Sayfadaki görseller
PDF
ePub

jours, la base de l'édifice chrétien. L'ad- I la justice et la bonté du Souverain Juge,

mirable institution de la confession auriculaire, si favorable à l'expiation morale des fautes commises, le frein le plus puissant que l'on puisse opposer aux crimes secrets des hommes (1), et à la fois le remède le plus sûr contre les remords et le désespoir, poursuivait son action bienfaisante sans jamais avoir fait élever une plainte contre la violation d'une confidence sacrée. La doctrine de l'Eglise sur le libre arbitre apparaissait toujours comme un rempart assuré contre la désolante immoralité du fatalisme. Le dogme de la présence réelle dans un auguste sacrement, ce gage si sublime de l'union éternelle du Christ à la race humaine rachetée par une charité infinie; les solennités du culte catholique, si propres à élever les sens et l'âme jusqu'à la divinité; les abstinences et le jeûne, emblême et moyen d'expiation et de sacrifice; le célibat ecclésiastique, complément de la perfection spirituelle, indispensable au ministère de discrétion, de pureté, de charité et de dévouement imposé au prêtre catholique, et, en même temps, institution prévoyante qui contenait dans de justes bornes le développement du principe de la population; enfin l'autorité de l'Eglise catholique et son infaillibilité en matière spirituelle; tous ces points étaient, dès les premiers temps du christianisme, hors du domaine de la controverse et de l'examen. La vénération accordée aux corps des martyrs et des saints était également une tradition touchante des catacombes de la primitive Eglise ; mais ce culte était parfaitement distinct de celui de latrie. On honorait les saints comme des amis de Dieu, comme le diadême et la couronne de l'Eglise; c'était à Dieu seul qu'étaient consacrés les autels élevés sur leurs vénérables reliques; telle était la doctrine uniforme des Eglises d'Orient, d'Afrique, de Rome et de tout l'Occident.

L'existence d'un lieu d'expiation où, après la mort, l'âme reconnue digne de paraître un jour devant le Saint des Saints, lave ses dernières souillures par des peines d'une durée proportionnée à la nature de ses fautes, et limitée par

(1) Voltaire.

[ocr errors]

était une croyancè non moins ancienne et non moins fondamentale. Une pieuse et tendre confiance dans la miséricorde divine et dans l'efficacité des supplications qu'élèvent des cœurs purs et pleins de foi, avait conduit à espérer que ces prières et de bonnes œuvres pourraient racheter une partie des souffrances imposées aux âmes placées dans le lieu de purification. L'Eglise catholique, investie sur la terre par Jésus-Christ lui-même du droit de lier et de délier les pécheurs, et de leur imposer des pénitences canoniques, non seulement avait sanctionné cette doctrine si consolante, mais elle avait admis en outre que l'autorité spirituelle remise entre ses mains par le divin dispensateur des grâces célestes, allait jusqu'à soulager l'âme pécheresse d'une partie de la peine infligée, et même de la peine tout entière, au moyen d'actes de clémence appelés indulgences, accordés à des conditions expresses et formelles. Ainsi, ceux-là seuls pouvaient avoir droit aux indulgences qui avaient noyé leurs fautes dans les larmes d'un sincère repentir, et s'étaient rendus dignes de s'asseoir au banquet sacré de leur Sauveur et de leur Dieu. L'Eglise catholique, en ouvrant les trésors de la miséricorde divine qui lui ont été solennellement confiés, se gardait donc bien d'attenter aux droits de la justice éternelle. Pour sauver ces droits, elle ne réconciliait le pécheur avec Dieu qu'après l'avoir éprouvé, et, dans la pénitence qu'elle lui imposait, elle lui donnait tous les moyens de satisfaire à cette justice. Les indulgences n'étaient donc qu'un secours accordé pour suppléer à la faiblesse de l'homme et l'aider à s'acquitter envers Dieu.

La réunion de tous ces dogmes et de toutes ces croyances autour de la morale pure et sainte de l'Evangile, formait le véritable catholicisme ou le christianisme universel. Cette agrégation datait en général des premiers âges de la religion, et ce qui avait pu s'ajouter depuis n'était, pour ainsi dire, que le corollaire et le développement logique des dogmes fondamentaux et des croyances primitives.

