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CHAPITRE II.

Organisation du monastère.

L'œuvre de l'abbé Ithier restait incomplète. Si les bâtiments étaient achevés et le monastère doté, il n'y avait pas encore d'habitants. Le nouvel établissement avait été recommandé au Pape Adrien Ier; mais la mort inopinée du Pontife laissa la lettre sans réponse. Charlemagne, qui avait pris la maison de Cormery sous sa protection, fit de nouvelles instances auprès de Léon III. Il chargea l'abbé Angilbert, son envoyé à Rome, d'entretenir le Pape du monastère de Saint-Paul (1). Nous ignorons le résultat de cette négociation (2).

Charlemagne, personne ne l'ignore, avait entrepris de régénérer son vaste empire, et pour le succès de ce grand dessein il comptait beaucoup sur la culture de l'esprit et la diffusion des sciences. La théorie du progrès n'est pas neuve. L'Empereur embrassa ce projet avec passion et le poursuivit avec persévérance. Alcuin fut l'instrument principal de cette Renaissance qui jeta d'abord le plus vif éclat et s'éteignit bientôt au milieu des désordres, suite inévitable de l'invasion étrangère. Alcuin ne s'épargna guère à l'exécution de sa noble tâche.

(1) Migne, Patrol. lat., tom. XCVIII, col. 909.

(2) Alcuin, ép. 66 et 69 (Migne, Patrol. Lat., t. c, col. 235 et 238), écrit à ce sujet à Arnon, évêque de Salzbourg, qui se trouvait en Italie dans l'année 797.

Jamais homme, peut-être, n'exerça sur une nation et sur une époque une influence plus prononcée. Quand la vieillesse commença de refroidir sa première ardeur, il voulut quitter la cour, se débarrasser du souci des affaires et se préparer à la mort. Alcuin était diacre; malgré la dissipation trop ordinaire dans le palais des souverains, il vécut constamment selon la régularité la plus exemplaire. Un nouveau rôle allait être réservé à son zèle éclairé. L'Empereur ne voulut pas contrarier le désir de son précepteur; mais, pour utiliser ses vertus et ses talents, il le destina à la réformation des monastères. Alcuin avait exprimé plus d'une fois le vœu de terminer sa carrière près du tombeau de saint Martin, dans les exercices de la vie monastique. La mort de l'abbé Ithier avait enlevé le dernier obstacle à l'accomplissement de cette pensée. Alcuin fut donc nommé abbé de Saint-Martin de Tours, en 796. Cet événement eut les conséquences le plus heureuses pour notre pays. Le succès dépassa toutes les espérances. La régularité ne tarda pas à refleurir daus cette illustre abbaye, et sous les arceaux paisibles du cloître s'ouvrit une école fameuse.

Ce n'est pas ici le lieu de rappeler la gloire de l'école de Saint-Martin de Tours, fréquentée par tous les beaux esprits du temps (1). Encore moins nommerons-nous les disciples célèbres d'Alcuin; nous ferons exception seulement en faveur de Fridegise, précepteur des princesses de la famille impériale, que nous verrons bien

(1) Vid. Comment. Frobenii, de vita, B. Albini seu Alcuini, cap. x. B. Alcuini discipuli magis celebres in schola Turonensi. Migne, Patrol. lat., t. c, col. 64.

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tôt paraître dans notre récit. Le premier soin du nouvel abbé de Saint-Martin fut d'obtenir de Charlemagne une charte de confirmation de tous les titres, priviléges, immunités et donations que possédait l'abbaye (1). Il s'occupa ensuite du monastère de Cormery.

En 800, Charlemagne convoqua dans la ville de Tours les principaux seigneurs de ses États, et de leur consentement il procéda au partage de ses provinces entre ses trois fils, Charles, Pépin et Louis. Le souverain était alors occupé des plus graves affaires. Il partait pour Rome, où il devait être couronné solennellement par le Pape en qualité d'Empereur. Son séjour se prolongea plus qu'il n'aurait voulu par suite de la maladie de Liutgarde, sa femme, qui mourut à Tours, le 4 juin, et fut ensevelie à Saint-Martin. Quelques jours après, le 10 et le 11 juin, il concéda deux diplômes, à la demande d'Alcuin, concernant le monastère de Cormery. Le successeur de l'abbé Ithier n'avait pas mis en oubli la prière du fondateur, suppliant l'héritier de ses dignités de continuer et de perfectionner l'œuvre qu'il avait inaugurée.

