qu'il adore et de lui créer une seconde famille. C'est bien pour lui, comme le dit souvent Apulée, le commencement d'une autre vie.

§ 2.

En même temps que l'initié ouvre son âme à des sentiments nouveaux, il prend l'engagement de les entretenir en lui par la fréquentation assidue des mystères. Dans les temples alexandrins, le service des prêtres auprès de la divinité ne souffre jamais d'interruption; il est de leur devoir de célébrer chaque jour les cérémonies sacrées, comme il est du devoir des fidèles d'y assister (3).

Ceux qui fondèrent le culte isiaque établirent que la journée religieuse serait divisée en deux parties, ou, pour employer le vrai mot, qu'elle comprendrait deux offices (4). Le premier avait lieu de grand matin, avant le lever du soleil; il commençait par l'Ouverture des portes, cérémonie qui s'accomplissait avec pompe et suivant un rite déterminé (5). On peut à merveille se figurer comment les choses se passaient, si l'on jette les yeux sur un plan de l'Isium de Pompéi (6). On se représente aisément les prêtres debout sur le seuil du temple, introduisant les fidèles qui se

(1) Maury, l. c., p. 351.

(2) « Meum jam parentem, » p. 808.

(3) « Sedulum quot dies obibam culturæ sacrorum ministerium. » Apul., p. 800.. (4) M. Bétolaud ne craint pas d'employer ce mot dans sa traduction (Apul., p. 797), et, en effet, il s'impose. Georgii (dans Pauly, Isis, p. 294) appelle ces deux offices zwei Messen. V. Tibulle, I, III, 31, 32. « Bisque die..., » etc. (5) Apertio templi, Apulée, p. 795 et 801. Josèphe, Ant. jud., XVIII, ш; 5. (6) V. tous les ouvrages à planches où sont décrits les monuments de Pompéi, Roux, Breton, Nissen, etc., et, de préférence, Nicolini, Le case ed i monumenti di Pompei.

pressaient devant la lourde porte du péribole. Puis tous se rangeaient devant la cella, tandis qu'un prêtre y entrait par un petit escalier ménagé sur le côté; il tirait à droite et à gauche les rideaux blancs qui pendaient devant le sanctuaire (1), et la statue de la déesse apparaissait tout à coup aux yeux des assistants : c'était le moment fixé pour l'adoration (2). Le sacrifice qui venait ensuite était la partie importante de la cérémonie; il avait ceci de particulier qu'il ne se célébrait pas devant la cella; il y avait dans la cour du temple plusieurs autels, comme on le voit encore à Pompéi; le prêtre en faisait le tour en récitant les prières d'usage (3); il répandait une libation avec une eau « prise à une fontaine secrète (4), » c'est-à-dire sans doute apportée du Nil (5). Enfin on annonçait la première heure du jour par des cris et par des chants qui devaient ressembler beaucoup à ceux que les muezzins arabes font entendre du haut de leurs minarets (6). Là se terminait l'office du matin (7).

A la huitième heure (deux heures après midi) les oisifs de Rome qui passaient près du temple d'Isis et de Sérapis, au Champ de Mars, entendaient éclater au-dedans de l'enceinte les chants des prêtres (8) qui annonçaient le commencement de l'office du soir (9). On ne saurait dire exactement par quelles cérémonies il était rempli. Cependant il est possible qu'on le consacrât à la contemplation des objets sacrés et à ces représentations dramatiques qui, dans tous les cultes mystérieux, avaient une si grande importance (10). Deux fresques d'Herculanum (11) nous montrent, en effet, que ces parties essentielles de l'initiation se célébraient aussi en présence de tous les fidèles assemblés, pour

(1) « Velis candentibus reductis in diversum. » Apul., p. 795.

(2) « Deæ venerabilem conspectum apprecamur. » Apul., ibid. C'est ce qu'il appelle ailleurs (p. 811): « deæ matutinæ salutationes. »

(3) Id., ibid : « Per dispositas aras circumiens sacerdos rem divinam procura supplicamentis solemnibus. » Ailleurs (p. 801): « matutinum sacrificium. » (4) « E penetrali fontem petitum libat. » (Le texte est corrompu.)

(5) Comme l'explique Böttiger, Sabina, I, p. 245, note 19, en rapprochant ce passage de Juvén., VI, 527, et Aristid., t. II, p. 362. L'eau du Nil s'exportait et se conservait comme une liqueur précieuse. Il pouvait y en avoir un réservoir dans les temples alexandrins.

