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fond du sanctuaire certains livres écrits en caractères inconnus; ici c'étaient des figures d'animaux de toutes sortes, qui renfermaient dans un petit nombre de signes l'expression de la pensée; là des dessins enchevêtrés en forme de nœuds, arrondis comme des roues, contournés comme les vrilles de la vigne, écriture étrange qui a pour but de dérober à la curiosité des profanes les secrets de la religion. Le grand prêtre lut à Lucius dans ces livres quels étaient les objets qu'il devait se procurer pour sa consécration. » Il est donc possible que la stèle de Pompéi, qui, comme tous les monuments funéraires des Egyptiens, résumait leurs idées sur la vie d'outre-tombe, ait servi de texte aux commentaires des prêtres, dont un au moins, celui qu'on appelait le scribe, était en état de lire et d'interpréter l'inscription (1).

Malgré l'abondance et la précision des renseignements que nous donnent les auteurs, malgré la fidélité avec laquelle les monuments reproduisent les scènes du culte, il s'en faut que nous connaissions exactement tout ce qui se passait chaque jour dans les temples alexandrins. Les égyptologues nous l'apprendraient sans doute, si nous n'étions décidé à nous en tenir aux documents de l'antiquité classique. Il y a un mot qui revient souvent chez les Latins lorsqu'ils parlent des mystères d'Isis, et qui peint bien leur sentiment : c'est qu'on y est assis (2). Tous les personnages représentés sur les fresques d'Herculanum sont debout; mais les textes sont si formels qu'on ne peut douter de la vérité du fait dont ils témoignent. Les poètes rapportent qu'il y avait des sièges (3) disposés au devant de l'autel (4), au pied du sanctuaire (5). Les fidèles, après avoir pénétré dans l'intérieur du péribole, pouvaient s'asseoir en face de l'image sacrée et passer commodément plusieurs de ces heures d'extase qui semblaient si douces au cœur de Lucius. On a retrouvé dans l'Isium de Pompéi, à la place même qu'indiquaient les textes, un banc qui a dû

(1) Assurément, il n'était pas plus extraordinaire de trouver à Pompéi des prêtres alexandrins capables de déchiffrer des hiéroglyphes que des soldats arabes capables de graver leurs noms avec les caractères propres à l'écriture de leur pays. V. Journal des Savants, juin 1881, pag. 337-338.

(2) Tibulle, I, III, 30. Ovide, Amours, II, XIII, 17; Art. d'Aim., III, 635; Trist., II, 297; Pont., I, 1, 52. Martial, II, XIV.

(3) « Cathedræ. » Martial, l. c.

(4) Ante focos. » Ovide, Pont., l. c.

(5) C'est ainsi sans doute qu'il faut entendre ante fores (Tibulle, l. c.) pour concilier ce témoignage avec celui d'Ovide, Pont., l. c.

servir à cet usage (1). Un rhéteur latin, qui a vécu à l'époque de Trajan et d'Hadrien, P. Annius Florus, caractérise d'un seul trait ces habitudes contemplatives qui étaient propres aux Egyptiens et que plus d'un étranger, comme lui, constataient avec surprise. Il raconte que, dans sa jeunesse, il fit un voyage en Egypte « Je voulais voir, dit-il, les bouches du Nil et ce peuple. toujours oisif dans les temples, qui passe son temps à agiter les sistres consacrés à sa Déesse (2). » Ne cherchons donc pas plus longtemps comment les prêtres pouvaient occuper les âmes pieuses qui venaient leur demander les émotions que le culte romain était désormais impuissant à éveiller. Quand les cérémonies de l'office quotidien, quand l'adoration des objets sacrés, quand la représentation des mystères ne suffisaient plus, le dévot pouvait encore rester là, muet et impassible, les yeux errant dans le vide, l'esprit abîmé dans de calmes et graves rêveries Pour lui faire perdre le sentiment de la réalité extérieure, pour l'arracher à la vie du monde, on avait trouvé un moyen sûr : l'inviter à s'asseoir devant l'idole.

§ 3.

Les grandes fêtes qui rappelaient les principales péripéties du drame osirien et qui se célébraient annuellement, à date fixe, dans les temples de l'Egypte, furent adoptées par les Grecs d'Alexandrie et passèrent avec eux en Italie (3). Nul doute que les anniversaires de la Naissance, de la Passion et de la Résurrection du dieu ne fussent à Rome et dans tout l'Empire l'occasion d'un mouvement insolite parmi ses adorateurs. Ces jours marqués par la religion pour être consacrés aux manifestations de la douleur ou de la joie publique sont appelés par Juvénal sacri observandique dies (4). On s'y préparait par un certain nombre de pratiques dont les règles étaient contenues dans les livres saints. En général les fidèles devaient se soumettre, pendant dix jours avant la solennité, à des abstinences de tout genre, parmi les

(1) V. le plan de Nicolini et notre chapitre VIII.

