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L'INVENTION DE RODOLPHE DIESEL

Au témoignage de James Watt, «de toutes les choses de la vie, il n'en est point de plus folle, que de faire des inventions » : cet aveu, tombé des lèvres du plus grand et du plus heureux inventeur des temps modernes, de celui qui créa la machine à vapeur et mourut à l'âge de 83 ans, riche et illustre, laissant derrière lui une œuvre capitale et un nom glorieux, serait de nature à décourager les initiatives les plus fécondes et les laborieux efforts de ceux qui conçoivent et mettent à exécution des idées nouvelles. C'est en effet un rude métier que celui de l'inventeur : découvrir un phénomène inconnu, est une faveur souvent gratuite de la Providence; créer un engin qui n'existait pas est, au contraire, une œuvre de patiente recherche et de lutte prolongée, que le succès ne couronne pas toujours, quels que soient le génie et le labeur dépensés, et dont les contrefacteurs audacieux et sans pudeur recueillent trop souvent le bénéfice le plus clair et le plus substantiel.

Aussi n'est-il rien de plus curieux et en même temps de plus attachant que l'histoire d'une invention: la recherche de sa genèse, l'analyse de son évolution, le tableau des mécomptes subis, des détresses traversées et des difficultés vaincues avant d'aboutir au résultat longuement poursuivi, voilà les éléments d'un récit dont la logique captive l'esprit et dont les péripéties mouvementées possèdent un charme prenant, égal souvent à celui d'un roman; il possède l'avantage de

n'être pas œuvre d'imagination, d'avoir été vécu sous nos yeux et de porter l'empreinte d'une saisissante réalité.

L'œuvre de Rodolphe Diesel tentera certainement un jour la plume d'un écrivain je ne veux tracer ici qu'une esquisse rapide de cette vie d'ingénieur, consacrée au travail, récompensée par un véritable triomphe et terminée par une fin tragique.

Pas n'est besoin d'être mécanicien, ni physicien, pour prendre intérêt à la naissance et au développement du fameux moteur à pétrole, à combustion entièrement interne, qui a éclipsé le chef-d'oeuvre de Watt en triplant son rendement, c'est-à-dire en développant une puissance trois fois plus grande par unité de chaleur dépensée.

Diesel a raconté lui-même, dans une conférence donnée en novembre 1912 (1), comment lui est venue l'idée, au demeurant assez banale, dont il devait tirer un si merveilleux profit. Élève au Politechnikum de Munich, en 1878, il suivait le cours de thermodynamique du professeur Linde: celui-ci ayant exposé que, dans le cycle de Carnot, tout le calorique fourni par le foyer, suivant l'isotherme supérieure, est porté au réfrigérant en produisant le maximum de travail, son jeune auditeur inscrivit en marge de son cahier de notes ces mots, qu'il se plaisait à y retrouver plus tard : « Studieren, ob es nicht möglich ist, die Isotherme praktisch zu verwirklichen »; chercher s'il n'est pas possible de réaliser pratiquement une isotherme? Cette préoccupation hanta son esprit, et elle s'y fixa; devenu représentant à Paris des constructeurs allemands de machines frigorifiques, il rumina longuement son

(1) Die Entstehung des Dieselmotors, conférence faite à l'assemblée de la Schiffbautechnische Gesellschaft à Berlin, le 22 novembre 1912.

projet de jeunesse, en cherchant à développer le bagage thermodynamique qu'il avait emporté de l'Université. Les occupations de sa vie de vendeur de machines ne lui firent pas perdre de vue son premier dessein, mais l'étude et la réflexion mûrirent son projet et le transformèrent. L'étudiant pouvait ignorer, mais l'ingénieur apprit plus tard, que la réalisation d'une isotherme supérieure était obtenue depuis longtemps dans la machine à vapeur; en période d'admission et en marche à pleine pression, la vapeur afflue de la chaudière au cylindre sans perdre de pression, si les canalisations sont suffisantes, et elle pousse le piston devant elle en conservant même pression, et par suite même température; le diagramme trace une droite parallèle à l'axe des volumes, qui est à la fois isobare et isotherme. Dans un autre domaine, Siemens avait imaginé un moteur à gaz à combustion, dans lequel un mélange de gaz et d'air, comprimé préalablement, venait s'enflammer progressivement au contact d'un fil métallique rougi par le passage d'un courant électrique; son brevet a été pris en 1881. Simon avait suivi la même voie, dans son moteur mixte à gaz et à vapeur, et Brayton obtenait un résultat analogue en injectant du pétrole dans l'air surcomprimé, renfermé dans la culasse d'un cylindre moteur, pourvu d'un appareil d'allumage (1). Ces diverses machines avaient fonctionné dans l'industrie d'une manière satisfaisante assurément, mais elles n'y avaient pas conquis la place prééminente qu'elles auraient dû y occuper.