(6) Apul., p. 795.

(7) C'est ce que Böttiger compare à matines.

(8) Martial, X, xlviii, 1.

(9) C'est ce que Böttiger appelle les Vêpres d'Isis.

(10) Maury, t. II, p. 341.

(11) V. notre Catalogue, no 222, 223.

tenir sans cesse leur piété en éveil, et non pas seulement dans un cas spécial, pour conférer à un néophyte le caractère dont il demandait à être marqué. L'une de ces fresques représente l'Adoration de l'eau sacrée. Le personnage principal de cette scène, celui qui attire tous les regards, c'est un prêtre qui se tient debout devant la cella d'un temple, portant dans ses deux mains, élevées à la hauteur de sa poitrine et enveloppées dans les plis de son vêtement, un vase qu'il semble offrir à la vénération des assistants (1). Apulée a pris soin de nous expliquer que cet objet n'était autre que l'image même de la divinité (2): il renfermait l'eau. que les Egyptiens, suivant Plutarque, considéraient comme un écoulement d'Osiris, comme le principe fécondant de la nature (3). L'artiste a choisi le moment le plus important de la cérémonie, celui où la divinité se manifeste aux yeux de ses adorateurs (4). En même temps le sacrifice fume sur l'autel; les initiés, partagés en deux troupes que dirigent les ministres subalternes du temple, semblent chanter les louanges des dieux; quelques-uns agitent le sistre, tandis qn'un joueur de flute, assis dans un coin, les accompagne en soufflant dans son instrument.

La seconde fresque (5) reproduit une scène des représentations sacrées. Au fond d'une enceinte qu'entourent de verts bosquets s'élève un théâtre, auquel cinq marches donnent accès; là on voit un personnage barbu, complètement noir, dont la chevelure est ceinte de feuillage et surmontée d'une fleur de lotus. Une main sur la hanche, l'autre élevée en l'air, il exécute un pas de danse. C'est sans doute un de ces Alexandrins basanés que l'on recherchait en Italie comme danseurs, à cause de la grâce et de la légéreté de leurs mouvements; à moins qu'on n'ait donné à sa peau cette couleur sombre afin de rappeler l'Osiris noir, le dieu infernal de l'Egypte. Ce qui paraît certain, c'est qu'il joue là uné de ces pantomimes que l'on offrait en spectacle aux initiés et qui, en général, représentaient les péripéties de la Passion de la divinité principale (6). A en juger par le maintien des spectateurs,

(1) « Пpopavès тò úôρetov éуxexоλπioμévoç. » Clém. Alexandr., Strom., VI, 634. (2) Apul., p. 177. Sainte-Croix a tort de croire qu'il s'agit du phallus dans ce passage. Le texte d'Apulée est très concluant, surtout si on en rapproche ceux de Plutarque et de Vitruve que cite Hildebrand ad h. l. D'ailleurs, v. notre Catalogue, no 118.

(3) De Is. et Os., ch. XXXVI.

(4) C'est ce que Böttiger et Georgii appellent l'élévation de l'hydria.

(5) V. notre Catalogue, no 222.

(6) Sainte-Croix, t. I, p. 322, et p. 384-385 note de Sylvestre de Sacy. Maury, t. II, p. 333.

cette danse exprime des sentiments gais. Elle est accompagnée et réglée par les sons du tympanon, de la flûte et des sistres, que tiennent plusieurs des fidèles et des prêtres épars autour de l'acteur. Devant la scène, la flamme brille sur l'autel du sacrifice. Il est évident, en outre, que l'artiste a voulu, comme pour l'autre fresque, reproduire une des scènes caractéristiques du culte, une de celles qui revenaient le plus souvent sous les yeux des adorateurs d'Isis. En effet, cette même figure de l'acteur sacré se retrouve, devant deux joueurs de flûte, sur un bas-relief qui a été mal expliqué jusqu'ici (1). Il est assez probable que le mystère que célèbrent les personnages de ce curieux tableau n'est autre que la Passion d'Osiris, et que le moment choisi par l'artiste est celui où le dieu vient d'être enfin retrouvé et où on accueille sa résurrection par des chants d'allégresse.

Ainsi la première fresque nous montrerait Osiris se manifestant en substance; la seconde, Osiris représenté par une image sensible et sous une forme humaine. Toutes deux nous feraient assister à l'acte solennel qui terminait et couronnait l'office.

