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sans doute un des bienfaiteurs du temple. Voilà donc un Romain, peut-être un avocat, ou un marchand, en tout cas un bon bourgeois de Pompéi, qui s'est soumis scrupuleusement, comme Lucius, aux exigences de la loi isiaque, et qui a vécu ainsi accommodé au milieu de sa famille, de ses amis, de ses concitoyens. Il n'est pas jusqu'à cet air de satisfaction, dont parle le héros d'Apulée, qui n'épanouisse aussi les traits de Norbanus.

En un mot, la société romaine du premier siècle cède à un mouvement qui rappelle de tous points celui que détermina plus tard un chrétien d'Alexandrie, saint Athanase (1). Des gens du monde, des femmes élégantes, de belles pécheresses, des personnages graves, engagés dans des professions libérales, embrassent avec ardeur un genre de vie qui leur permet de pratiquer toutes les austérités monastiques, sans perdre leur indépendance et sans renoncer à leurs occupations de chaque jour (2). Les pastophores d'Isis ne s'enferment pas tous dans un cloître; il en est parmi eux qui ont une situation brillante à laquelle ils n'entendent pas renoncer. La providence des dieux leur envoie des affaires lucratives (3); ils ne peuvent pas s'y soustraire. C'est pour cette catégorie de fidèles que sont institués les collèges. L'association leur donne la force de persévérer dans leurs pieux desseins et de lasser, par une fermeté inébranlable, les railleries des mondains, pour lesquels leurs austérités ne sont que des excentricités ridicules.

Ainsi, le sacerdoce n'est plus, comme autrefois, une occupation secondaire; il prend chaque jour une importance plus grande, et on sent qu'il devient une puissance. Mais il n'est pas encore incompatible avec l'exercice d'une autre profession. Il ne remplit donc pas la première condition qui nous a paru nécessaire pour qu'un clergé constitue un corps dans l'Etat.

La seconde est que des relations régulières et suivies s'établissent entre les collèges de prêtres des différentes villes, et qu'ils soient tous subordonnés à une autorité supérieure. Rien de semblable dans le culte d'Isis et de Sérapis. Seulement, ses adeptes ont, pour Alexandrie et pour Rome, la vénération que doivent inspirer les deux centres principaux de la religion. Ce sont des

(1) V. Les moines d'Occident, par M. de Montalembert, t. I, pag. 41, 45, 139, 142.

(2) Cf., ibid., p. 146.
(3) Apul., XI, p. 817.

villes saintes (1). Vers elles se portent les regards de tous ceux qu'intéressent les progrès de la secte. Rome surtout, qui compte à elle seule sept temples alexandrins, est l'objet de tous les hom

mages.

D'ailleurs, si les prêtres ne se connaissent pas d'une ville à l'autre, ils savent bien s'entendre et se concerter, dans le même sanctuaire, lorsqu'il s'agit de conquérir quelque avantage pour leur ordre. Parmi les inscriptions tracées au pinceau, dont on a couvert les murs de Pompéi à l'occasion des élections, il y en a deux qui sont ainsi conçues : « Tous les isiaques demandent Cn. Helvius Sabinus pour édile (2). » « Cuspius Pansa est l'édile que proposent Popidius Natalis, son client, et les isiaques (3). » Nous connaissons la famille de ce Popidius. Un de ses parents avait fait restaurer complètement l'Isium, renversé par un tremblement de terre, en 63 ap. J.-C. (4). Un autre y avait placé à ses frais une statue (5). Une femme de la même maison avait payé la mosaïque qui décorait une des salles du temple (6). Les isiaques, à l'instigation de ces zélés partisans du culte alexandrin, interviennent dans les élections pour patroner une candidature. C'est là un fait très grave. Nous voyons clairement, par cet exemple, pourquoi le pouvoir se montra toujours si soupçonneux à l'égard des confréries. Celle-ci est censée, comme toutes les autres, n'avoir que la religion pour but, et voilà que le jour où il s'agit de nommer un magistrat d'un ordre purement civil, elle affiche ses préférences sur la voie publique; elle propose ses candidats, en tant que corps constitué, et il est facile de deviner ce qu'elle attend d'eux. Cet Helvius, ce Cuspius ont promis sans doute d'apporter des tempéraments aux rigueurs de la police, d'exercer sur le temple une surveillance discrète, ou d'en embellir les abords. Il est vrai que ceci se passe probablement sous Néron, à une époque où les magistratures électives ont perdu toute leur importance. Mais on peut juger par là de quoi les corporations religieuses étaient capables sous la République, et on ne comprend que trop l'indignation qui transportait le sénat, lorsqu'il voyait apparaître sur les murs de Rome des affiches semblables à celles des isiaques de Pompéi.

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En résumé, Montesquieu a raison de supposer que la religion. égyptienne voulait dominer. On ne peut pas dire précisément qu'elle fût intolérante; car l'esprit n'en était pas contraire à celui du paganisme gréco-romain; elle ne voulait rien renverser; c'est pourquoi, après avoir lutté à Rome pendant un siècle environ, elle finit par s'y faire tout doucement sa place. Mais elle était envahissante. Le sacerdoce qui la soutenait n'affectait point de briser le moule de l'ancienne hiérarchie des Grecs. Mais, outre que cette hiérarchie même menaçait l'antique simplicité du culte romain, les prêtres qui la firent accepter apportèrent dans l'exercice de leur ministère des tendances qui devaient nécessairement mettre en danger les institutions religieuses des Etats républicains. Sans doute ils n'interdirent point à ceux qu'ils enrôlaient de vivre dans le siècle; mais ils les marquèrent d'un caractère particulier qui les y suivait et qui les obligeait à en sortir souvent pour remplir de nombreux et sévères devoirs. Un isiaque, occupât-il le premier rang dans le temple, pouvait toujours être un citoyen; mais ce n'était pas un bon citoyen. Aussi, tant que Rome conserva sa liberté, le sénat fut inflexible à l'égard du culte des divinités d'Alexandrie. Quand elle l'eut perdue, les empereurs ne résistèrent plus que pour la forme. Le second des successeurs d'Auguste commença à céder. Il ne s'agissait que de savoir si de pieux dévots seraient des sujets fidèles. Ce fut, en effet, ce qui arriva. Le sacerdoce alexandrin devint une sainte milice » aussi soumise aux Césars que « le peuple saint (1) » des temples de l'Egypte l'avait été aux Ptolémées.

