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LES

HYPOTHESES COSMOGONIQUES

Lorsque les agitations, les tourments ou les joies de notre existence créent le mal, si connu, de l'hypertrophie du moi, enflent trop notre personnage, ou le dépriment trop, combien n'est-il pas salutaire, pour guérir ce malaise à base d'égoïsme, de contempler la Nature, ou d'embrasser, d'un regard, le firmament ?

Notre moi se distend, s'apaise, en présence de l'Univers, surtout si nous avons la sagesse de découvrir, par l'esprit et par le coeur, sous le magnifique balancement des mondes, sous la puissante et uniforme régularité des mouvements, Dieu, qui n'est pas seulement l'incomparable horloger traçant, à chaque atome, son orbite, mais qui est aussi le Roi du monde moral, la Bonté, l'Amour, le Souverain Bien.

Cette belle voûte illuminée que la Providence a placée sous nos yeux, nous pouvons la regarder, dans un sentiment confus de paix, de béatitude, dans un mouvement de sympathie admirative, anéantis, comme pétrifiés par une impression d'ordre, de puissance calme, nette...

Nous pouvons aussi regarder le sol que nous foulons, les astres lointains qui scintillent, non plus en hommes, en artistes, mais en savants, avec toute notre curiosité intellectuelle.

Cette curiosité engendre les Cosmogonies, les sys

tèmes du monde, petite science conjecturale, aujourd'hui, demain, peut-être, science plus précise.

Le dernier livre de M. Poincaré a pour titre : Hypothèses Cosmogoniques (1). Ouvrons ce beau livre et cela nous suggérera, peut-être, quelques réflexions.

Hypothèse de Kant. A l'origine, d'après Kant, l'espace est rempli par un chaos uniforme matériel, dont les particules s'attirent suivant la loi de Newton. Kant trouve, sans doute, plus philosophique de faire partir son chaos du repos absolu, et ceci est en désaccord avec notre Mécanique.

Il se forme des condensations, dans la nébuleuse, et ce sont le Soleil et les planètes. Parmi les planètes, pourquoi Saturne est-elle la seule possédant un anneau? C'est, dit Kant, parce que sa densité est faible et sa rotation très rapide. L'explication des comètes est confuse; elles devraient toujours tourner dans le même sens que les planètes. Tout cela est nuageux et fort peu satisfaisant. Avant Laplace, nous ne trouvons aucune cosmogonie faisant figure de théorie scientifique.

Hypothèse de Laplace. - Laplace, ayant un esprit plus positif, plus scientifique, ne s'occupe que du Monde Solaire et non point de toute la Voie Lactée. La nébuleuse de Laplace est un nuage gazeux dont les particules, à l'origine, possèdent une rotation uniforme.

Au centre, une masse fluide, Soleil à moitié formé. Autour de ce Soleil, des anneaux tournent, et ces anneaux formeront les planètes. Bien naturellement, c'est l'anneau de Saturne qui impose à Laplace cette conception. Quant aux comètes, ce sont, pour Laplace, des vagabonds qui courent d'un système solaire à un autre, ce qui expliquerait les mouvements rétrogrades.

(1) 2o édition, 1913, chez Hermann, Paris.

IIIe SÉRIE. T. XXV.

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Mais il faudrait des orbites hyperboliques, et c'est une difficulté. Laplace explique comment la Lune tourne toujours vers nous le même hémisphère, à cause de l'égalité entre la durée de révolution sidérale et la durée de rotation sur elle-même.

L'hypothèse de Laplace est, d'après Poincaré, la moins mauvaise de toutes. Roche en a fait une analyse ingénieuse et savante. Il construit les courbes de niveau (1) correspondant aux hypothèses de Laplace et trouve les points où la force centrifuge balance exactement la gravité. Le lieu de ces points va constituer un anneau. Ces calculs supposent essentiellement une forte condensation centrale, permettant de négliger les actions mutuelles des molécules de l'atmosphère.

On n'aura, d'ailleurs, une série discrète d'anneaux que si le refroidissement n'a pas été uniforme (2), et, au contraire, si la rotation de la nébuleuse est presque uniforme.

Poincaré a étudié les conditions de stabilité d'un anneau fluide. A l'origine, une certaine inégalité est vérifiée, d'où résulte la stabilité (3), puis l'anneau, nstable, se rompt en plusieurs masses pouvant donner une planète unique.

