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leurs embrassements les membres d'un grand roi sorti de l'onde régénératrice. Il nous semblait le voir lui-même incliner sous leurs mains bénissantes une tête redoutée des nations, prêter à l'onction du chrême la longue chevelure nourrie sous le casque, et échanger la cuirasse des combats pour les vêtements blancs du baptême. O le plus florissant des rois ! cette robe blanche, n'en doutez pas, ne fera que mieux endurcir vos membres pour supporter le poids des armes. Votre sainteté fera désormais pour vous plus que votre haute fortune n'a encore réalisé. Je voudrais joindre à mes éloges quelques paroles d'exhortation. Mais il ne reste rien à vous apprendre de la science du salut, rien à recommander à une docicilité qui va d'elle-même au-devant des préceptes. Parlerais-je de la foi, au chrétien qui vient d'être confirmé dans la perfection de la foi? de l'humilité, à un roi qui nous en a donné l'exemple même avant le baptême ? de la clémence, à un vainqueur dont un peuple de captifs rendus soudain à la liberté annonce la miséricorde à Dieu et aux hommes par des larmes de joie et de reconnaissance? Je ne puis former qu'un seul vœu pour vous, grand prince, c'est que, non content de conquérir à Jésus-Christ votre nation tout entière, vous puissiez étendre ce bienfait aux peuples encore idolâtres de la Germanie. Ne dédaignez point de leur envoyer à ce sujet des ambassadeurs, et de contribuer à l'extension du règne d'un Dieu qui a tant glorifié le vôtre. Tout retentit de vos triomphes. Vos sujets ne sont pas les seuls à y prendre part. Votre prospérité nous touche nous-mêmes, et nous sommes réellement vainqueurs toutes les fois que vous combattez 1. » Cette lettre de saint Avit détermine d'une manière précise le jour où Clovis fut baptisé, c'est-à-dire la fête de Noël de l'an 496. Comme le baptême solennel se conférait à cette époque de préférence le samedi saint, Hincmar et d'après lui nos chroniqueurs nationaux avaient cru pouvoir suppléer au silence de Grégoire de Tours et de Frédégaire sur ce point, en fixant à la solennité pascale de l'an 497 cet événement d'une si haute importance pour les destinées de la nation française. La tradition populaire s'était montrée plus fidèle à la réalité de l'histoire, quand 1 S. Avit. Vienn., Epist. XLI; Patr. lat., tom. LIX, col. 257-259.

elle adoptait pour cri de joie l'acclamation monarchique: Noël! Noël! Saint Avit, dont nous venons de citer les nobles paroles, avait eu pour aïeul l'empereur arverne Avitus. Il était fils du sénateur Hesychius, qui fut lui-même élevé sur le siége épiscopal de Vienne à la mort de saint Mamert. Après le court pontificat d'Hesychius, les suffrages du clergé et du peuple appelèrent le fils à succéder au père. Avit joignait à l'illustration de la naissance celles du talent et de la sainteté. Nous le verrons bientôt devenir le Remi des Burgondes et convertir ce peuple arien à la foi catholique. Outre une correspondance étendue et intéressante, il nous reste de saint Avit cinq poëmes historiques sur la création, la chute de l'homme, son expulsion du paradis terrestre, le déluge, le passage de la mer Rouge et enfin un éloge en vers de la virginité. Les trois premiers forment une épopée complète qu'on pourrait appeler le Paradis perdu, et qui révèlent un véritable génie poétique 1.

Le joueur de harpe ita

à Théodoric par Clovis. Lettre de

à Boèce.

19. Le baptême de Clovis fut signalé par la liberté rendue aux captifs de Tolbiac. Cet incident, mentionné dans la lettre de saint lien demandé Avit, a laissé une trace dans les négociations de Théodoric le Grand. Ce prince se préoccupait du sort des Alamanni vaincus. Quel- Théodoric ques-uns d'entre eux s'étaient réfugiés sur les frontières d'Italie et invoquaient sa protection. Il craignait des représailles sanglantes et des vengeances malheureusement trop communes chez les races barbares. Clovis lui avait fait demander un joueur de harpe capable de charmer les oreilles des Francs, durant les festins où l'on chantait la gloire des guerriers et les exploits des ancêtres. L'Italie était la terre classique des arts. Théodoric profita de cette occasion pour faire entendre à son terrible beau-frère des conseils de modération et de sagesse. Il fallait d'abord trouver un artiste. Théodoric confia ce soin au patrice Boèce. Nous avons encore la lettre qu'il lui adressa à ce sujet. « Le roi des Francs, dit-il, a entendu vanter la musique de nos festins. Il me demande instamment un joueur de harpe. Je lui ai promis de le satisfaire, et je compte sur vous pour cela. Votre érudition vraiment universelle ne dédaigne pas la science musicale. Votre génie considère la musique comme un