(1) « Tà lepà ĕ0vn. » Inscription de Rosette, ligne 17.

CHAPITRE VIII.

LES DIEUX ALEXANDRINS AU MILIEU DE LA SOCIÉTÉ DE ROME ET DANS LE MONDE OCCIDENTAL.

Il n'y a pas longtemps que l'influence d'Alexandrie sur la civilisation romaine a commencé à être comprise et étudiée par la science moderne. Mais enfin la grande métropole de l'Egypte grecque a trouvé ses dévots, et ce n'est que justice. Les succès de l'éclectisme contemporain ont d'abord tourné vers elle l'attention des philosophes (1). Puis on s'est occupé de ses poètes (2), de ses critiques (3); on a cherché ce que l'Italie devait à ses artistes (4). Partout on a reconnu qu'elle avait apporté une large contribution à l'héritage précieux que Rome nous a transmis. Jusqu'au troisième siècle de notre ère, Alexandrie est, après la capitale des Césars, la première ville du monde (5). A plusieurs reprises, peu s'en est fallu qu'elle ne fît déplacer en sa faveur le siège de l'Empire et qu'elle ne reléguât sa rivale au second rang (6). Tant de grandeur et d'ambition nous explique comment ses dieux ont conquis le monde occidental sous les successeurs d'Auguste, après avoir, sous les Ptolémées, envahi les rivages de l'Orient.

Les Alexandrins ont laissé des traces à Pompéi. Non seulement on y retrouve des preuves indirectes de leur influence, par exemple dans le choix des sujets de certaines peintures et dans la présence d'un temple d'Isis au milieu de la ville gréco-romaine,

(1) Travaux de MM. Matter, Simon et Vacherot sur l'Ecole d'Alexandrie. (2) Couat, thèse sur Catulle, La Poésie alexandrine sous les trois premiers Ptolémées.

(3) Pierron. Edition d'Homère.

(4) Helbig, Untersuchungen über die campanische Wand Malerei. Boissier, Promenades archéologiques, p. 318 et suiv.

(5) Lumbroso, L'Egitto al tempo dei Greci e dei Romani, capo XII, p. 86, 87. (6) Ibid., p. 86, note 1.

mais encore ils y étaient représentés par une petite colonie (1). On a découvert, près de la porte de Nole, le long de la partie extérieure du rempart, des inscriptions qui témoignent de ce fait; il y avait là des tombeaux où avaient été déposés les restes de plusieurs personnes d'origine alexandrine. C'étaient de pauvres gens, peut-être des émigrés, que la misère avait chassés de leur opulente patrie, et qui étaient venus chercher fortune dans l'Italie méridionale. Leurs tombeaux comptent parmi les plus humbles qui aient été découverts; ils étaient situés dans une sorte de terrain vague (2), à l'écart de la grande route. Un des défunts, une femme sans doute, portait le nom, moitié égyptien, moitié grec, de Nufe. A ses cendres et à celles de ses compagnons étaient mêlées des monnaies romaines qui datent d'une période comprise entre le temps de Sextus Pompée et celui de Tibère. On aurait tort d'en conclure, comme on l'a fait (3), que l'introduction du culte d'Isis à Pompéi doit être fixée à cette époque: car nous avons vu par des témoignages irrécusables qu'elle eut lieu beaucoup plus tôt. Mais ceci nous montre comment le zèle des Pompéiens pour leurs dieux d'adoption était entretenu et réchauffé à l'occasion par des Alexandrins qui avaient élu domicile au milieu d'eux, tandis que d'autres, plus hardis, s'attaquaient à la capitale même.

Ces étrangers établis à Rome, qui formèrent comme un foyer permanent d'où rayonna la religion isiaque, appartenaient aux classes et aux professions les plus diverses. Les uns étaient des marchands qui faisaient venir par Pouzzoles et vendaient ensuite au détail du papier, de la toile, des verreries (4). Les autres étaient des artistes, comme ce peintre chez qui logea Ptolémée Philométor (5). Il y avait aussi des rhéteurs, des philosophes, des lettrés et des savants de toute espèce. Plusieurs Grecs d'Egypte remplirent successivement, dans la maison impériale, des fonctions de la plus haute importance. Le premier fut Chérémon de Naucratis, qui, après avoir été directeur de la Bibliothèque d'Alexandrie, fut appelé à Rome, vers l'an 40, comme précepteur de Néron; il écrivit plusieurs ouvrages sur l'Egypte, entre autres une étude théologique sur Isis et Osiris, qui eut un certain

(1) Minervini, Bullettino di archeologia napolitana, Nov. 1854. (2) « Afistiu locu. » V. l'explication de M. Minervini.

(3) Ibid.

(4) Cic., Pro Rabir. Post., 14.

(5) V. plus haut, page 43.

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