Tel fut encore le sort d'un autre moteur, auquel il a manqué peu de chose pour réussir je veux parler du moteur Gardie, qui eut son heure de grande célébrité et fit concevoir à un moment donné les plus hautes

(1) Witz. Traité théorique et pratique des moteurs à gaz ; première édition, Paris 1886; pages 27, 115, 126, 227, etc.

espérances. Gardie avait pris un premier brevet en 1863, alors qu'il commençait ses études de médecine à Montpellier; mais ce ne fut guère qu'en 1883 que, reniant Galien et Hippocrate, il put s'adonner à la réalisation de son rêve de jeunesse. On construisit un premier moteur dans un petit atelier de construction. nantais, trop mal outillé pour un travail aussi délicat ; plusieurs années furent perdues en tâtonnements infructueux, et l'inventeur mourut, en 1890, sans avoir obtenu les résultats que son génie lui avait fait entrevoir. Sa machine était aussi à combustion; elle marchait aux gaz pauvres, avec régénération. Le gazogène était soufflé avec de l'air à 8 kilogr. de pression: il produisait un gaz combustible sous même pression, qui se mêlait à de l'air comprimé en entrant dans le cylindre moteur, et y brûlait progressivement sous pression constante (1). Cette machine était rationnelle et sa disposition présentait de très ingénieux détails; mais les encombrants compresseurs dont elle était embarrassée, et qui possédaient d'ailleurs un mauvais rendement, absorbaient une notable proportion de la puissance développée; l'exécution des mécanismes était d'autre part défectueuse; l'idée du maître fut mal comprise et mal appliquée; bref, elle tomba dans une mauvaise terre et le grain ne germa pas.

Ce qui manquait en général à tous ces moteurs à combustion, c'était une compression suffisante. Et pourtant la théorie était formelle à cet égard, et elle avait établi que le rendement de cette classe de machines croissait avec le degré de compression préalable (2). Mais ce n'était pas tout de le dire: il fallait trouver le moyen de le faire; s'il y a loin de la

(1) Witz. Traité des moteurs à gaz, troisième édition, Paris, 1895, tome II, page 23.

(2) Cf. Études sur les moteurs à gaz tonnants, par A. Witz; ANNALES DE CHIMIE ET DE PHYSIQUE, 3o série, tome XXX, 1883.

coupe aux lèvres, il y a plus de distance encore entre les indications d'une théorie et leur réalisation pratique.

C'est à Diesel qu'est échu le mérite d'avoir imaginé et construit le premier moteur à combustion à très haute compression.

Comment et par quel chemin a-t-il été conduit à ce brillant résultat? Il serait assez malaisé de le dire, car les confidences de sa conférence sont peu explicites sur ce point.

Il raconte que, familiarisé avec les propriétés du gaz ammoniac, mis en œuvre dans les machines à glace de Linde, dont il avait la représentation, il considéra ce gaz comme une vapeur surchauffée, et qu'il entreprit de construire un moteur à ammoniaque : cette tentative ne lui donna que des déceptions et il dévora en essais les économies qu'il avait péniblement amassées. Il est permis de croire cependant que cette école lui fut profitable, car elle lui démontra la possibilité de l'utilisation pratique des très hautes pressions, que les mécaniciens n'osaient aborder jusque-là dans les moteurs.

C'est en 1892, dans un opuscule célèbre auquel l'éditeur a mis la date de 1893 (1), que notre illustre inventeur exposa les considérations théoriques sur lesquelles il se fondait pour déclarer que les moteurs à air chaud et à gaz tonnants mettaient en œuvre des principes erronés, et qu'il ne fallait en attendre aucune amélioration, conduisant à des résultats plus favorables, aussi longtemps qu'on appliquerait ces principes ». Il formulait des lois nouvelles et présentait un type de machine conçu d'après ces données, qui devaient d'après

(1) R. Diesel. Theorie und Konstruction eines rationellen Warmemotors zum Ersatz der Dampfmaschinen und der heute bekannten Verbrennungsmotoren; Berlin, Julius Springer, 1893.

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