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Français prisonniers; et enfin six mois de suspension d'armes, afin que, pendant ce temps-là, l'échange des ratifications puisse avoir lieu. Supposant que les circonstances soient telles que vous croyiez devoir conclure ce traité avec la Porte, vous ferez sentir que vous ne pouvez pas le mettre à exécution qu'il ne soit ratifié; et, selon l'usage de toutes les nations, l'intervalle entre la signature d'un traité et sa ratification doit toujours être une suspension d'hostilités. Vous connaissez, citoyen général, quelle est ma manière de voir sur la politique intérieure de l'Égypte : quelque chose que vous fassiez, les chrétiens seront toujours nos amis. Il faut les empêcher d'être trop insolents, afin que les Turcs n'aient pas contre nous le même fanatisme que contre les chrétiens, ce qui nous les rendrait irréconciliables. Il faut endormir le fanatisme avant qu'on puisse le déraciner. En captivant l'opinion des grands cheiks du Kaire, on a l'opinion de toute l'Égypte; et, de tous les chefs que ce peuple peut avoir, il n'y en a aucun moins dangereux que les cheiks, qui sont peureux, qui ne savent pas se battre, et qui, comme tous les prêtres, inspirent le fanatisme sans être fanatiques. Quant aux fortifications, Alexandrie, El-Arich, voilà les clefs de l'Égypte. J'avais le projet de faire établir cet hiver des redoutes de palmiers, deux depuis Salahieh à Catieh, deux de Catieh à El-Arich: l'une se serait trouvée à l'endroit où le général Menou a trouvé de l'eau potable. Le général Samson, commandant du génie, et le général Songis, commandant l'artillerie, vous mettront chacun au fait de ce qui regarde sa partie. Le citoyen Poussielgue a été exclusivement chargé des finances, je l'ai reconnu travailleur et homme de mérite. Il commence à avoir quelques renseignements sur le chaos de l'administration de l'Égypte.

J'avais le projet, si aucun nouvel événement ne survenait, de tâcher d'établir cet hiver un nouveau mode d'impositions, ce qui nous aurait permis de nous passer à peu près des Cophtes; cependant, avant de l'entreprendre, je vous conseille d'y réfléchir longtemps. Il vaut mieux faire cette opération un peu plus tard qu'un peu trop tôt. Des vaisseaux de guerre français paraîtront cet hiver indubitablement à Alexandrie, Bourlos ou Damiette. Faites construire une bonne tour à Bourlos; tâchez de réunir cinq ou six cents mameluks, que, lorsque les vaisseaux français seront arrivés, vous ferez en un jour arrêter au Kaire et dans les autres provinces, et embarquer pour la France. Au défaut de mameluks, des otages d'Arabes, des cheiks belet, qui, pour une raison quelconque, se trouveraient arrêtés, pourraient y suppléer. Ces individus, arrivés en France, y seront retenus un ou deux ans, verront la grandeur de la nation, prendront quelques idées de nos mœurs et de notre langue, et, de retour en Égypte, nous y formeront des partisans. J'avais déjà demandé plusieurs fois une troupe de comédiens : je prendrai un soin particulier de vous en envoyer. Cet article est très-important pour l'armée et pour commencer à changer les mœurs du pays. La place importante que vous allez occuper en chef va vous mettre enfin à même de déployer les talents que la nature vous a donnés. L'intérêt de ce qui se passera ici est vif, et les résultats en seront immenses pour le commerce, pour la civilisation; ce sera l'époque d'où dateront de grandes révolutions. Accoutumé à voir la récompense des peines et des travaux de la vie dans l'opinion de la postérité, j'abandonne avec le plus grand regret l'Égypte. L'intérêt de la patrie, sa gloire, l'obéissance, les événements extraordinaires qui viennent de se passer, me décident

seuls à passer au milieu des escadres ennemies pour me rendre en Europe. Je serai d'esprit et de cœur avec vous. Vos succès me seront aussi chers que ceux où je me trouverais en personne, et je regarderai comme mal employés tous les jours de ma vie où je ne ferai pas quelque chose pour l'armée dont je vous laisse le commandement, et pour consolider le magnifique établissement dont les fondements viennent d'être jetés. L'armée que je vous confie est toute composée de mes enfants; j'ai eu dans tous les temps, même au milieu des plus grandes peines, des marques de leur attachement. Entretenez-les dans ces sentiments; vous le devez à l'estime et à l'amitié toute particulière que j'ai pour vous et à l'attachement vrai que je leur porte. »