1

1 S. Avit. Vienn., Opera omnia; Patr. lat., t. LIX, col. 192 et sqq.

écho de l'harmonie des mondes. Merveilleuse puissance d'une langue qui, avec cinq tons pleins, sait exprimer tous les sentiments! C'est ainsi que la miséricorde divine, en répandant la beauté sur tous ses ouvrages, a su les renfermer dans les lois d'une simplicité toujours féconde. Depuis Orphée jusqu'aux sirènes d'Ulysse, toute l'antiquité a célébré la puissance de la musique. Mais, pour imiter le sage roi d'Ithaque et fermer nos oreilles à ces fables, nous aimons à parler du divin Psalterium véritablement tombé du ciel, dont les chants répétés dans tout l'univers furent composés pour le salut des âmes, pour calmer les fureurs d'un roi insensé et pour célébrer les louanges du Dieu très-haut. Voilà le véritable prodige que le monde admire et croit, c'est que la harpe de David mettait en fuite le démon et commandait aux puissances du mal. Trois fois, au son de cette harpe, le roi Saül recouvra la plénitude de son esprit honteusement obsédé par l'ennemi intérieur. Les païens ont exprimé à leur manière que la musique est un don du ciel, quand ils ont placé la Lyre au nombre des constellations célestes. Ils faisaient de l'harmonie un des éléments de la félicité des héros, dans les Champs-Elysées. Heureux s'ils eussent reporté la cause de la béatitude céleste non à des sons impuissants, mais au Créateur luimême, dans le sein de Dieu, là où règne la joie sans fin, l'éternité sans monotonie, la vision divine source intarissable d'un bonheur toujours nouveau ! C'est en Dieu seul qu'est la véritable immortalité, la seule joie parfaite; de même que sans lui nulle créature ne subsiste, aucune ne saurait être heureuse sans lui. Mais c'est trop m'écarter de mon sujet. Quel que soit le plaisir que j'éprouve à m'entretenir de ces graves pensées avec un homme si compétent, je termine ma digression et recommande de nouveau à votre sagesse le choix d'un joueur de harpe. Il aura chez les Francs une mission qui ne manque pas d'analogie avec celle d'Orphée, s'il peut adoucir par ses chants le cœur farouche d'une nation païenne 1. » Nous avons pris plaisir à citer cette lettre de

1 Cassiodor., Variarum, lib. II; Epist. XL; Patr. lat., tom. LXIX, col. 570-573, pass. Voici le texte des passages de la missive royale dont nous avons donné la traduction : Cum rex Francorum, convivii nostri fama pellectus, a nobis citha

Théodoric au patrice Boèce, en un temps où il est de mode de soutenir que Boèce, dont le nom a été inscrit au catalogue des saints, vécut et mourut dans le paganisme. De bonne foi, si le chancelier de Théodoric, Cassiodore, qui rédigea cette lettre au nom de son maître, l'eût adressée à un païen, est-ce là le langage qu'il lui aurait tenu? Quoi qu'il en soit, le joueur de harpe destiné au roi des Francs se mit en route quelques semaines après la bataille de Tolbiac. Ce ne fut pas ce nouvel Orphée qui subjugua « le cœur farouche des païens » nos aïeux. Le baptême de Clovis était résolu et vraisemblablement accompli avant son arrivée.