Nous ne devons pas dissimuler néan

moins que les doctrines de l'Église sur | Luther, dont les disciples usèrent de représailles : ce fut comme une déclaration de guerre. On vit aussitôt un grand nombre de théologiens se mêler de la dispute; toutefois, ce n'était là qu'une étincelle facile à éteindre, en proscrivant les affiches ridicules des deux partis, et en ordonnant aux supérieurs respectifs de contenir leurs moines; mais quelques princes d'Allemagne s'étant fait. un prétexte de ces nouveautés pour servir leurs intérêts particuliers, on vit en peu de temps l'embrasement se répan dre dans la plupart des états du nord.

le culte des saints, sur les indulgences et sur le rachat des âmes du purgatoire, si raisonnables d'ailleurs et si favorables à une piété tendre, comme à ce besoin de consolation et d'espérance qui tourmente les cœurs affligés, se prêtaient d'autant plus, par leur nature même, à de faciles et condamnables abus. Il n'est que trop certain que l'industrie et quelquefois la cupidité ingénieuse d'une portion du clergé régulier et séculier, employèrent les trésors spirituels comme moyens de produire des richesses matérielles en faveur des églises et des couvens ; et, ce qu'il y eut de plus étrange et de plus déplorable, c'est que l'exemple du trafic et de la vente des indulgences fut donné par l'autorité ecclésiastique la plus élevée, c'est-à-dire par les papes eux-mêmes.

A peu près vers le temps (1) où Luther venait de condamner aux flammes le docte et spirituel Erasme, pour avoir attaqué l'autorité des papes et quelques points de la discipline de l'Eglise, Léon X faisait élever l'admirable basilique de Saint-Pierre de Rome, et l'empereur Maximilien méditait une guerre contre les Turcs; mais ces deux entreprises exigeaient d'immenses ressources, et au nombre des moyens de se les procurer le souverain pontife avait placé le produit de la vente des indulgences. Des religieux Jacobins chargés de cette mission en Allemagne, s'en acquittèrent de manière à exciter des murmures et même des résistances. Une violente querelle s'étant élevée à ce sujet entre l'ordre des Jacobins (2), représenté par un moine imprudent, fanatique et ignorant, nommé Tetzel, et l'ordre des Augustins, auquel appartenait Luther, alors professeur à l'Université de Wittemberg, ce dernier, chargé de défendre son Ordre, non content de combattre dans ses sermons l'abus des indulgences, publia un programme renfermant quatre-vingt-quinze propositions qui condamnaient directement les indulgences elles-mêmes. Le Jacobin Tetzel y répondit avec violence, et fit brûler publiquement l'exposé de

(1) 1814.

(2) Ou Dominicains.

Le pape Léon X, tout entier à son magnifique patronage des arts, n'accorda point une attention assez grave à l'origine de ces troubles; il n'y vit qu'une querelle de moines. Lorsqu'il voulut s'en occuper sérieusement, il n'était plus temps d'y porter remède; l'Université de Wittemberg avait adopté les sentimens de Luther, et l'électeur de Saxe avait pris sous sa protection le fougueux réformateur. Celui-ci, entraîné par l'orgueil de la vengeance, ne mit plus de bornes à la violence et à l'audace de ses déclamations, et s'élança, comme poussé par la fatalité, dans une carrière dont il avait été bien loin de prévoir la nature et de mesurer l'étendue. D'abord il n'avait attaqué que la doctrine et l'abus des indulgences; il s'éleva ensuite avec véhémence contre les exactions de la cour de Rome (1), 'contre le luxe et le faste des prélats, les fraudes et l'hypocrisie des moines; successivement les commandemens de l'Eglise, les vœux monastiques, le célibat ecclésiastique, l'invocation des Saints, le culte exté rieur, la hiérarchie sacrée, ne furent, à ses yeux et dans ses discours, que les ornemens d'un temple gothique voué à la destruction. Se fondant sur ce que les volontés de Dieu, écrites dans les livres saints, étaient à la portée des esprits les plus simples, il n'accordait à aucune autorité le droit de soumettre et de diriger les consciences, et concluait à la suppression du Saint-Siége, des cardinaux et des officialités. Enfin, il arriva

(1) Luther l'appelait la Grande Prostituée, il désignait les prélats sous le nom de Loups dévorans, et les moines sous celui de Sépulcres blanchis.

à frapper d'une égale réprobation, et à | proscrire absolument, les dogmes du purgatoire et du libre arbitre, la communion sous une seule espèce, et la confession auriculaire; il ne conservait, de tous les sacremens de l'Eglise catholique, que le baptême et un simulacre de l'Eucharistie.

