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un désastre plus grand que la perte d'une bataille. Dix mille Anglais, commandés par le général Abercrombie, avaient baigné de leur sang les dunes du Helder; l'armée du due d'York, venue ensuite, se laissait envelopper et courait un imminent péril, que Brune eût rendu décisif sans l'obligation de contenir à la fois des alliés et de repousser des ennemis. Moreau, qu'on avait remplacé par Joubert, était descendu, pour le seconder, au rôle de simple lieutenant, et sauvait, avec une admirable abnégation d'amour-propre, les débris de nos cohortes vaincues. En se liant avec Championnet, il présentait encore aux Austro-Russes une imposante attitude.

Nos revers et la crainte qu'inspirait Souwarow rendaient de jour en jour la position du Directoire plus critique. La commission des sept, par l'organe de Lucien, son rapporteur, ayant voulu mettre deux armées sous la main du gouvernement, on rejeta ce projet comme favorable au despotisme directorial. Jourdan, qui avait voté pour la commission, semblait alors moins contraire à Sieyès; Lucien Bonaparte, Chénier, Boulay de la Meurthe ménageaient un rapprochement; mais Sieyès voulait concentrer le pouvoir au sein du Directoire, Jourdan au sein du conseil des Cinq-Cents, et tous deux nourrissaient des convictions si profondes qu'il n'était nullement probable que l'un fit jamais des concessions à l'autre.

Alarmé d'une réunion qui venait d'avoir lieu chez Bernadotte, ministre de la guerre, Sieyès, un jour, dit à Lucien : « Nous n'avons donc pas une épée pour nous? Ah! que votre frère n'est-il ici?»- Pour former un tel souhait, il fallait que Sieyès trouvât le péril bien pressant. S'il survenait une lutte violente, toutes les probabilités de succès semblaient être du côté des jacobins,

et Bernadotte, fort suspect à Sieyès ainsi qu'à RogerDucos, eût été remplacé depuis longtemps sans Barras, qui négociait avec tout le monde, et qui, comptant sur l'arrivée prochaine de Bonaparte, voulait, en attendant, se ménager Bernadotte.

le ministre.

Un jour Joseph Bonaparte, parlant des affaires publiques avec Bernadotte, lui dit avoir entendu Barras exprimer plusieurs fois le regret que Napoléon ne fût pas de retour. Mais, ajouta Joseph, sans avoir l'air de donner à son idée la moindre portée, « il peut arriver d'un jour à l'autre... Qu'entendez-vous par là? reprit vivement Oh! ce n'est qu'une simple conjecture, tout au plus une probabilité, qui pourrait se réaliser néanmoins; car, l'Égypte conquise, sa mission est achevée, il ne lui reste plus rien à faire. Le laisser en Orient serait lui donner l'exil - Et ne faut-il pour récompense. pas qu'il consolide une occupation incertaine? Cette conquête, comme il vous plaît de l'appeler, est loin d'être assurée; elle a donné une nouvelle vie à la coalition qui était morte; elle nous a jeté l'Europe sur les bras; elle a réduit, au moment où je parle, la République en problème. Votre frère, au reste, n'a point d'autorisation de quitter l'armée; il connaît les lois militaires, et je ne pense pas qu'il s'expose à être puni par elles... Un pareil abandon serait trop grave; il doit en sentir les conséquences........... » La fermeté avec laquelle ces paroles étaient prononcées ne permettait pas à Joseph de répliquer. En homme d'esprit, il tourna la conversation, mais son but était atteint, puisqu'il lui importait surtout de connaître, en ce qui concernait Bonaparte, les dispositions du ministre.

Bernadotte et Jourdan s'entendaient fort bien; ce fut après une conférence nocturne tenue au ministère de la

guerre que Jourdan fit réunir la commission des sept, et proposa de déclarer la patrie en danger: Boulay de la Meurthe et Lucien s'y opposèrent, ne voyant pas l'urgence de mesures exceptionnelles, et la commission rejeta sa proposition. Le lendemain, aux Cinq-Cents, où tous les jacobins s'étaient donné rendez-vous, Jourdan revient avec insistance sur le même objet. Augereau, pour l'appuyer, s'élance à la tribune, mais ne trouve pas de paroles assez promptes; Chénier veut le réfuter et ne peut obtenir silence. Le tumulte est à son comble. Augereau exhale sa rage sur le président, et, placé derrière lui, le menace d'une baguette qu'il tient à la main, s'il ne met la motion aux voix. Impassible, le président se couvre. « C'était Boulay de la Meurthe, dit Lucien, un de ces hommes qu'on n'intimide pas : dans la commission des sept, il avait voté avec Chénier, Daunou et moi contre Jourdan; et il maintint avec fermeté la liberté de discussion que l'on voulait étouffer à force de cris et de menaces 1. » Chénier prit la parole et fut très-faible; Lamarque, au contraire, électrisa l'assemblée. Sans Lucien, les adversaires du Directoire triomphaient.

