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voir des espèces de tanières devant lesquelles grouillent les habitants, enfants, animaux, femmes; les hommes sont sur la place, à l'osteria, ou aux champs. Tout, maisons, ruelles, habitants, est serré, chevauche l'un sur l'autre. L'étranger qui ne connaît pas les petits pays de l'Apennin, des campagnes napolitaines et romaines, ne peut en imaginer le tableau. Çà et là un pan de mur antique, quelque débris du moyen âge, rappellent l'art aujourd'hui disparu.

C'est de là-haut, du Château surtout, qu'on découvre bien la campagne. Par-dessus le quartier de la Marina, le regard franchit les Arene, vastes terrains couverts de vignes, faits des plages successives du golfe, la tour de Badino, la Macchia, et se repose au Monte Circello. Sur la crête la plus haute était le temple de Circé; au flanc du mont se détache en blanc le village de S. Felice. Derrière, la mer est semée de belles îles : Ponza, dont on distingue même le bourg quand le temps est beau; Palmarola et ses deux pics; Zannone, et, quand l'horizon est pur, S. Stefano et Ventotene. A gauche Ischia et le Vésuve, à droite le Monté Leano et un grand morceau des Marais Pontins bornent ce panorama unique. Aussitôt que la saison pluvieuse a inondé les terrains bas, les arbres de la macchia éclaircis laissent voir les piscine toutes pleines, les marais de Carrara, Caronte et de la Macchia di Piano. Le Pantano delle Cannete déborde; partout, dans ce qu'on voit de la plaine, l'eau fait de grandes taches brillantes; elles ne disparaîtront qu'à l'été.

La route, au Pesco Montano, passe sous la Porta di Napoli et suit, au pied de la montagne, le fond du golfe de Fondi. C'est un long défilé, au point étroit duquel est la Torre Gregoriana, et qui finit à plus de 2 milles, au Canneto di Campagna. Là, un émissaire du lac de Fondi faisait autrefois la limite du royaume de Naples et de l'Etat romain. Là commence une autre plaine, une autre plage, une autre macchia, d'autres marais bonifiés en partie. Le lac de Fondi en occupe le centre, avec sa nappe d'eau saumâtre, aux bords instables et empestés, si belle pourtant quand elle brille au travers d'une brume légère d'où surgissent les grosses montagnes qui entourent ce fertile bassin. La route suit le pied du Monte Cucco, du Monte Giusto, passe à l'Epitafio, à la Portella, où était la frontière, et arrive au pied de. Monticelli S. Biagio, d'où elle continue jusqu'à Fondi.

Telle est, vue d'un rapide coup d'œil, la Terracine d'aujourd'hui et sa route.

Celle d'il y a deux cents ans, celle où a vécu Contatori, n'avait

pas cet aspect, relativement heureux. Le territoire était le même, mais bien moins riche et moins cultivé. La palude surtout, était triste, presque complètement inondée, inculte, sans habitants. La route de Rome à Naples ne passait ni par Mesa, ni par le Pesco Montano elle contournait les Marais Pontins et traversait la Ville-haute, redescendant près du lac de Fondi. Le quartier de la Marina n'existait pas, non plus que le canal; il n'y avait là que des ruines. La ville haute en était une elle-même, ruine antique, ruine du moyen âge; sa plus belle partie ressemblait au quartier voisin du Château; elle n'avait pas 4,000 âmes.

La renaissance date de Pie VI (Giovanangelo Braschi, 1776-1800). La palude améliorée, la grande route refaite sur le tracé de l'Appia, le quartier de la Marina créé, le canal de Navigation creusé, une foule de constructions, de fondations nou. velles, ont donné l'essor au pays. Depuis, il ne s'est arrêté que devant des impossibilités temporaires, dont un chemin de fer projeté va diminuer encore le nombre.

Cette transformation rend l'histoire difficile. Elle a fait disparaître beaucoup des seuls documents qui restassent, les ruines des monuments anciens. Si nous voyions ce qu'ont vu Peruzzi, Contatori, Pratilli, Pantanelli, et tous les anciens érudits qui ont visité Terracine, nous regretterions peu le silence des auteurs. Mais presque tout a disparu, et le parti qu'en ont tiré tous nos devanciers est très maigre. Il faut en faire notre deuil, et regarder la Terracine moderne.