Au moyen de cette prétendue réforme, les biens immenses formant la dotation de l'Eglise catholique allaient se trouver sans possesseurs légitimes, et offraient ainsi une vaste pâture à la cupidité. Ce ne fut pas le moyen le moins puissant et le moins efficace d'acquérir des partisans zélés parmi les princes, les magistrats, le peuple, et même parmi des ecclésiastiques immoraux et ambitieux. D'un autre côté, la suppression d'un grand nombre de fêtes séduisait la classe récemment formée, et déjà assez nombreuse, des entrepreneurs d'industrie, dont la profession consistait à acheter le travail de l'ouvrier pour le vendre sous une autre forme; elle devait paraître également favorable aux ouvriers eux-mêmes qui, ne pouvant apprécier la haute prévoyance de la religion catholique à leur égard, espéraient trouver dans la réforme plus de liberté et de plus abon

dans salaires.

C'était par des motifs de cette nature, bien plus que par des considérations purement religieuses, que, malgré les erreurs palpables et l'incohérence étrange des propositions de Luther, et malgré les efforts des conciles de Bâle et de Constance, la nouvelle doctrine avait fait des progrès rapides en Allemagne, et qu'à la mort de Luther elle dominait dans presque tout le nord de l'Europe. Toutefois, dès le vivant même du réformateur, elle s'était divisée en un grand nombre de sectes (1), différant toutes entre elles par quelques dogmes particu

(1) Les Luthériens avaient d'abord adopté la confession d'Augsbourg de 1530; mais cette confession fut changée bientôt par son auteur Mélanchton. Luther dressa aussi, en 1537, les actes de Smalkalde. On vit paraître plus tard (1531), la confession saxonne, et en 1552, celle de Wittemberg. Les Zwingliens et les Calvinistes en présentèrent une à Charles-Quint. Il y eut quatre ou cinq confessions de la façon des Suisses, celle de Genève, celle de France, deux sous le nom de l'Eglise anglicane, autant de l'Eglise

liers, et ne s'accordant que pour combattre l'Eglise romaine et pour rejeter tout ce qui venait du pape (1).

Ainsi s'accomplit cette révolution qui, épargnant seulement l'Italie, l'Espagne et le Portugal, changea la face de la chrétienté dans tous ses rapports politiques, moraux et religieux. Les malheurs qui fondirent en foule sur l'Europe à la suite et à l'occasion de cet événement tristement mémorable, sont trop connus pour que nous ayons besoin d'en retracer le sombre tableau dans cette rapide esquisse. Nous nous arrêterons seulement à quelques considérations plus particu lières à l'influence de la réforme sur l'organisation sociale et économique des peuples.

Un des caractères les plus remarquables de la réformation prétendue religieuse, et qui l'assimile dans son but et dans ses conséquences purement matérielles à la plupart des révolutions politiques, c'est l'empressement acharné avec lequel les novateurs s'emparèrent des dépouilles du clergé.

Cette violation si manifeste du droit sacré de propriété, fut d'abord motivée sur la nécessité de rendre à leur destination primitive, c'est-à-dire, au soulagement des pauvres et des malades, et aux établissemens d'instruction et de charité, les richesses immenses de l'Eglise romaine (2); mais les princes, les seigneurs, les villes et les membres apostats du clergé catholique, s'en réservèrent la plus grande partie.

d'Ecosse. L'électeur Palatin avait la sienne. Il faut ajouter la confession Belge approuvée au synode de Dordrecht (en 1618); elle des Polonais publié au synode de Czenger; celle de Sendomir, concertée avec les Zwingliens et les Luthériens, pour contenter les

trois partis, et les Frères Moraves, etc. Aujourd'hui

le nombre des différentes sectes nées de la réforme

est devenu prodigieux, et la mémoire la plus heureuse aurait peine à en retenir l'étrange nomenclature.

(1) Dans les guerres de religion plusieurs sectes prenaient pour devise: Plutôt Turcs que Papistes. (2) Philippe, landgrave de Hesse (le même qui avait offert à Luther et à Mélanchton les biens des monastères, pour les faire condescendre à son mariage avec une seconde épouse), consacra une partie des biens du clergé à la dotation de l'Université de Marbourg, à celle de quatre hôpitaux et au salaire des ministres et maîtres d'école. A Genève uno

En Allemagne, les villes s'emparaient | trois cent soixante-seize. La totalité de même de ce qui n'était pas sur leur terri- leurs revenus s'élevait à 32,000 liv. st. toire. Les religieux et les religieuses et leur mobilier à 100,000 liv. st. parjures, en quittant leurs monastères, emportaient tout ce dont ils pouvaient se rendre maîtres.

