Sayfadaki görseller
PDF
ePub

net, une bataille à l'Angleterre, et n'admettant pas qu'une traversée exécutable un mois plus tôt, avant que l'ennemi eût doublé ses forces dans la Méditerranée, présentât aujourd'hui des chances incertaines. Après une heureuse traversée, Bruix, le 29 prairial, se trouvait à Carthagène, d'où il écrivait à Bonaparte :

«

Déjà ma jonction est faite; l'armée combinée est forte de quarante-deux vaisseaux de ligne; mais cette force ne nous donne pas encore la supériorité sur les Anglais; ils ont soixante vaisseaux dans la Méditerranée. Néanmoins, par des manœuvres bien concertées, on peut les battre avant qu'ils soient réunis en un seul corps d'armée. C'est ce que j'espère, si mes démarches instantes auprès de l'amiral espagnol et de la cour de Madrid réussissent. Ce succès obtenu, je vous préviens, citoyen général, que je ne perdrai pas un instant pour me porter sur Alexandrie immédiatement après le combat. Faites donc vos dispositions pour retenir le moins de temps possible la flotte sur la côte d'Égypte. Vous devez compter, général, sur tous les efforts dont je suis capable pour renverser les obstacles, et me rendre auprès de vous aussi promptement que je le pourrai. Néanmoins il m'est impossible de vous préciser l'époque de mon arrivée ; et comme il n'y a rien de moins certain que le résultat d'un combat naval, ni même que je réussisse à attaquer l'ennemi avant sa réunion complète, je dois vous engager, citoyen général, à ne prendre les dernières mesures pour l'embarquement de votre armée que lorsque vous serez prévenu par des frégates que je vous détacherai, sitôt après l'événement, de l'arrivée prochaine de l'armée navale. Croyez, citoyen général, que ce sera pour moi le plus beau jour, et pour la brave armée que je commande un jour de gloire et de bonheur, que celui

où elle pourra rendre à la patrie les héros qui l'ont tant illustrée. Agréez mes salutations fraternelles et respec

tueuses.

"

Signé E. BRUIX.

» P. S. J'ai promis au Grec qui vous remettra cette lettre que vous lui feriez un présent de cinq cents louis. Je pense, citoyen général, que, malgré l'énormité de cette somme, vous n'hésiterez pas à la lui donner. »

La lettre de Bruix ne parvint point à Bonaparte, les dépêches qu'il reçut en Syrie et au Kaire provenaient de sa famille. La mort du colonel Phelippeaux, enlevé par la peste dans les murs de Saint-Jean-d'Acre ne lui fut annoncée qu'après la levée du siége. Cet événement eût peut-être modifié ses résolutions '.

Lorsque, d'une part, la flotte britannique rangeait les côtes de l'Espagne, de l'Égypte et de la Syrie, la flotte russo-turque parcourait l'Adriatique et menaçait le port d'Ancône; Souwarow continuait sa marche triomphale, l'archiduc Charles nous resserrait dans nos frontières rhénanes, et l'Autriche plantait ses aigles sur le Saint-Gothard, malgré la brillante résistance de Masséna. L'entrée de Sieyès au palais du Luxembourg, qui eut lieu

peu de jours avant le 30 prairial, fut le signal d'un rapprochement soudain entre l'opposition jacobine et l'opposition constitutionnelle; le gouvernement en retira

1 La vie intime de Napoléon ler est surtout remarquable par la coincidence de certains faits et de certains événements. La signature de Phelippeaux et celle de Buonaparte se trouvent dans le 4e volume d'une édition de Bezout qui fut à leur usage commun lorsqu'ils étaient au collège de Brienne, livre qui nous fut communiqué de la manière la plus obligeante par le vénérable M. Marcel, ancien directeur de l'imprimerie impériale. Ainsi, dans le même livre, ces deux antagonistes, alors étroitement unis, puisaient les moyens de se combattre plus tard.

quelque vigueur à l'égard des mesures urgentes que mais son existence individuelle s'en

réclamait la guerre, affaissa davantage.