que

«En terminant son discours, ajouta Lucien, le préopinant s'est écrié : La liberté ou la mort! Un mouvement unanime d'adhésion a éclaté parmi nous. Je répéterai aussi ces belles paroles : La liberté ou la mort! C'est ici la liberté trouverait, s'il le fallait, son dernier asile... Ici les suffrages et les opinions sont libres; et quelle que soit votre délibération, nul ne pensera que les violences dont cette enceinte vient d'être le théâtre aient pu donner à votre vote une direction contraire à vos véritables sentiments. Non, les écarts auxquels on s'est livré ne vous ont point influencés; la crainte et la faiblesse sont 1 Mémoires de Lucien Bonaparte, p. 372.

TOME III.

loin de vos âmes... Celui qui céderait à ces sentiments vulgaires serait indigne de siéger ici!... (Applaudissements.) Représentants du peuple, dans la crise où nous nous trouvons, il n'y a plus rien à dissimuler. Il faut qu'on s'explique avec franchise; il faut qu'en cette séance vous fassiez voir ce que vous voulez. (Interruption.) Nos intentions sont les mêmes sans doute; nous voulons tous sauver la République; mais nous différons quant aux moyens... Les uns veulent la déclaration de la patrie en danger, la permanence des conseils, l'appel d'une nouvelle fédération, et surtout une commission de salut public plus active. Les autres craignent qu'au point où nous en sommes toute mesure extraordinaire ne soit fatale. Je pense comme ces derniers; je déclare ne voir aujourd'hui de salut pour la France que dans une intime union entre les premières autorités : un État vivement menacé à l'extérieur et déchiré à l'intérieur par des factions armées, ne peut être sauvé que par un pouvoir énergique, à qui toute latitude constitutionnelle soit assurée. Oui, dans notre position, il faut augmenter la force du pouvoir exécutif ou il faut en changer; il n'y a pas de milieu; hors de l'un de ces deux partis, il n'y aurait plus qu'à cumuler dans votre sein tous les pouvoirs........ Est-ce là qu'on pourrait voir le salut de la République? (A ces mots, une vive agitation se manifeste : l'orateur avait mis le doigt sur la plaie.) Vous parlez de despotisme, de dictature! mais.... qui voudrait l'offrir? qui oserait l'accepter? Parmi nous existent de bien cruelles défiances; la honte d'une telle proposition, l'infamie d'un tel joug trouveraient dans cette enceinte plus d'un bras qui s'armerait contre elle du fer de Brutus. Mais il ne s'agit ni de dictature ni de despotisme; ces vains mots, je les emploie, parce que mes interrupteurs

les ont employés. On voudrait en vain m'écarter de la question; j'y rentre malgré les clameurs, et toute ma pensée je vais la dire : je dirai que le besoin le plus impérieux, quand l'ennemi se trouve à nos portes, c'est l'union.... De l'union seule dépend notre salut.... Si le gouvernement vous semble coupable de trahison ou d'ineptie, il ne s'agit que de le juger, de le punir, et surtout de le remplacer; mais, en vérité, je ne vois pas quel reproche sérieux lui adresser, Je n'ai pas déguisé mon opinion contre les ex-directeurs; j'ai pris part à leur chute... j'agirais de même contre leurs successeurs s'ils le méritaient... Quant à la réaction que l'on signale, le Directoire a pris tous les moyens de la réprimer; loin de moi de justifier aucune réaction; toutes sont coupables et funestes; mais sans action il n'y a pas de réaction, et c'est d'abord l'action qu'il eût été sage de prévenir, La nécessité, dans les dangers publics, de donner une grande latitude au pouvoir exécutif est tellement évidente que ceux mêmes qui voudraient aujourd'hui renverser le Directoire seraient forcés demain d'en rétablir un plus fort, Nos prédécesseurs n'ont-ils pas dû obéir à cette nécessité ? N'est-ce point à elle qu'il dut sa ⚫ puissance, ce comité de la Convention, fameux par tant de prodiges et par de si horribles maux? A quoi servirait, en effet, un gouvernement impuissant? A quoi bon une autorité pour laquelle on afficherait le mépris, et que l'on oserait insulter impunément jusque sous les murs de son palais ? (Murmures,) Ces murmures qui m'interrompent encore frappent agréablement mon oreille, -Personne, me dit-on, ne veut renverser le Directoire! J'accepte cette assurance...; mais, citoyens représentants, ne voyez-vous pas que le système qu'on vous propose vous entraînerait bientôt, malgré vous-mêmes, hors

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