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attacher aux créatures, ce que nous faisons toutes les fois que nous offensons Dieu; nous mourons voirement, mais non pas d'une mort si entière qu'il ne nous reste un peu de mouvement et avec cela des jambes et des pieds, c'està-dire quelques mesmes affections qui nous peuvent faire faire quelques essays d'amour; mais cela pourtant est si foible qu'en vérité nous ne pouvons plus de nous-mesmes desprendre nos cœurs du péché, ny nous réclamer au vol de la sacrée dilection... Et certes nous mériterions bien de demeurer abandonnez de Dieu, mais son éternelle charité ne permet pas souvent à sa justice d'user de ce chastiment; ainsi excitant sa compassion, elle la provoque à nous retirer de nostre malheur ; ce qu'il fait, envoyant le vent favorable de sa très saincte inspiration, laquelle venant avec une douce violence dans nos cœurs, elle les saisit et les esmeut, relevant nos pensées et poussant nos affections en l'air du divin amour. Or ce premier eslan ou esbranlement, que Dieu donne en nos cœurs pour les inciter à leur bien, se fait voirement en nous, mais non par nous; car il arrive à l'improuveu, avant que nous y ayons ny pensé, ny peu penser... Cette première esmotion et secousse que l'âme sent, quand Dieu, la prévenant d'amour, l'esveille et l'excite à quitter le péché et se retourner à luy; et non seulement cette secousse, ains tout le réveil, se fait en nous et pour nous. Nous sommes esveillez, mais nous ne sommes pas esveillez de nousmesmes, c'est l'inspiration qui nous a esveillez... C'est en sursaut et à l'improuveu que Dieu nous appelle et resveille par sa très saincte inspiration. En ce commencement de la grâce céleste nous ne faisons rien que sentir l'esbranlement que Dieu fait en nous, comme dit saint Bernard, mais sans nous. » Saint François de Sales, Traité de l'Amour de Dieu, Liv. II, ch. Ix.

3. La grâce actuelle et la liberté. <<< Nostre franc-arbitre n'est nullement forcé ni nécessité par la grâce ains, nonobstant la vigueur toute-puissante de la main miséricordieuse de Dieu, qui touche, environne et lie l'âme de tant et tant d'inspirations, de semonces et d'attraits, cette volonté humaine demeure parfaictement

libre, franche et exempte de toute sorte de contrainte et de nécessité. La grâce est si gracieuse, et saisit si gracieusement nos cœurs pour les attirer, qu'elle ne gaste rien en la liberté de nostre volonté ; elle touche puissamment, mais pourtant si délicatement, les ressorts de nostre esprit, que nostre franc-arbitre n'en reçoit aucun forcement. La grâce a des forces, non pour forcer mais pour allécher le cœur ; elle a une saincte violence, non pour violer, mais pour rendre amoureuse nostre liberté; elle agit fortement, mais si suavement que nostre liberté ne demeure point accablée sous une si puissante action; elle nous presse, mais elle n'oppresse pas nostre franchise; si que nous pouvons, emmy ses forces, consentir ou résister à ses mouvements, selon qu'il nous plaist. Mais ce qui est autant admirable que véritable, c'est quand nostre volonté suit l'attrait et consent au mouvement divin, elle le suit aussi librement, comme librement elle résiste, bien que le consentement à la grâce dépende beaucoup plus de la grâce que de la volonté, et que la résistance à la grâce ne dépende que de la seule volonté ; tant la main de Dieu est amiable au maniement de nostre cœur, tant elle a de dextérité pour nous communiquer sa force sans nous oster nostre liberté, et pour nous donner le mouvement de son pouvoir sans empescher celui de nostre vouloir, adjustant sa puissance à sa suavité; en telle sorte que, comme en ce qui regarde le bien, sa puissance nous donne suavement le pouvoir, aussi sa suavité maintient puissamment la liberté de nostre vouloir. » Ibid., liv. II, ch. XII.

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4. Nature de la grâce actuelle. Le P. Monsabré a consacré sa XXIV Conférence à établir ces deux propositions La nature prévenue, guérie et secourue par la grâce, se prépare a être sanctifiée par la grâce; la nature sanctifiée se perfectionne sous l'influence de la grâce jusqu'à ce qu'elle soit définitivement fixée dans le bien par la dernière grâce. « Il est très vrai que la toute puissance de Dieu ne connaît pas d'obstacle. Elle comble et renverse sans effort les douves de fange et les remparts d'orgueil dont une âme habituée à pécher s'entoure, comme pour

se préserver de ses atteintes. Augustin s'humilie sous ses coups, Paul anéanti remplace sur ses lèvres frémissantes les menaces et les malédictions par cette question timide et soumise Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? Elle peut, en un instant, transformer un vase d'iniquité en un vase d'élection... Mais c'est de l'extraordinaire, et nous recherchons l'ordinaire dans les opérations de la grâce. Or, l'ordinaire ce n'est pas que le fleuve grossi par la tempête brise tout ce qu'il rencontre sur son passage pour se répandre sur les terres arides, mais qu'il écoule tranquillement ses eaux par les pentes où il trouve moins de résistance; l'ordinaire ce n'est pas que l'on entre quelque part en forçant les portes barricadées et murées, mais bien en poussant tout doucement celles qui s'entr'ouvrent. Le bon sens nous dit donc que, à l'ordinaire, l'action de la grâce s'adresse aux âmes honnêtes, préférablement à celles qui croupissent dans le limon impur de tous les vices; aux âmes ignorantes et faibles, préférablement à celles que l'orgueil endurcit...

