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mandement qui suspendroit l'action morale de tant de milliers d'hommes, quand une voix brutale auroit crié à l'intelligence, repos, fixe, ou silence? Ainsi la plus nombreuse Église seroit constamment en paix! Mais réjouissons-nous d'avoir surpris une intention religieuse, une impression assez profondément sentie, qui ne peut désormais être indifférente au Saint Père, et qui, sans doute, fit entrer de suaves consolations dans ce cœur si bon, si résigné, qui vouloit toujours aimer, qui savoit attendre, et qui avoit lu, dans l'histoire sacrée, que Dieu touche de temps en temps les caractères obstinés, avant de les ramener complètement à lui.

Les cardinaux et les prélats de la suite du Pape prenoient une part sincère à la joie de Sa Sainteté : quoi qu'on en ait dit, il ne fut proféré aucune plainte des refus si clairs que l'on venoit d'essuyer. Le Pape continuoit de visiter les églises, de bénir ceux qui s'agenouilloient devant lui et ceux qui croyoient devoir lui refuser cet hommage: il voyoit à ses pieds, du même œil de bonté, M. de Lalande, que l'on n'entendoit plus se glorifier du nom d'athée, et ces matrones pieuses qui avoient secouru la religion et ses ministres dans les malheurs de l'Église. En même temps une semaine ne succédoit pas à une autre, qu'il ne sollicitât la faculté de retourner à Rome. Cette permission ne devoit lui être accordée que lorsqu'il auroit encore résisté à la demande la

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plus amère, sans doute, qu'il pût entendre de la bouche d'un Français. Le Pape n'a jamais voulu dire quel fut le grand officier qui un jour lui parla d'habiter Avignon, d'accepter un palais papal à l'archevêché de Paris, et de laisser établir un quartier privilégié, comme à Constantinople, où le corps diplomatique accrédité près l'autorité pontificale, auroit le droit exclusif de résider les premiers mots insinués plutôt qu'adressés directement, puis répétés à des alentours, à des confidens, à des Français amis du Saint Siége, donnèrent à supposer que l'on vouloit retenir le Pape en France. Ces mots funestes n'étoient pas prononcés par Napoléon, mais il avoit à Paris une telle puissance sur la pensée et sur la parole, qu'il n'étoit pas possible qu'on les eût hasardés sans sa permission. Le corps diplomatique, à Rome, s'en entretenoit ; j'avois l'innocence de n'y pas croire, cependant on les répétoit avec une telle assurance que le Pape crut devoir faire une réponse devant le même grand officier: « On a répandu qu'on pourroit nous retenir en France; eh bien! qu'on nous enlève la liberté tout est prévu. Avant de partir de Rome nous avons signé une abdication régulière, valable, si nous sommes jeté en prison; l'acte est hors de la portée du pouvoir des Français; le cardinal Pignatelli en est dépositaire à Palerme, et quand on aura signifié les projets qu'on médite, il ne vous restera plus entre les

mains qu'un moine misérable qui s'appellera Barnabé Chiaramonti. » Le soir même, les ordres de départ furent mis sous les yeux de l'empereur, et l'on n'attendit plus que les convenances raisonnables de la saison, et du temps nécessaire pour commander les relais avec plus d'intelligence qu'on ne l'avoit fait lors de l'arrivée du Pape.

Rome étoit exactement informée de ce qui se passoit à Paris. Les ministres étrangers résidant en France écrivoient à leur cour tous les moindres détails qui concernoient le retour plus ou moins contesté du Pape. Les cabinets instruisoient leurs agens près le Saint Siége: en outre, par Lyon, des lettres de commerce parvenoient à Livourne, d'où on les envoyoit à Rome. Par ces dernières lettres, les prélats écrivoient régulièrement à leurs amis; et Rome, entre ses perplexités à Paris et ses retranchemens à Palerme, attendoit quelle seroit la décision du dominateur de la France.

Le cardinal Consalvi cherchoit à distraire les Romains de leurs préoccupations. Plusieurs maisons distinguées donnoient des réunions splendides. Ces familles avoient fait un accueil honorable à la baronne de Staël, qui voyageoit alors dans la péninsule. Ce fut au sein de ces sociétés, à la suite de ses entretiens avec les personnages les plus recommandables dans les sciences et dans les lettres, qu'elle conçut la pre

mière idée d'un bel ouvrage ; et comme il arrive souvent que la situation la plus ordinaire peut amener l'imagination à une pensée grande et solennelle, ce fut la réception de la baronne dans le corps littéraire bien modeste de l'Arcadie, qui créa la description d'un sublime triomphe au Capitole. Madame la baronne étoit accompagnée de plusieurs hommes qui sont devenus célèbres ou qui l'étoient déjà; M. Simonde de Sismondi et M. Frédéric Schlegel. M. le cardinal Consalvi avoit le premier donné le signal de l'obligeance et des soins, pour que madame de Staël fût traitée avec une grande distinction (1). Quand