20. Théodoric l'ignorait encore. Voici la lettre que ses ambassadeurs portaient à son royal beau-frère, en même temps qu'ils conduisaient dans les Gaules le chanteur italien. « L'alliance que j'ai contractée avec vous m'est aussi chère que glorieuse. Je me félicite des nouveaux triomphes que la généreuse nation des Francs vient

rædum magnis precibus expetiisset, sola ratione complendum esse promisimus quod te eruditionis musicæ peritum esse noveramus. Adjacet enim vobis doctum eligere, qui disciplinam ipsam in arduo collocatam poluistis attingere. Quid enim illa præstantius, quæ cœli machinam sonora dulcedine, et naturæ convenientiam ubique dispersam, virtutis suæ gratia comprehendit?... Hoc totum inter homines quinque tonis agitur... Miseratio quippe divina localiter sparsit gratiam, dum omnia sua valde fecit esse laudanda... Hinc Orpheus mutis animalibus efficaciter imperavit... Sirenas in miraculum cantasse curiosa prodit antiquitas, quibus solus Ithacus evasit... Verum ut et nos talia exemplo sapientis Ithaci transeamus, loquamur de illo lapso e cœlo Psalterio, quod vir toto orbe cantabilis ita modulatum pro animæ sospitate composuit ut his hymnis et mentis vulnera sanarentur et Divinitatis singularis gratia conquiratur. En quod sæculum miretur et credat : pepulit Davidica lyra diabolum; sonus spiritibus imperavit; et canente cithara ter rex in libertatem redüt quam internus inimicus turpiter possidebat... Persuadentes cœlestem esse musicam, quando lyræ formam comprehendere potuerunt inter sidera collocatam... Dicunt enim debere credi ut beatitudo cœlestis illius oblectationibus perfruatur... Bene quidem arbitrati, si causam cœlestis beatitudinis non in sonis sed in Creatore posuissent: ubi veraciter sine fine gaudium est, sine aliquo tædio manens semper æternitas; et inspectio sola Divinitatis efficit ut beatius nihil esse possit. Hæc veraciter perennitatem præstat, hæc jucunditates accumulat : et sicut præter ipsam creatura non exstat, ita sine ipsa incommutabilem lætitiam habere non prævalet. Sed quoniam nobis facta est voluptuosa digressio (quia semper gratum est de doctrina colloqui cum peritis), citharædum, quem a nobis diximus postulatum, sapientia vestra eligat præsenti tempore meliorem : facturus aliquid Orphei cum dulci sono gentilium fera corda domuerit.

Lettre de Théodoric à Clovis,

après la bataille de

Tolbiac.

de remporter sous vos ordres contre les Alamanni. Leur rébellion a été comprimée par votre main victorieuse. Je comprends la nécessité de punir les auteurs de cette révolte, mais vous n'oublierez pas que la modération est la plus belle prérogative de la victoire. Épargnez donc les restes dispersés de ce peuple. Il en est qui se sont réfugiés sur mon territoire; ils invoquent ma protection, faites-leur grâce. Votre triomphe est vraiment mémorable. Les Alamanni, jusque-là indomptés, en sont réduits à vous demander à genoux de leur laisser la vie. Qu'il vous suffise d'avoir en un seul combat vu périr leur roi et anéantir leur armée; qu'il vous suffise d'avoir fait passer par le fer ou réduit en servitude toute leur nation. Croyez-en mon expérience; les guerres qui m'ont été le plus profitables sont celles où j'ai montré le plus de clémence. Celui-là seul vaincra toujours qui saura rester dans un juste tempérament. Une rigueur excessive éloigne les caresses de la prospérité. Laissez-vous toucher, je vous prie, par mes conseils; les autres rois de l'Occident m'ont souvent donné ce témoignage de confiance. En cédant à mes prières, vous pouvez, de votre côté, avoir la certitude que je ne manquerai pas d'agir dans vos intérêts. Les ambassadeurs que j'envoie à votre excellence vous entretiendront plus en détail. Votre prospérité fait notre gloire; chacun de vos progrès est un triomphe pour l'Italie. Le joueur de harpe que vous avez témoigné le désir d'avoir à votre cour accompagne mes envoyés. Puisse-t-il, par sa voix et sa mélodie, obtenir quelque succès près de vous, en chantant vos exploits ! » Le conseil de Théodoric ne fut pas moins goûté que son chanteur. L'Italie avait alors le privilége d'étonner le monde barbare par ses productions merveilleuses. Pendant que Clovis demandait à Théodoric un joueur de harpe, Gondebaud sollicitait une de ces horloges hydrauliques que savait fabriquer Boèce. Le patrice romain, héritier de la science d'Archimède aussi bien que de celle d'Aristote, d'Euclide ou d'Orphée, se prêtait à tout ce qu'on exigeait de son talent. « C'est ainsi, lui disait Théodoric, que les nations étrangères com

1 Cassiodor., Variarum, lib. II, Epist. XLI; Patr. lat., tom. LXIX, col. 574.

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