« L'hérésie a versé sur les maux de la nature des larmes hypocrites, et l'a condamnée à une totale impuissance. A l'en croire, le libre arbitre n'est propre qu'à pécher sans le secours de Dieu. Toutes les œuvres des infidèles sont autant de crimes, toutes les vertus des philosophes autant de vices. D'un autre côté, le rationalisme, jetant un voile sur la plaie béante du péché, a prétendu que l'intelligence humaine n'avait besoin que de ses ailes pour parcourir tout l'empire du vrai, que les seules forces du libre arbitre suffisaient à la conquête de sa perfection morale. Mais l'Eglise est intervenue, et repoussant de sa main souveraine ces apôtres du désespoir et de la présomption : Taisez-vous, leur a-t-elle dit, la nature n'est pas morte, elle est malade; c'est la grâce de Dieu qui la guérit. La nature n'est pas morte; car, dans les ombres de l'erreur, elle a pu discerner des vérités premières dont l'Apôtre s'est servi pour lui reprocher ses infidélités et ses ingratitudes. La nature n'est pas morte; car les Gentils, vivant hors la loi, ont accompli naturellement des œuvres que la loi prescrit. La nature n'est pas morte; car nous voyons,

dans l'Ecriture, Dieu, qui ne récompense que le bien, bénir, par la prospérité et le succès, certaines actions des infidèles. La créature n'est pas morte; mais elle est malade. Le vol de sa raison défaille à chaque instant et la précipite vers les ombres quand elle doit planer encore dans les régions de la lumière; les efforts de sa volonté, mal réglés, mal dirigés, toujours contrariés par la violence des appétits, ne peuvent fournir la longue et difficile carrière des vertus qui font l'homme de bien...

« C'est la grâce qui, perfectionnant la clairvoyance de la raison, lui permet de discerner les ombres de la lumière, de voir dans leur ensemble, non seulement les vérités spéculatives, mais les vérités pratiques qui forment la conscience. C'est elle qui, rectifiant la volonté, la dispose à obéir aux ordres de la raison pratique et à accomplir tous les préceptes de la loi de Dieu; c'est elle qui, affermissant le libre arbitre, lui donne la force de soutenir les assauts des tentations violentes, si funestes à la vertu ; enfin, c'est la grâce qui fait l'homme de bien...

« C'est la foi qui nous dit que la grâce prévient la nature, guérit la nature, aide et surnaturalise les opérations préparatoires de la nature. La nature n'est donc pas une force indépendante qui emprunte, dans un moment critique, le secours d'une autre force pour agir avec elle, comme le conducteur d'un char emprunte un renfort; c'est une force subalterne entièrement saisie par une force supérieure, et agissant indivisiblement avec elle. Toutefois, dans cette indivisible action, la nature n'est ni absorbée, ni effacée. Elle conserve ses propriétés, elle jouit de son propre mouvement, c'est elle-même, dit saint Thomas, qui se prépare sous l'action de la grâce à être sanctifiée par la grâce. »

Leçon XI

La grâce actuelle

I. Gratuité de la grâce. II. Grâce suffisante

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III. Grâce efficace

I. Gratuité de la grâce

ANS la grâce, l'homme déchu est dans l'impuissance morale de connaître toutes les vérités

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de l'ordre naturel et de remplir tous les devoirs qui en découlent; il est aussi dans l'impuissance physique de sortir par lui-même de l'état de péché et de pénétrer dans l'ordre surnaturel (1).

Il sort pourtant de son état de péché et il entre dans l'ordre surnaturel. Sa nature offre donc une certaine prise à la grâce. Comment cela? Par une disposition toute particulière, par une attitude spéciale, qui lui permet de recevoir la motion surnaturelle capacité naturelle et purement passive, qui n'est nullement, comme l'ont prétendu les protestants, celle d'un être inconscient ou d'une pure machine, mais celle d'un être conscient, libre et actif, et qui n'est autre chose que ce que les scolastiques ont appelé la puissance obédientielle. Grâce à cette puissance obédientielle, l'homme

1. BIBLIOGRAPHIE: voir les auteurs et les ouvrages signalés à la leçon précédente; y ajouter: Guillermin, De la grâce suffisante, dans la Revue thomiste, 1901, p. 505-519; 1902, p. 47-76, 377-404, 654-675; 1903, p. 20-31,

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