(2) Juli Flori Epitoma. Recensuit Otto Jahn, 8°. Lipsia, Weidmann, 1852, p. XLII, l. 17 : « Ut ora Nili viderem et populum semper in templis otiosum peregrinæ deæ sistra pulsantem. »

(3) V. les textes latins réunis dans Georgii, p. 293, surtout Minut. Félix, Octavius, c. 21.

(4) VI, 536.

quelles le jeune ne paraissait pas la plus dure à des hommes de plaisir comme Ovide, Properce et Tibulle (1). Il y avait de dévotes personnes qui, pour être plus sûres de ne pas rompre la suite des austérités qu'elles s'imposaient, allaient s'enfermer dans le temple et y restaient même la nuit (2). Properce ne cache pas l'humeur que lui causent ces exagérations; il commence une de ses élégies par cette exclamation: «Voici encore que reviennent les tristes solennités d'Isis, et Cynthie a déjà passé dix nuits près de l'autel!» Tibulle, gémissant sur la maladie qui le consume, n'est pas fâché de faire sentir à Délie qu'il n'a rien gagné à la ferveur avec laquelle son amie a toujours rempli ses devoirs d'isiaque. Soyons certains que Délie lui ferma la bouche et retourna au temple.

Les différents calendriers romains qui sont parvenus jusqu'à nous mentionnent d'une façon très exacte les fêtes du culte d'Isis. Il y en a une à laquelle les populations des bords de la Méditerranée semblent avoir donné, à l'époque impériale, une grande importance: c'est celle que l'on célébrait au printemps, afin de placer sous les auspices de la déesse la saison qui allait s'ouvrir pour les navigateurs. Elle s'appelait la fête du Vaisseau d'Isis (3) et avait lieu le 5 mars (4). Dans toutes les villes habitées par des marins, c'était une date attendue avec impatience; car elle marquait le moment où l'on pouvait se remettre en mer sans crainte des tempêtes. Apulée nous a laissé une description minutieuse du cérémonial que l'on observait dans cette circonstance à Kenchrées. Ce qui faisait l'intérêt principal de la journée, c'est que l'on consacrait à Isis un vaisseau neuf, que l'on abandonnait ensuite à la mer (5). La fête commençait avec le lever du soleil; il va sans dire que le temps devait toujours être beau et que la nature ne pouvait manquer de favoriser l'allégresse générale (6). A la première heure, une procession partait du temple d'Isis et de Sérapis

(1) Pour le jeûne, v. Apul., XI, passim. Ce sont les puri Isidis dies, v. Ovid., Amours, I, ví, 74; III, 1x, 33. Properce, II, xxxiii, 1, 2; IV, v, 34. Tibulle, I, III, 26. Juvén., l. c.

(2) Properce, II, xxxiii, 2

(3) Isidis Navigium. » Menologium rusticum Colotianum, C. I. L., I, p. 358, pisces, ligne 15; Menolog. rust. Vallense, ibid., lignes 17, 18; Fasti Philocali, C. I. L., I, p. 338; mensis Martius, ligne 5. V. le commentaire de Mommsen, ibid., p. 387, col. 2. En grec Пotapéoia. Lygd., De Mensibus, IV, 32. V.

Mommsen, l. c.

(4) 9 de Phamenoth de l'année alexandrine.

(5) Apul., XI, p. 764; « Diem, qui dies..., » etc.

(6) V. la charmante description d'Apulée, p. 767-768.

et se dirigeait vers le rivage. Mais laissons parler Apulée. Il vaut mieux ne rien retrancher du tableau si vivant que sa main a tracé (1). Nous nous bornerons à indiquer en note les commentaires que nous suggère l'étude des inscriptions et des monuments figurés.