(1) Madame de Staël dit à Rome une foule de mots heureux. Quelques-uns cependant furent peut-être un peu imprudens. Dès le premier jour de son arrivée, elle avoit déclaré qu'elle entendoit grouper autour d'elle comme pour sa propre cour, toutes les diverses personnes qui composoient le corps diplomatique; les ministres et les secrétaires recherchoient avec empressement une société aussi agréable. Les courses d'antiquités étoient comme des fêtes, où la grace de l'esprit, les saillies de la gaîté faisoient taire la froide archéologie, et interrompoient les explications de mon grave ami l'abbé Féa, tout à ses arcs, à ses coJonnes et à ses temples. Le chevalier de Lebzeltern, secrétaire de légation d'Autriche, le prince Koslowsky et le chevalier de Souza qui remplissoient les mêmes fonctions à la légation de Russic et à l'ambassade de Portugal, ne se montroient pas les moins assidus sur les pas de madame la baronne. J'étois souvent retenu chez moi par d'importantes affaires, et il me paroissoit convenable d'éviter les occasions d'entendre demander quand nous restituerions le Pape, le souverain du pays. Ce système de retraite et de prudence me valut un billet ainsi conçu : « J'en ai >> fini avec Naples, mais je veux parler de Rome. Il y a à Naples un am>>bassadeur de France que personne ne veut voir, et à Rome un chargé >> d'affaires de France qui ne veut voir personne ; je serai chez moi ce >> soir et demain avec un petit nombre d'amis. » Le petit nombre d'amis que je trouvai, s'élevoit à plus de quarante personnes entassées dans une mauvaise salle, et jusque dans l'antichambre d'une auberge.

elle partit de Rome, cette dame bienfaisante envoya au curé de la paroisse de son auberge, une forte somme en or, destinée à être distribuée aux pauvres.

Les fêtes de Pâques furent célébrées comme si le Pape eût été présent; mais ces cérémonies

Un jour madame de Staël me dit : « De quel pays suis-je pour vous autres ambassadeurs? à quelle nation me donnez-vous? » Je cherchai quelque temps une réponse. « Mais, madame, suivant les livres de droit public, nous vous considérons comme une femme de qualité de la cour de Suède; vous n'êtes plus Suisse ; je ne vous connois pas de liens qui vous aient encore constituée Française. Il y a mieux, si vous vculez; vous êtes madame de Staël, une des puissances de la littérature de presque tous les pays : voilà pourquoi les ministres ici reçoivent vos ordres. >> Un jour à un bal de M. de Khevenhuller, ce ministre en montrant M. Dupaty, sculpteur, de l'école des beaux arts, qui dansoit avec beaucoup d'élégance, disoit : « Madame, les Français sont la première nation pour la danse. »> « M. le comte, reprit madame de Staël, la danse est un bien agréable délassement de la victoire. >> M. de Khévenhuller ne méritoit en rien une telle réponse; c'étoit un homme d'esprit et réservé, qui n'avoit voulu dire qu'une chose toute simple et reconnue. Plus loin M. Demidoff s'avança pour parler de Paris qu'il aimoit beaucoup, et il en fit un éloge si pompeux que madame de Staël l'écoutoit avec plaisir. A toutes ces louanges elle finit par pondre : « Oui, mais il faut que je ne voie plus tout cela que de quarante lieues, on me propose de perfectionner mon français à Blois. >> Elle faisoit allusion à la permission qu'on alloit lui accorder de ne pas approcher de Paris au-delà de Blois. Dans ses conversations elle saisit toutes les occasions de parler avec enthousiasme de M. de Chateaubriand. Quand madame de Staël partit, elle emporta, je ne sais pourquoi, des préventions contre les Italiens. Un de ses compagnons de voyage lui parloit mal de l'Italie, et le second ne paroissoit la défendre qu'en partie, et, disoit la baronne en riant, seulement pour l'honneur de la désinence du noble nom de Sismondi. Je représentai qu'il falloit un peu attendre avant de décider que les Italiens étoient une masse d'hommes, et ne formoient pas une nation; que cette Italie, quand madame la Baronne seroit éloignée, lui apparoîtroit ce qu'elle étoit en effet, et qu'il y avoit plus de bon sens, et de chance de succès littéraire, à bien parler de l'Italie, qu'à la maudire. Madame de Staël à son retour a publié Corinno.

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