On ne peut étudier les mystères grecs sans se demander s'ils comportaient un enseignement (2). La même question se présente ici. Sans parler des leçons que les initiés pouvaient tirer des spectacles auxquels ils assistaient dans les temples d'Isis, recevaient-ils de la bouche d'un prêtre des instructions sur des sujets de morale et de philosophie religieuse? On a trouvé dans l'Isium de Pompéi, appliquée contre un pilier qui se dresse auprès du sanctuaire, une petite stèle sur laquelle sont gravés des hiéroglyphes (3). Il est naturel de penser que cette inscription, placée ainsi en évidence, était lue et commentée devant l'assemblée, et par conséquent qu'elle contient le résumé de la doctrine qui s'enseignait dans le temple; on songe aussitôt à en rapprocher les tables dites de Pignori et de Ficoroni (4), qui pendant si longtemps, jusqu'aux découvertes de Champollion, ont exercé la sagacité des égyptologues. Il semble bien que ces monuments, découverts en Italie, proviennent tous trois de temples alexandrins, et qu'ils offraient aur yeux des fidèles le texte inaltérable de la loi sur laquelle reposaient leurs croyances. Mais les égyptologues modernes nous arrêtent; ils nous traduisent ces docu

(1) V. notre Catalogue, no 108.
(2) Maury, t. II, p. 339 et suiv.
(3) V. ici chapitre VIII.

(4) V. notre Catalogue, no 230, 231.

ments, sur lesquels les savants ont entassé des dissertations nécessairement erronées. Les hiéroglyphes de la table de Pignori sont d'invention romaine et n'ont aucun sens; la table de Ficoroni n'est qu'un fragment détaché de quelque sarcophage; M. Maspéro (1) estime qu'il y avait à Rome des marchands d'antiquités égyptiennes, qui débitaient et vendaient au détail des inscriptions et des bas-reliefs dont on se servait comme d'amulettes, et telle aurait été la destinée de nos fameuses tables, qui ont coûté tant de veilles à des savants estimables. La stèle de Pompéi ellemême est une inscription funéraire sous forme de proscynème à Osiris; elle ne se distingue en rien des monuments du même genre qui abondent en Egypte, et, suivant M. Révillout, elle ne présente d'intérêt qu'à cause du lieu où elle a été trouvée. Que conclure de là? Faut-il admettre que cette inscription banale n'était déchiffrable pour personne, pas même pour les prêtres qui l'avaient exposée en public, et qu'on la vénérait d'autant plus qu'on la comprenait moins? Ce serait peut-être trancher trop vite la question. Pour ce qui est des tables de Pignori et de Ficoroni, on en ignore la provenance exacte; il n'est pas certain que la première, dépourvue de sens, mais d'un travail artistique très soigné, ne fût pas tout simplement une pièce décorative, et que la seconde n'ait pas servi d'amulette, comme le veut M. Maspéro. Mais la stèle de Pompéi a été trouvée dans un temple, où elle occupait une place d'honneur; il est peu probable qu'elle eût été choisie au hasard par des imposteurs incapables de déchiffrer l'inscription et de l'expliquer aux autres. Parmi les prêtres alexandrins, il y en avait qui savaient lire les hiéroglyphes. Le jour où il fut décidé que Lucius serait initié, le grand prêtre « tira du

(1) V., dans notre Catalogue, n° 231, la description qu'il a bien voulu nous donner. Il ajoutait dans la même lettre : « La présence de ce monument à Rome n'a rien qui m'étonne. Il devait s'y trouver comme talisman. Les Romains et les Grecs avaient confiance aux magiciens de l'Egypte, et Nectanèbe était aussi célèbre comme nécromant que Néchepso ou Pétosiris: le curieux récit du faux Callisthènes, au début du roman d'Alexandre, en est la meilleure preuve. Un morceau de pierre portant son nom, couvert de figures bizarres et de formules, devait faire un excellent talisman. Je crois, quant à moi, et c'est une opinion que personne encore n'a défendue, à ma connaissance, que toutes les tables, Table isiaque, Table de Ficoroni, et tous les objets égyptiens plus ou moins complets qu'on trouve en Italie, sont de vraies amulettes, comme aujourd'hui encore pour certaines gens les pierres et les plaques gnostiques, et que plus d'un sorcier égyptien a dû se faire une clientèle à Rome en débitant au détail des sarcophages d'époque saïte, chargés de figures et d'hieroglyphes. › V. encore notre étude sur Les monuments, 2.

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