Sayfadaki görseller
PDF
ePub

CHAPITRE PREMIER.

L'ISIUM DE POMPÉI (1).

Les cultes orientaux qui prirent pied en Italie apportaient avec eux des nécessités d'installation attachées à leurs pratiques' mêmes; aussi les prêtres durent-ils se conformer, dans la construction des temples, au type reçu dans leur pays d'origine : les synagogues des juifs de Rome furent sans doute de petites copies de celles de Jérusalem. Les Egyptiens venaient d'un pays où s'étaient perpétués deux arts bien différents l'un de l'autre ; dans l'intérieur, l'architecture religieuse de l'époque pharaonique continuait à se développer librement, et les vainqueurs eux-mêmes en respectaient les antiques traditions. Sous Antonin, en l'an 147 ap. J.-C., on sculptait encore, dans un temple de Latopolis (Esneh), des bas-reliefs si semblables à ceux de l'ancien empire, que les savants de l'expédition française n'avaient trouvé aucune difficulté à regarder le monument tout entier comme datant de l'an 3000 avant notre ère (2). Cette immobilité de l'art hiératique n'est qu'apparente; en réalité, les principes de la construction avaient beaucoup changé (3). Le plan des édifices tendait de plus en plus à se resserrer; la sculpture se montrait plus soucieuse de

(1) En 1845, J.-J. Ampère, de passage à Pompéi, écrivait au ministre de l'Instruction publique : « Vous savez, Monsieur le ministre, qu'un temple consacré à Isis existe encore à Pompéi, et que les peintures retrouvées dans cette ville montrent des prêtres égyptiens célébrant les rites étrangers. Il serait curieux de savoir ce qu'étaient devenus l'art et l'écriture de l'Egypte, transportés dans une ville romaine, et jusqu'à quel point l'un et l'autre s'étaient altérés dans cette importation, à une époque où le paganisme, las du passé et impatient d'un avenir inconnu, ouvrait son sein vieilli à toutes les religions de l'Orient » (Moniteur du 23 mars 1845). C'est à ce programme de notre savant compatriote que nous avons essayé de répondre dans ce chapitre. (2) Letronne, Inscr. de l'Eg., t. I, p. 199 et suiv.

(3) V. Breton, Essai sur les principales formes des temples (1843).

donner à ses œuvres la vie et le mouvement. Mais on observait avec tant de scrupule ce qui restait des règles antiques, que ce qui n'était plus qu'apparence était encore beaucoup, et l'on comprend que des yeux à qui manquait l'expérience aient pu s'y tromper au premier abord.

Sur le rivage de la Méditerranée, l'art grec s'était fait sa part dans les temples, où l'on avait tenté une alliance entre le culte des indigènes et celui des conquérants. Dès les premières années de l'occupation, Ptolémée Soter avait élevé un Sérapéum à Alexandrie, dans le quartier de Rhacotis, sur l'emplacement d'une chapelle consacrée à Isis et à Sérapis par les habitants de la vieille ville (1). Voici la description que nous a laissée de ce monument Rufin (2), qui le vit dans les dernières années du quatrième siècle, peu de temps après qu'il eut été privé de ses prêtres et en partie saccagé par les chrétiens : « Tout le monde a entendu parler du Sérapéum d'Alexandrie et beaucoup de personnes le connaissent pour l'avoir vu. L'élévation sur laquelle il est bâti a été formée, non point par la nature, mais par la main de l'homme. Il se dresse au milieu des airs au-dessus d'une masse de constructions, et l'on y monte par plus de cent degrés. Il s'étend de tous côtés en carré sur de grandes dimensions. Toute la partie inférieure, jusqu'au niveau du pavé de l'édifice, est voûtée (3). Ce soubassement, qui reçoit la lumière d'en haut par de vastes ouvertures, est divisé en vestibules secrets, séparés entre eux, qui servaient à diverses fonctions mystérieuses. A l'étage supéricur, les extrémités de tout le contour de la plate-forme sont occupées par des salles de conférences, des cellules pour les pastophores et des corps de logis extrêmement élevés qu'habitaient ordinairement les gardiens du temple et les prêtres qui avaient fait vœu de chasteté. Derrière ces bâtiments, en dedans, des portiques régnaient en carré tout autour du plan. Au centre de la surface s'élevait le temple, orné de colonnes de matière précieuse et construit en marbres magnifiques qu'on y avait employés à profusion. Il contenait une statue de Sérapis de proportions telles qu'elle effleurait un mur de la main droite et l'autre de la gauche; des métaux et des bois de toute espèce entraient, à ce que l'on assure, dans la

(1) Tac., Hist., IV, 84.