Le spectacle d'une multitude de religieux chassés de leurs couvens et errant dans les campagnes, pénétra les peuples de pitié et d'indignation. Henri VIII avait imposé au clergé une nouvelle profession de foi : il révolta les catholiques en réduisant les sacremens à trois, et irrita les protestans en leur ordonnant de croire à la présence réelle. De nombreux rassemblemens ou plutôt des armées d'in

La noblesse profita de la totalité de ces biens en Danemarck. En Suède, le roi promit de les employer à l'établissement d'écoles publiques et à fonder des hôpitaux dans toutes les provinces. Mais comme il en céda une très grande partie à la noblesse pour l'attirer dans son parti, comme on en réunit une très considé-surgés marchèrent sur Londres, pour rable aux domaines de la couronne, que d'autres devinrent la récompense des services militaires, cette promesse royale n'eut qu'un effet très borné.

demander vengeance des outrages faits à l'antique religion du pays. Henri VIII parvint à les soumettre. Dès lors il prit une résolution qui satisfaisait à la fois sa vengeance et sa cupidité. L'entière destruction des monastères lui parut le moyen le plus sûr et le plus prompt d'enlever aux mécontens leurs dernières ressources et d'augmenter les siennes. Ici, comme dans la première opération, la rapacité se couvrit encore d'un zèle spécieux pour l'intérêt des mœurs et de la religion même. On prit grand soin de diffamer ceux que l'on voulait ruiner; on répandit avec profusion de nouveaux tableaux des débordemens et des turpitudes que l'on prétendait avoir décou

Le dépouillement du clergé catholique fut surtout en Angleterre une véritable spoliation. Aux honneurs de chef suprême de l'Eglise, Henri VIII voulut joindre les profits que ce titre lui offrait. Les richesses du clergé tentaient sa cupidité; mais par un reste de ménagement pour les esprits, il résolut de procéder avec mesure : il n'attaqua d'abord que les monastères d'une classe inférieure; et avant même de prononcer leur suppression, il essaya de la faire approuver par l'opinion publique. Thomas Cromwell, secrétaire d'état, avait été nommé vice-verts dans les cloîtres. Par la séduction > régent ou vicaire général du roi pontife: il envoya des commettans dans les couvens des deux sexes, et donna la plus grande publicité à leurs rapports. Les his toriens protestans, et notamment Hume, ne dissimulent pas que ce fut l'envie de plaire au roi, et non la vérité, qui dicta la plupart de ces relations monstrueuses: il n'y a point d'infamies, point de forfaits sous le ciel dont ne fussent accusés les moines et les religieuses. On prétendit que tous demandaient leur liberté, et cependant on employa la violence pour les arracher de leurs retraites. Docile aux instructions qui lui furent remises, le parlement se borna d'abord à supprimer les monastères dont le revenu était au dessous de 200 liv. st.: il s'en trouva

partie de ces biens servit à la fondation d'un hôpital, d'un collége et d'une académie. Ce sont là, à peu près, les seules exceptions que l'on puisse ci

ter.

[ocr errors]

on amena quelques riches prélats à renoncer à leurs abbayes; par la menace, on en força d'autres à faire l'abandon volontaire de leurs revenus. En vain des voix courageuses s'élevèrent pour obte nir, au nom de l'humanité et de la morale, la conservation de quelques cou vens de femmes. Henri fut inflexible et la spoliation totale. Pour prévenir les murmures du peuple, on imagina de lui faire un divertissement de ce qui aurait pu exciter sa compassion ou blesser sa piété. On exposa sur la place publique des images de saints, des crucifix à ressort, qui avaient servi, disait-on, à opérer des miracles. Par une dérision barbare, une grande statue de la Vierge fut employée à brûler le père Laforêt, ancien confesseur de la reine Catherine d'Aragon, que l'on accusait d'avoir nié la suprématie du roi. Les reliques des saints, après avoir été dépouillées de leurs richesses, furent jetées au feu, La

plus célèbre de toutes, la châsse de saint | succéda à l'envahissement des richesses