Laplace ne peut expliquer la rotation directe de la plupart des planètes, mais une excellente explication serait fournie par des marées internes considérables, accompagnées de frottements. Un anneau engendre donc une nébuleuse planétaire, d'où sortent la planète et des anneaux; ces anneaux seront les satellites (4). Nous ne sommes pas au bout de nos peines : la Lune est un satellite exceptionnel. Roche se tire d'embarras

(1) Poincaré, page 16. (2) Poincaré, page 25. (3) Poincaré, page 49. (4) Poincaré, page 52.

en regardant l'ensemble Terre-Lune comme une planète double. Et l'anneau de Saturne, pourquoi est-il resté « anneau »? Cela tiendrait, d'après Roche, à ce que le rayon de l'anneau de Saturne est moindre que deux fois et demie le rayon de la planète (1).

Autour de Jupiter et de Saturne, on a découvert des satellites à révolution rétrograde qui eussent bien embarrassé Laplace, mais lorsque les hypothèses sont nécessairement invérifiables, on peut être assuré qu'il n'en manquera point, pour sauver les situations les plus critiques...

Hypothèse de Faye. L'espace est rempli par un chaos rare de corps animés d'une translation rapide et d'une giration lente, de sorte que les anneaux se forment à l'intérieur de la nébuleuse, tandis que ceux de Laplace se forment à l'extérieur. Comme pour Laplace, les planètes proviennent de la rupture des anneaux instables, mais Faye ne rend pas bien compte de la faiblesse des excentricités et des inclinaisons de ces anneaux. D'après Faye, la loi d'attraction aurait varie, étant d'abord Ar (r étant la distance de deux molécules), puis ar+ enfin la loi Newtonienne Et alors la Terre serait plus vieille que Jupiter, que

le Soleil.

b

B

La théorie de Faye ne vaut pas celle de Laplace (2), aussi n'insistons-nous pas.

Ce

Hypothèse de M. le Vicomte du Ligondes. n'est plus la nébuleuse de Laplace, ni celle de Faye,

(1) Poincaré, page 64.

(2) Rappelons que Mercure et Vénus n'ont pas de satellite. La terre en a 1; Mars en a 2; Jupiter en a 6; Saturne en a 10 (dont un à mouvement rétrograde); Uranus 4 et Neptune 1 (à mouvement retrograde). Cette indication doit, peut-être, être modifiée aujourd'hui, la photographie faisant faire des découvertes fréquentes en Astronomie.

mais l'idée de Kant avec, en plus, le mouvement. Nous avons d'abord un chaos extrêmement rare d'éléments soumis à l'attraction mutuelle, sans aucune loi pour les vitesses, c'est-à-dire que la loi sera celle des grands nombres.

C'est un fait, dûment constaté, qu'une très grosse société d'assurances a un tant pour cent de décès à peu près fixe, d'autant plus fixe qu'elle a plus d'assurés.

Il est connu, de même, qu'un très grand magasin a un tant pour cent de vols à peu près constant, d'autant plus constant que le chiffre d'affaires est plus gros.

Au Tir aux pigeons, à condition que les épreuves se chiffrent par dizaines de mille, on est certain qu'environ cinquante pour cent des pigeons sont tués et la proportion serait à peu près de soixante-quinze pour cent, avec des tireurs choisis, lauréats de concours.

En un mot, sur un nombre immense d'observations de faits semblables, il s'établit des moyennes constantes les écarts dans un sens et dans l'autre se compensent, lorsque le nombre des cas augmente infiniment. Telle est l'origine du Calcul des Probabilités, où chaque auteur formule ses hypothèses, à son gré, mais de façon à retomber toujours sur ce fait des moyennes constantes (1). Le Colonel du Ligondès fait usage de ces notions de statistique et c'est là une idée originale.

Son chaos durerait indéfiniment s'il ne se produisait aucun choc, mais les chocs entraînent des condensations

(1) Voir, par exemple, la Théorie des Probabilités par Émile Borel (1909) et les Leçons sur le Calcul des Probabilités par M. R. de Montessus (1908). La marche n'est pas la même. On peut définir d'abord l'écart relatif A (Borel, page 46). Soient n épreuves, soit p la probabilité du cas favorable, soit q la probabilité du cas défavorable. Sı λ demeure fini, le rapport entre le nombre des cas favorables et le nombre des cas défavorables tend vers p q lorsque n devient infini (Borel, page 60). Telle est la forme que l'on peut donner à la loi des grands nombres. La valeur objective du Calcul des Probabilités est, d'ailleurs, diversement appréciée. Voir le Discours de P. Mansion, Académie royale de Belgique, 16 déc. 1903.

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