Terracine a, l'été, sept mille âmes, et, l'hiver, plus de douze mille. On sait que la province de Rome, surtout ses plaines et ses basses vallées, est cultivée et mise en valeur presque uniquement par des bras étrangers. Une immense population nomade vit ainsi une partie de l'année dans les pays où elle travaille, le reste dans ses montagnes natales. L'Apennin est sa patrie. Ces descendants des Marses, des Eques, des Herniques, des Samnites, des Volsques abandonnent villes et villages et viennent gagner dans le pays romain. Ouvriers de campagne, bergers, terrassiers, laboureurs, ils y remplacent, pendant le temps des travaux, la population absente ou inactive. Terracine, dont le territoire est grand, en reçoit une quantité. Les ciociari y sont plus nombreux que dans aucun pays de la province. Sa montagne, sa macchia, sa part des marais sont uniquement mis en valeur par eux.

Ce n'est pas ici que je raconterai la vie dans les terres Pontines. Il faut pourtant dire quelques mots de ce que le régime de

transhumance, appliqué aux troupeaux et aux peuples, fait du pays terracinais.

Au mois d'octobre, dans l'Apennin, on sent que la neige s'approche; dans la plaine Pontine, les pluies de novembre vont réveiller la nature desséchée et abattre un peu les fièvres. A cette époque intermédiaire, la macchia terracinaise se remplit. De l'Apennin romain, des Abruzzes, des montagnes où passait la frontière, une foule de gens viennent s'y établir. Déserte en septembre, en décembre elle a la population d'une ville: 2000 âmes environ y habitent. Bassiano, Anticoli, Veroli et dix autres pays s'y déversent, car chacun, dans la montagne, a ses habitudes, ses intérêts, ses contrats, qui le lient à un territoire où l'on retourne tous les ans. Donc, dans l'immense forêt pontine, chacun va trouver sa lestra, c'est-à-dire un essart fait par lui ou par un devancier, souvent par un ancêtre, car des familles se sont perpétuées pendant des siècles sur quelques-uns. Une staccionata, lice grossière garnie de broussailles, enferme les bêtes; des cabanes en forme de ruche, les gens. Pour son compte ou pour celui d'un autre, l'occupant exerce un ou plusieurs des mille métiers de la macchia. Berger, vacher, porcher le plus souvent, par fois bûcheron, toujours braconnier et rôdeur, usant de la macchia sans scrupule comme un sauvage d'une forêt vierge, il vit, et de son industrie fait un revenu au maître du sol, et au sien, qui lui a confié ses bêtes, quand les bêtes ne sont pas à lui. Ainsi se passent six à sept mois. Juin arrive : les marais sèchent, les mares de la forêt ont tari, les enfants tremblent de la fièvre, les nouvelles du pays sont bonnes. En quinze jours, les chemins sont couverts de gens qui regagnent les montagnes. Famille par famille, lestra par lestra, la macchia se vide. On ne rencontre que ses habitants escortant leurs chevaux, leurs ânes et leurs femmes chargés de ce qui doit s'emporter, et bien rares sont ceux que juillet surprend encore dans ces parages. La forêt est abandonnée à vingt espèces de taons et d'insectes qui y rendent la vie impossible.

La grande industrie pastorale qui, conjointement avec la petite, fait la richesse de l'Italie centrale, peuple pendant le même temps les montagnes. Tout le monde connaît, même en France, ce que sont les troupeaux transhumants. Pendant les mois où la neige. couvre les monts du grand massif, les troupeaux avec les bergers rallient la plaine ou les montagnes moins hautes. Les Lepini, surtout leur versant sud, le Circeo, la ceinture de la Valle, ces croupes boisées ou demi-boisées se peuplent comme par enchan

tement. Une foule de vachers, de bergers, de chevriers y viennent planter ou relever leurs cabanes. Pendant six mois et plus, la montagne retentit du bruit des clochettes, du son des pifferi, des aboiements des chiens. On vit là absolument libre. Les vallons sont mis en culture; les plateaux, même les plus étroits, sont labourés et ensemencés. Certains pays à petit territoire, Sonnino et Vallecorsa par exemple, vivent ainsi en grande partie dans la montagne terracinaise. Tous leurs gens ne rapatrient pas. Il y a des campements permanents dans des sites commodes et salubres. Le plus gros, sur un plateau sauvage, près de la fontaine de S. Stefano, à 9 milles et plus de la ville, compte de 100 à 500 personnes : c'est le quartier général, le fort des hommes de Vallecorsa. Dans ces montagnes, ils sont les maîtres, et nul n'ose leur rien demander, pas même les taxes et redevances. Maîtres des sommets, des plateaux, riches en troupeaux et se regardant comme propriétaires là où ils cultivent, habitués aux coups de main et confiants dans la grande peur qu'ils inspirent, ils mettent en coupe réglée les pauvres bergers de ces monts, vendangent les vignes de la vallée, récoltent les fruits du colon, font en somme tout ce qui leur plaît, et n'ont à voir avec la justice que si l'un d'eux, devenu bandit, arrive enfin à se faire prendre.