Le général Menou, qui venait d'être nommé commandant supérieur des provinces d'Alexandrie, Bahireh et Rosette, fut chargé par Bonaparte de transmettre au général Kléber les dépêches que nous venons de citer; mais la lettre au divan devait être tenue secrète tant qu'il n'y aurait pas quarante-huit heures d'écoulées après le départ de l'escadre. Bonaparte croyait mettre à la voile le 24 ou le 25; il avait donné rendez-vous à Kléber dans la ville de Rosette; mais tout à coup, craignant de voir la flotte anglaise reparaître, et les vents se montrant favorables, il se décide à ne pas différer davantage, et sort d'Alexandrie le 22, à dix heures du soir, dans une petite embarcation qui le conduit à bord de la frégate le Muiron, où l'attendait Gantheaume. Une frégate anglaise parut alors en vue d'Alexandrie; les officiers présents tiraient de cette circonstance un funeste présage: «Ne craignez rien, leur répond Bonaparte, nous arriverons en dépit des Anglais; la fortune ne nous trahira point. »

Sur le Muiron se trouvaient, avec Bonaparte, Berthier, Andréossi, Monge, Berthollet, Denon, l'aide de camp Lavalette et Bourrienne; sur le Carrère, que commandait le chef de division Dumanoir, Lannes, Murat, Marmont et le poëte Parseval-Grandmaison. Ce dernier, plus ennuyé que malade, venait d'arriver à force de rames, intercédant la faveur d'être au nombre des élus du général, qui, d'abord inflexible, finit par céder aux instances de Berthollet, de Denon et de Monge. Une pirogue, la Revanche, et un aviso, l'Indépendant, escortaient les deux frégates. On mit à la voile le 23 août, et, saluant la terre d'Égypte, Bonaparte, ainsi que l'a fait César, accepta sans balancer les chances de la fortune, et s'abandonna, comme à l'aventure, aux caprices des vagues, aux inspirations de l'amiral.

Cet habile navigateur, prenant une route plus longue mais plus sûre, rangea la côte d'Afrique par un vent nord-ouest extrêmement désastreux, il courut des bordées telles que dans l'espace de vingt jours on ne fit que cent lieues. Les vents de l'équinoxe pouvaient seuls permettre à l'escadrille de franchir le cap Bon; heureusement ils s'élevèrent, et le 28 septembre on distingua l'île de Corse. Le 1er octobre Bonaparte était en vue du port d'Ajaccio.

M. Barberi, payeur du trésor dans cette ville et l'ami particulier des Bonaparte, n'eut pas plutôt appris l'heureux retour d'un héros si cher à la France, qu'il courut au rivage et se rendit à portée de la frégate que montait le général pour le féliciter et lui faire offre de ses services. Bonaparte demanda des journaux et des fruits, désignant particulièrement ces bonnes figues des Melelli auxquelles se rattachaient les convoitises de son enfance;

puis il témoigna le désir d'être affranchi d'une quarantaine, et de passer quelque temps au milieu de ses compatriotes.

« Pendant que M. Barberi s'occupait de faire parvenir à bord les objets demandés, son père, président de la commission sanitaire, exposait aux commissaires rassemblés par ses soins les motifs plausibles d'admettre le général en libre pratique, pour satisfaire aux vœux de la population, qui manifestait le plus vif enthousiasme ; mais les commissaires alléguèrent la rigidité des règlements et la grave responsabilité qui pèserait sur leurs têtes. Ce refus pouvait compromettre les desseins de Napoléon, dont un mot de Murat au fils Barberi lui avait fait saisir toute la portée; le président, n'écoutant que le zèle de l'amitié et son dévouement, convaincu qu'il n'y avait pas de malades à bord, proposa à la commission de santé de se rendre en corps auprès du général pour lui offrir au moins des félicitations. Cet avis adopté, on monta sur le canot de la santé, sous le patronage d'un homme sûr, qui reçut l'ordre d'aborder la frégaté en feignant un accident de manoeuvre, de telle manière que les commissaires furent contraints d'entrer en contact avec l'équipage. Toute interdiction serait alors levée, M. Barberi ayant la certitude que ses collègues ne voudraient pas subir eux-mêmes la quarantaine. Ce plan, exécuté avec la décision convenable, eut un plein succès; Napoléon, entouré de Berthier, de Murat, d'Andréossy, d'Amédée Jaubert, secrétaire interprète, et du général Eugène Merlin, aide de camp, etc., s'empressa de rassurer les commissaires, et sans délai on se rendit à terre, où le général Bonaparte et sa suite furent accueillis avec le plus vif applaudissement. Aussi le comte Pozzo di Borgo disait-il un jour au fils Barberi : « Dieu vous

TOME III.

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