Dans le premier acte, Charlemagne accorde l'autorisation d'établir à Cormery des moines soumis à la règle de saint Benoît. Il veut que le nouveau monastère reste à perpétuité sous la dépendance des abbés de SaintMartin, sans que jamais personne puisse le distraire de ce puissant patronage; en sorte que les bénédictins de Cormery aient droit à l'avenir à la protection et même à

(1) Le diplôme de Charlemagne, daté de Laon, est de l'année 796, suivant les uns, et seulement de l'année 800, suivant les autres. Ibid. col. 68.

des secours de toute nature de la part de l'opulente abbaye de Tours. Il assure en même temps aux moines de Saint-Paul la jouissance paisible de tous les biens légués par l'abbé Ithier, et de ceux que voudront leur donner Alcuin et d'autres dévots personnages. La déclaration royale, il faut en convenir, s'appuie sur un considérant assez étrange. Le monarque proclame que par la grâce de Dieu, il est le maître de donner à qui bon lui semble les propriétés du monastère de Saint-Martin (1). C'était alors le droit du souverain; mais nous sommes déjà loin du temps où Clovis condamnait à mort un soldat, qui, malgré sa défense, avait pris de l'herbe sur le domaine de Saint-Martin. Il ajoute toutefois qu'il ne saurait en faire un meilleur emploi, qu'en attribuant une parcelle des mêmes biens aux usages du monastère de Cormery. Plus d'un propriétaire aujourd'hui n'accepterait volontiers les raisonnements du monarque; mais les sujets ne raisonnaient guère en ce temps-là.

pas

Le prince cependant ne se contenta pas d'être généreux du bien d'autrui; il voulut faire des largesses personnelles. En conséquence, le 11 juin, il accorda la seconde charte, en vertu de laquelle il donne aux bénédictins de Cormery et à leurs gens l'autorisation d'avoir deux bateaux à leur service sur la Loire, la Mayenne et la Sarthe, le Loir et la Vienne, sans être soumis à payer un impôt quelconque. Il les exempte notamment des droits de douane, de gabelle: teloneum, ripaticum, salutaticum, portaticum. Le fisc a toujours eu

(1) Op. cit., col. 992.

Cartulaire de Cormery, p. 7 et 9.

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Il est bien difficile d'admettre qu'à la fin du vir° siècle, il y eut à la fois des chanoines et des moines à SaintMartin, quoique Raoul Monsnier, dans son Histoire inédite de l'insigne église de Saint-Martin de Tours (1) attribue à cette époque la transformation de l'abbaye en Collégiale. Les récits d'Alcuin, les diplômes émanés de Charlemagne et de Louis-le-Débonnaire, et d'autres actes authentiques démontrent, comme l'a mis en lumière le docte Mabillon, que le clergé de Saint-Martin appartenait encore à l'ordre monastique.

Quoiqu'il en soit, Alcuin installa lui-même les bénédictins à Cormery et leur prodigua toute sorte d'attentions. L'auteur anonyme de la vie d'Alcuin nous a conservé un trait qui montre la tendresse qu'il leur portait. Il nous apprend que l'abbé de Saint-Martin fut obligé de poursuivre des gens qu'il avait chargés de conduire du vin pour la consolation des frères de Cormery, dit naïvement l'historien (2). Ces gens, dont la race s'est perpétuée jusqu'à nos jours, s'étaient amusés, chemin faisant, à boire le vin des moines, et ils avaient espéré cacher entièrement leur fraude grâce à une abondante addition d'eau.

Alcuin avoue à plusieurs reprises qu'il se plaisait beaucoup en Touraine. Il aimait la douceur du climat, la variété des fruits et le caractère des habitants. En une seule circonstance il se plaint des Tourangeaux : cum Turonica quotidie pugno rusticitate; il s'agissait

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(1) Ce précieux mss. en 2 vol. in-fol. est déposé à la Bibliothèque municipale de Tours.

(2) Cap. xi, num. 20.

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