« Peu à peu la tête de cette longue procession se mit en marche. On vit tout d'abord une troupe de personnes qui s'étaient travesties par suite de vœux (2), et dont les costumes variés, choisis par chacun suivant son goût, offraient le plus agréable coup d'œil (3). L'un, ceint d'un baudrier, représentait un soldat; l'autre, avec sa chlamyde retroussée, son coutelas et ses épieux, figurait un chasseur. Celui-ci avait des brodequins dorés, une robe de soie et des atours précieux; à ses cheveux attachés sur le haut de sa tête, à sa démarche traînante, on aurait dit une femme. Celui-là, chaussé de bottines, armé d'un bouclier, d'un casque et d'une épée, semblait sortir d'une école de gladiateurs. Un autre, précédé de faisceaux et vêtu de pourpre, jouait le magistrat. Un autre avait le manteau, le bâton, les sandales et la barbe de bouc d'un philosophe. Ici c'était un oiseleur avec ses gluaux; là un pêcheur avec sa ligne et ses hameçons. Je vis aussi une ourse apprivoisée qu'on portait dans une chaise, en costume de matrone; un singe, coiffé d'un bonnet d'étoffe, couvert d'une robe phrygienne couleur de safran et tenant une coupe d'or, représentait le berger Ganymède. Enfin venait un âne, sur le dos duquel on avait collé des plumes et qu'accompagnait un vieillard tout cassé c'étaient Pégase et Bellérophon que parodiait ce couple risible.

» Au milieu de ces mascarades qui couraient de côté et d'autre pour le plus grand amusement du peuple, s'avançait, dans un ordre solennel, la procession proprement dite de la déesse protectrice. Des femmes vêtues de blanc, le front ceint de couronnes printanières, et portant d'un air joyeux divers attributs, prenaient des fleurs dans un pan de leur robe et en jonchaient le chemin par où devait passer le cortège sacré. D'autres portaient sur leur

(1) Nous avons tâché, dans cette traduction, de combiner celles de Bétolaud et de la collection Nisard, en les contrôlant l'une et l'autre à l'aide de l'édition d'Hildebrand.

(2) P. 769. Bétolaud et Hildebrand entendent votivis dans le sens de charmants.

(3) Cf. la fête des Innocents et celle de l'Ane au moyen âge. Ces sortes de réjouissances ont encore lieu en Amérique. V. Maury, Relig. de la Grèce, t. III, p. 158.

dos des miroirs retournés, afin que la déesse pût y voir l'empressement de la multitude qui suivait. D'autres, tenant des peignes d'ivoire, feignaient, par les mouvements de leurs bras et par les inflexions de leurs doigts, de peigner et d'orner les cheveux d'Isis leur reine. D'autres enfin répandaient goutte à goutte un baume précieux et divers parfums, et en arrosaient les places. On voyait en outre une foule de personnes des deux sexes, munies de lanternes, de torches, de bougies et autres luminaires [qui devaient attirer sur elles les bénédictions de la Mère des astres] (1). Puis venaient de délicieuses symphonies, des chalumeaux et des flûtes qui remplissaient l'air de leurs doux accords; et derrière, un chœur charmant, formé de jeunes gens d'élite, tous vêtus d'une robe blanche complètement fermée (2); ils chantaient, en strophes alternées, un bel hymne qu'un poète habile inspiré par les Muses avait composé; [il était entrecoupé de temps en temps par d'autres chants, prélude de vœux plus solennels] (3). A la suite marchaient des musiciens consacrés au grand Sérapis, qui, sur leur flûte traversière tournée vers l'oreille droite, jouaient les airs propres au culte de ce dieu; ils étaient accompagnés d'une troupe d'officiers chargés d'ouvrir la voie au cortège sacré. Alors arrivait à flots pressés la foule des initiés aux divins mystères, des hommes et des femmes de tout rang et de tout âge, vêtus d'une robe de lin d'une éclatante blancheur; les femmes portaient sur leurs cheveux parfumés un voile transparent; les hommes avaient la tête complètement rasée et montraient à nu leur crâne luisant c'étaient les astres terrestres de la grande religion; de leurs sistres d'airain, d'argent ou même d'or ils tiraient un tintement aigu.

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» Ensuite paraissaient les ministres du culte. Ces grands personnages, couverts d'une longue robe blanche qui leur serrait la poitrine et leur tombait jusqu'aux pieds en moulant exactement le corps (4), portaient les attributs augustes des dieux tout-puissants. Dans les mains du premier on voyait une lampe qui répandait la clarté la plus vive; mais elle ne ressemblait en rien à celles qui éclairent nos repas du soir; c'était une nacelle en or

(1) C'est le sens le plus raisonnable que l'on peut tirer de ce passage, qui est corrompu. V. Hildebrand, ad, h. l.

(2) Cataclista. On n'est pas d'accord sur le sens de ce mot.

(3) Le texte est corrompu.

(4) V., par exemple, notre Catalogue, no 117.

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