« Je ne connaissais l'orateur du tiers état que par sa renommée, dit Lucien Bonaparte', je m'empressai de le voir et de l'entendre; je le vis ässidûment, et je conçus pour lui une si haute estime, que j'espérais le salut présent de la République, et son amélioration législative pour l'avenir, si un tel homme pouvait entraîner ses collègues dans sa voie. Après quelques entretiens, je fus tout à lui. Ce que je sentais depuis plusieurs mois devint une vérité sans nuages. L'équilibre entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, mal assis l'un et l'autre dans la constitution de l'an III, nous restait à conquérir... Malheureusement les anciens directeurs, envieux de leur nouveau collègue, au lieu de l'aider, trouvaient un grand plaisir à le contrarier... Nous décidâmes alors de renouveler le Directoire sans délai, et nous résolumes de commencer par une attaque individuelle, qui ne sortait pas de l'ordre légal. Treilhard, l'un des directeurs, avait été nommé avant qu'il se fût écoulé une année depuis sa sortie du Corps législatif. On convint de se servir de ce prétexte de forme pour renvoyer Treilhard, et donner à Sieyès un collègue qui partageât ses opinions. Nous arrêtâmes notre choix sur un député des Anciens, RogerDucos; et l'attaque contre le gouvernement, un moment assoupie, recommença avec plus d'ensemble; cette fois elle était combinée dans les deux conseils : elle frappa progressivement et à coups sûrs. »

La discussion ouverte aux Cinq-Cents sur la liberté de la presse, que le Directoire voulait continuer à restreindre, devint un champ d'attaque contre lui; pour 1 Mémoires cités, p. 266–267.

le livrer désarmé aux traits de ses ennemis, on le priva de la surveillance préventive des journaux ; puis les deux conseils s'étant déclarés en permanence, l'élection de Treilhard fut annulée, et Gohier, ex-ministre de la justice, membre du conseil des Anciens, le remplaça. Ce n'était point assez encore dans une philippique puissante, remplie de mouvements passionnés, Bertrand du Calvados somma les trois membres de l'ancien Directoire d'abandonner leur siége; Boulay de la Meurthe accusa nominativement Merlin et la Réveillère; de concert avec Jourdan, il fit élire une commission de onze membres chargée de présenter les mesures qu'exigeaient les circonstances. Lucien Bonaparte, Boulay de la Meurthe, Bergoing, Français de Nantes, Talot, Pétiet, Joubert de l'Hérault, Quirot, Poullain-Grandpré, Augereau, Jourdan composèrent cette commission. « Nous étions à peine nommés, dit Lucien, que les démissions des directeurs Merlin et la Réveillère nous furent apportées. Le conseil forma de suite deux listes décuples pour les deux places vacantes; le général Moulins et l'ami de Sieyès RogerDucos complétèrent le nouveau gouvernement. Barras, parmi les anciens directeurs, fut le seul conservé. » Ainsi une simple menace d'accusation avait vaincu la résistance des directeurs démissionnaires.

Rapporteur de la commission des onze, Lucien Bonaparte peignait avec énergie les erreurs et les fautes du pouvoir déchu. « Une carrière nouvelle s'ouvre devant nous, disait-il; le Directoire de la République renaît à une plus brillante destinée; le Corps législatif, en reprenant la première place de l'État, secondera de toute sa puissance les efforts bien dirigés de l'administration publique; une concorde inaltérable nous assurera de nouveaux triomphes; des mains habi

tuées à vaincre vont ressaisir le glaive du commandement, et le faisceau républicain va retrouver la force qu'il n'eût jamais dû perdre. Que toute inquiétude cesse donc aujourd'hui; livrons-nous avec confiance aux idées grandes, ardentes et généreuses qui faisaient palpiter nos cœurs aux premiers jours de la révolution. Le royalisme a pu concevoir quelques espérances: elles seront trompeuses; il va les perdre pour toujours à l'aspect de notre concorde et de notre énergie. Les changements que vous avez accomplis sont peu éclatants, mais ils. auront leur place dans l'histoire et leur influence en Europe. Ils n'ont pas coûté de sang; ils n'ont pas fait verser de larmes ; le mouvement de l'opinion les a produits sans secousse. Ils rendront la force à notre pacte social, et ils trouveront leur consécration dans l'assentiment unanime de tous les amis de la République. Votre commission vous propose d'attendre en permanence le message du nouveau Directoire. » Ce message, qui arriva tardivement, força la commission des onze à conserver plus qu'elle ne l'aurait dû le pouvoir extraordinaire dont elle était investie, et déjà d'injustes attaques s'élevaient contre elle lorsqu'elle se déclara dissoute. Ainsi finit la révolution du 30 prairial. Elle a quelque ressemblance avec celle de 1830, car l'une et l'autre furent opérées par le Corps législatif, et changèrent violemment le pouvoir exécutif « mais, dit Lucien Bonaparte, elles ont produit deux gouvernements sans droit positif, puisqu'ils ne furent pas confirmés par la votation libre et universelle de la nation; et la chute du Directoire au 18 brumaire fut légitime, faute d'une puissance de fait et de droit. » La royauté de juillet ne mérita pas moins de s'écrouler en février 1848 dans son origine se trouvaient les raisons de sa chute.

« ÖncekiDevam »