(2) Hist. Eccl., II. 23.

Dans notre traduction, nous avons respecté avec soin les changements de temps l'auteur emploie le présent ou l'imparfait, suivant que ce qu'il décrit subsiste ou non.

(3) Les voûtes ont été retrouvées. Descr. de l'Eg., t. V, p. 367.

composition de ce colosse. Les murs du sanctuaire passaient pour être revêtus à l'intérieur de lames d'or que recouvraient des lames d'argent, et par-dessus il y avait une troisième couche en bronze destinée à protéger les deux autres..., etc. Dans cet édifice, il faut distinguer deux éléments différents. La religion des Alexandrins comprenait un certain nombre de croyances et de pratiques que les Grecs, en s'établissant sur les bords du Nil, fondirent tant bien que mal avec les leurs, soit par politique, soit par suite de leur goût inné pour la nouveauté, ou plutôt par ces deux raisons à la fois. Ils prirent en particulier ces habitudes de vie monacale, qui en Egypte rassemblaient autour de l'autel un entourage innombrable de prêtres, de reclus et de ministres de tout rang. L'art religieux dut se conformer à ce nouveau besoin. De là viennent, dans le Sérapéum d'Alexandrie, ces cellules pour les pastophores, ces immenses corps de logis habités par les gardiens et par les prêtres qui avaient fait vœu de chasteté; en un mot, pour tous ceux qui, à un titre quelconque, consacraient leur existence au service ou à la contemplation de la divinité. Mais, du reste, l'art grec règne en maître dans le Sérapéum. Ces terrasses, cet immense escalier de cent marches, ces voutes, cette décoration intérieure de la cella, tout cela ressemble fort peu au temple que, sous Antonin, on décorait de bas-reliefs hiératiques à Latopolis. Encore la description de Rufin est-elle incomplète; il ne parle pas de la magnifique bibliothèque qui était jointe au Sérapéum (1) et qui devint une des plus belles du monde entier, lorsque celle du Musée eut été incendiée par les troupes de César. Il ne parle pas des statues animées (2) qui peuplaient cette énorme construction. « Après le Capitole, éternel orgueil de l'auguste cité de Rome, dit Ammien Marcellin, on ne peut rien voir de plus magnifique dans tout l'univers. » C'était là que l'on conservait le nilomètre, et par suite que l'on faisait les principales observations sur les crues du fleuve; c'est là qu'à partir du principat d'Auguste l'Ecole d'Alexandrie, tout en conservant son nom de Musée, transporta probablement son siège (3). D'après ce que nous lisons dans les auteurs, il est facile de recomposer par la pensée un édifice qui était non seulement un temple, mais encore un couvent et un institut scientifique; enfin, ce n'est pas user de métaphore que de dire que ce fut une des citadelles du paga

(1) Amm. Marcell., XXII, 17.

(2)« Spirantia signorum figmenta. »

(3) Rufin, II, 20. Descr. de l'Eg., V, p. 367.

nisme; car les derniers défenseurs des dieux proscrits y soutinrent un véritable siège contre le patriarche Théophile, en 397. Ils furent vaincus, la statue de Sérapis fut brûlée en place publique et le Sérapéum abandonné (1).

Le Sérapéum que les Alexandrins élevèrent dans Memphis auprès du temple égyptien d'Osor-Api (2), se composait, outre l'édifice principal, d'un vaste pastophorion contenant les cellules des cénobites (xxτakúμαтα) (3), d'un hémicycle où figuraient des statues de philosophes grecs (4) et de plusieurs chapelles accessoires consacrées à Esculape, à Anubis et à Astarté (5). On y déposait des candélabres et autres offrandes et des inscriptions grecques gravées sur des tables en pierre rappelaient les noms des bienfaiteurs. On y tenait un marché à l'intérieur même, et peut-être y logeait-on les étrangers qui venaient, des pays voisins, y faire leurs dévotions ou chercher une guérison (6). Ces différents traits donnent l'idée d'un vaste établissement religieux qui participait à la fois du couvent, du temple, de l'académie, du caravansérail et du bazar.