L'agriculture terracinaise attire encore beaucoup d'étrangers. C'est la grande industrie agricole qui se fait surtout dans les Marais Pontins; les tenute y sont très vastes, et les mercanti di campagna, en prenant plusieurs à la fois, élargissent encore les affaires. Comme il n'y a point de population dans ce milieu inhabitable, il faut chercher des bras ailleurs. C'est encore la cioceria, ce sont les montagnes napolitaines qui fournissent ce dont on a besoin. Des provinces de Sora, d'Isernia, d'Aquila, conduits par leurs caporali, entrepreneurs qui les enrégimentent, les travailleurs arrivent par bandes, bandes d'hommes, bandes de femmes, familles groupées en troupeau, suivant le pays, l'époque, le travail, les conventions et les convenances. Du labour jusqu'à la récolte, ce sont ces gens-là qui font tout. Certaines saisons sont un peu dures. Les travaux de l'été, la moisson, le battage, ceux de l'automne, la rentrée des maïs, sont terribles avec un air pareil; la fièvre fait d'étranges ravages, et plusieurs mois dans les montagnes natales délivrent mal l'homme de campagne des germes funestes qu'il a pris. Certaines de ces populations se refusent à certains travaux, surtout à certaines époques. Les pays d'autour de la palude envoient au travail leurs femmes ou leurs hommes. On part en troupe, on revient de même. Pendant tout le temps des

travaux rustiques, la plaine Pontine est pleine d'animation. Charrettes à mules, à chevaux, à bœufs, à buffles parcourent sans relâche la grande route; les sandali remontent vides le canal, remorqués par un âne ou par les bateliers, et redescendent chargés de grain, de maïs, de paille, de fourrage. Les travailleurs, rangés en longues lignes ou massés en groupe, suivant leurs travaux, animent partout ce paysage d'une ampleur en tout temps si morne. Eux partis, tout redevient désert, la nature est laissée à son œuvre, nul n'affronte sans nécessité la malaria.

Le territoire de Terracine, comme celui d'autres villes romaines, est un pays d'exploitation. On n'y habite pas, on y vient. Le propriétaire, particulier, syndicat, municipe, est surtout un loueur de terre. Il y a plus. Dans la ville même, l'absence de travail local, le besoin et l'appel périodique d'une population active étrangère se font sentir au même degré. Il y a de petits pays dont la population entière vit de Terracine et s'y transporte pour six ou huit mois. Terelle, petit bourg napolitain, y envoie ses femmes et ses hommes; pas un être valide ne reste, sauf les prêtres et quelques signori qui n'ont pas besoin de travail. Dès avant la fin de l'automne, les Terellans arrivent. Ils occupent, au delà du canal, un village de gourbis kabyles, fait de bruyère, de branches et de vieux ais pourris, où ils nichent avec leurs cochons. Ils travaillent surtout aux potagers et à des ouvrages de campagne. Leurs femmes servent, portent les fardeaux, déchargent les sandali, transportent la chaux, la pierre, le grain, l'huile, le vin, tout ce qu'on veut. Petites et souvent délicates, elles courent pieds nus en ayant sur la tête une vraie charge de baudet. Par elles se font tous les travaux des Auvergnats, des Savoyards de nos villes; ce sont des bêtes de somme adroites, par-dessus tout infatigables. Le Terracinais ne fait rien, la Terracinaise moins encore; la Terellane est le serviteur de tous; elle est bonne à tout; que ferait-on sans elle? Elles sont, du reste, dans leur migration, d'une régularité animale. Comme des oiseaux de passage, elles s'inquiètent quand vient l'été, elles se rassemblent, elles plient bagage, mettent ce qu'elles ont sur leur tête, et s'envolent à la première fièvre comme l'hirondelle avant le premier froid.

Pendant plus de la moitié de l'année, Terracine est donc submergée par la foule des gens du dehors. Un étranger qui verrait, le dimanche, les gens sortir de la grand'messe demanderait où sont ceux du pays. Tous les costumes, là, se coudoient. L'indigène au capotto romain toujours doublé de molleton vert, l'Aquilan au carrick bleu sombre, l'Abruzzin dans sa mantella couleur terre,

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