Thomas de Cantorbéry, qui était, depuis plus de quatre siècles, l'objet de la vénération de l'Angleterre, fut mise en pièces. Le roi en fit arracher un diamant d'une grande valeur, offrande de Louis VII, roi de France, et ne rougit pas de le porter au doigt. Le saint lui-même fut cité devant le roi en son conseil, jugé et condamné comme traître, son nom effacé du calendrier, ses os brûlés, ses cendres jetées au vent. Les habitans des campagnes, dont un grand nombre tenait à bail et aux conditions les plus avantageuses, les terres appartenant aux abbayes et aux monastères, firent éclater leurs plaintes. Pour les apaiser, on leur disait qu'au moyen de cet accroissement de revenus, le roi serait en état, à l'a- | venir, de les exempter de toute espèce de taxe ou d'impôt. Mais Henri ne tarda pas à s'apercevoir qu'on lui avait singulièrement exagéré la valeur de ces biens. On les avait estimés au quart du revenu territorial du royaume entier, qui était à cette époque de quatre millions st. Il fut prouvé qu'ils ne s'élevaient pas au vingtième de cette somme. Henri crut que le meilleur moyen de se faire pardonner ses rapines, était d'intéresser au partage ceux même dont il redoutait la censure. Il concéda en pur don des terres considérables; il vendit à vil prix des églises et des bâtimens dont la démolition seule rendait à l'acquéreur le double et le triple de la somme payée. Il poussa si loin la prodigalité en ce genre, qu'il donna le revenu entier d'une abbaye à une femme, pour la récompenser d'avoir fait un pudding à son goût.

L'état ne profita en rien des dépouilles du clergé régulier.-Tombées dans d'indignes mains, elles n'aboutirent qu'au renversemeut de l'ordre et à la corruption des mœurs. Enflés de leurs fortunes soudaines, les individus les plus abjects sortirent de la fange, et voulurent être considérés, sinon comme de grands seigneurs, du moins comme des seigneurs opulens. Séduit par l'appât du gain, l'homme faible étouffa la voix de sa conscience; il devint le complice et bientôt l'apologiste du crime. La spoliation des biens que possédait en Angleterre l'ordre hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem,

des monastères. Les nombreux et généreux services que cette noble institution avait rendus à la chrétienté ne purent la défendre, et le parlement se prêta sans résistance à cette nouvelle iniquité. Enfin, les biens des évêchés, des chapitres, des colléges, des hôpitaux même, en un mot, toutes les fondations pieuses dues au clergé catholique, qu'un reste de pudeur avait sauvées des premiers pillages, devinrent la proie d'Henri VIII ou plutôt celle de quelques spéculateurs avides, qui profitèrent de l'embarras des finances pour se les faire adjuger à vil prix.D'ailleurs, la partie saine de la nation vit cette sorte d'acquisition avec horreur, et se fit un devoir de n'y prendre aucune part (1).

C'est ainsi qu'en Angleterre 605 abbayes, 90 colléges et 100 hôpitaux furent détruits, et qu'en Irlande tous les couvens et monastères éprouvèrent le même sort.

Au nombre des reproches adressés à l'institution des couvens et des ordres religieux, on n'avait pas épargné, dans ce royaume, celui d'entretenir la fainéantise et l'oisiveté par d'indiscrètes aumônes. Pour dédommager les pauvres et les malheureux des asiles et des secours de la charité religieuse, qui leur avaient été si violemment ravis, Henri VIII autorisa les shérifs, les magistrats et les marguilliers à faire lever des aumônes volontaires, et ordonna les peines les plus cruelles contre les mendians. Ce fut le principe de la taxe des pauvres, consacrée encore aujourd'hui par la législation anglaise.

Mais l'existence de la société et du droit de propriété sont inséparables. Tout l'ordre social fut donc mis en question dès le moment où l'on vit les anciens

(1) Il est impossible de jeter les yeux sur un pareil récit sans être frappé de sa ressemblance extraordinaire avec le table u de notre première révolution. Pour nos modernes novateurs comme pour Henri VIII, le prétexte de la spoliation des biens du clergé était l'intérêt des mœurs, de la religion et enfin des classes pauvres. On sait comment ces intérêts furent respectés par le tyran anglais comme par nos tyrans populaires. Les révolutions ne peuvent manquer de se ressembler par leurs effets lorsque leurs principes sont semblables.

« ÖncekiDevam »