Si à Memphis, dans cette antique résidence des Pharaons, les temples des divinités alexandrines ont été construits porte à porte auprès de ceux des cultes indigènes sans rien perdre de leur caractère hellénique, à plus forte raison dans ceux que l'on a élevés hors de l'Egypte a-t-on dû respecter les principes de l'art grec. Il faudrait donc, en définitive, en chercher le type dans ce Sérapéum d'Alexandrie qui, tel que nous l'avons dépeint, a été le centre de la propagande la plus active; c'est de là qu'Isis et Sérapis ont pris leur essor pour aller, en quelque sorte, s'abattre sur toutes les parties du monde connu (7). » Sous les Lagides, ils passent la Méditerranée et font leur première apparition dans le monde romain.

Il semble presque oiseux, après ce que nous venons de dire, de se demander s'ils ont été reçus en Grèce et en Italie dans des

(1) Ruf., l. c. V. le récit de cette destruction, fait par par un païen fervent dans Eunape, Vie d'Edesius, p. 77.

(2) V. ici, p. 17.

(3) Brunet de Presles, Mém. sur le Sérap. de Memphis, dans Mém. présentés par div. sav. à l'Acad. des Insc. et B.-L., 1852, p. 552.

(4) Egger, Mém. d'hist. anc., p. 400. Observation sur une inscription grecque du Sérap. de Memphis.

(5) Brun. de Pr., l. c., p. 574, 575.

(6) Brunet de Pr. et Egger, Papyrus du Louvre, pap. 34, note.

(7) Mariette, Le Sérapéum de Memphis, p. 6.

monuments imités de ceux où les vieilles dynasties avaient apporté leurs hommages à Isis et à Osor-Api. La question ne mériterait même pas d'être posée, si les vicissitudes de l'art en Egypte s'étaient arrêtées là.

Mais aux Ptolémées succédèrent les Césars. Les nouveaux maîtres du pays n'avaient pas dans les arts cette originalité puissante qui faisait que les Grecs, loin d'emprunter à autrui, prêtaient à ceux mêmes qui ne leur demandaient rien. Les Romains se montrèrent plus accueillants; ils s'abandonnèrent volontiers à ce sentiment de curiosité qu'il est impossible de ne pas ressentir en Egypte; il y avait dans la mystérieuse grandeur de ses monuments quelque chose qui allait à leur génie. Après les avoir admirés, ils ne se firent pas faute d'y prendre ce qui leur plaisait et ils transportèrent au delà de la mer une quantité de statues et d'obélisques destinés à orner, non seulement les édifices publics, mais encore les maisons des particuliers. Il y eut même un moment où ce goût devint de la manie; nous verrons ailleurs (1) comment se fit alors l'exportation et quelles en furent les conséquences. Jusqu'où alla cet engouement des Romains? S'ils dépouillaient les temples à leur profit, ne furent-ils pas tentés de les copier? Si, non contents d'adorer Isis et Sérapis sous la forme que leur avait donnée les Alexandrins, ils allèrent chercher au delà du Delta des images de ces dieux sculptées dans le granit, pourquoi n'auraient-ils pas essayé aussi de se rapprocher du vieux type des temples de Thèbes et de Memphis plus que ne l'avaient fait les Lagides en élevant le Sérapéum d'Alexandrie? On voit en quoi consiste la question et ce qui la rend légitime. Un archéologue (2), parlant de l'Isium de la IXe région de Rome, se demande s'il n'était pas précédé de trois pylones, d'une allée de sphinx ou dromos, d'obélisques et de colonnes suivant les règles de l'architecture égyptienne que Strabon nous a transmises (3). C'est ce point délicat de l'histoire de l'art que nous voulons examiner. Si nous ne pouvons pas arriver à une solution certaine, peut-être, après avoir classé dans un ordre méthodique et décrit avec soin ce qu'il y a de plus important parmi les monuments d'art égyptien subsistant en Italie, pourrons-nous, tout au moins, proposer une opinion vraisemblable.

Parler des temples alexandrins de l'Italie et prétendre en don

(1) V. notre chapitre sur les Images.

(2) C.-L. Visconti, Bullet. arch. communale di Roma, 1876, p. 100. (3) XVII, 1, 28.

« ÖncekiDevam »