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Museum de la statue de l'illustre moine et la célébration d'une cérémonie que l'on appela son « septième centenaire >>.

De nombreux représentants de différentes nations s'y trouvèrent réunis pour rendre hommage au grand travailleur, à l'écrivain fécond, au vaillant promoteur de la science expérimentale dont M. Duhem inscrivait, au frontispice de son ouvrage sur Le système du monde, cette judicieuse sentence: nunquam in aliqua ætate inventa fuit aliqua scientia, sed a principio Mundi paulatim crevit sapientia, et adhuc non est completa in hac vita (1).

On n'a conservé, semble-t-il, aucun trait caractéristique de la physionomie physique de Bacon; dans la statue inaugurée le 10 juin, écrit la NATURE, l'artiste, M. Hope Pinker, s'est efforcé de traduire, dans les traits du visage, une expression de vivacité, de finesse, de combativité, qualités qu'il serait difficile de dénier au héros de la fète. Un sourire discret anime la figure et provoque l'impression d'une bonhomie un peu dédaigneuse : elle sied à l'homme qui prétendait enseigner le grec à n'importe qui, en trois jours, et qui volontiers « eût jeté au feu toutes les traductions d'Aristote» très médiocres d'ailleurs et fort incomplètes à cette époque: «Si enim haberem potestatem super libros Aristotelis, ego facerem omnes cremari ». Ce n'est pas au philosophe qu'il en veut; si, ne l'ayant pas toujours compris, il s'en est écarté parfois en des points essentiels, il n'a cessé de lui vouer grande estime et d'invoquer son autorité. C'est le latin dont on l'a affublé qui l'horripile.

Dans le discours qui précéda l'inauguration de la statue, Sir Archibald Geikie, P. R. S. célébra en Roger Bacon le pionnier de la méthode scientifique expérimentale. Abandonnant, dit-il, les subtilités dialectiques de l'Ecole de son temps, il s'efforça de concentrer toute son attention sur les choses plutôt que sur les mots. Il ouvrit la voie à cette conception nouvelle de la science qui en fait l'étude inductive de la Nature basée sur l'expérience et contrôlée par elle. Il serait, sans doute, plus exact de dire que les abords de cette voie étaient ouverts et fréquentés; et que le très réel mérite de Bacon fut d'y entrer avec une belle ardeur, qui eût pu être moins belliqueuse. Mais un discours académique n'a pas toujours toute la rigueur d'une page d'histoire.

(1) Compendium studii, cap. V.

Ce qui en est le contre-pied, ce sont ces déclamations creuses d'écrivains en mal de copie, qui nous montrent Roger Bacon proclamant, en vain et à ses dépens, les droits et les vrais principes de la Science, dans le désert de l'ignorance générale.

Bacon a disserté sur les sources de l'ignorance de ses contemporains ils s'appuient, dit-il, sur des autorités insuffisantes ; ils cèdent à la routine; ils se confient à l'opinion aveugle des masses; ils prétendent savoir quand ils ignorent. - Ces sources d'erreur ont coulé dans tous les temps; ceux-là dont nous parlons s'y abreuvent aujourd'hui. Elles n'ont pas empêché le XIIIe siècle d'être l'un des plus glorieux, des plus intellectuellement actifs, des plus féconds en grands hommes. C'est assez, pour la gloire de Bacon, de prendre rang parmi eux, bien qu'il les ait traités trop souvent en parents pauvres.

L'importance qu'il attachait aux études positives, son culte pour la science, la direction expérimentale qu'il préconisa en philosophie, son zèle pour l'observation, son érudition, que sa connaissance des langues lui permit d'étendre aux auteurs grecs et arabes, en ont fait l'un de ces savants que les recherches historiques de M. Duhem nous ont révélés, au xur et au XIVe siècle, comme les précurseurs de la science moderne il se trouve là en excellente compagnie (1).

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Ses contemporains lui furent-ils véritablement hostiles? Nous n'avons d'autres raisons de le penser que ce qu'en dit Bacon lui-même dans des passages de ces écrits où il juge de très haut les institutions et les hommes de son temps, et que gåtent manifestement ses intempérances de langage. Il est très possible qu'il n'ait pas compté beaucoup d'amis; mais faut-il en incriminer ses travaux scientifiques? Il est certain qu'ils lui

(1) Dans l'Opus tertium, Bacon nous donne un aperçu de ce que lui ont coûté, depuis 20 ans, ses études expérimentales et ses observations, « in studio sapientiae » : citons ceci : « ... Oportuit plus quam sexaginta libras Parisienses effundi pro hoc negotio » Cap. III; «plus quam duo milia librarum ego posui in his », et il spécifie : « propter libros secretos et experientias varias et linguas et instrumenta et tabulas, et alia, tum ad inquirendum amicitias sapientum, tum propter instruendos adjutores in linguis, in figuris, in numeris, et tabulis et instrumentis et multis aliis. >> Cap. XVII. Bacon écrivait cela en 1267, alors que, au dire des écrivains dont nous parlons, il venait d'être soustrait, par Clément IV, aux persécutions de ses supérieurs qui, depuis 10 ans, l'empêchaient d'écrire, d'enseigner, d'entretenir des relations au dehors. Pour un moine mendiant et reclus, le budget était de taille et les occupations nombreuses.

valurent au moins l'amitié et la protection de Clément IV; nous en parlerons plus loin.

Mais que dire de ses supérieurs? N'est-il pas établi par le témoignage même de Bacon qu'ils furent imbus à son égard des préjugés les plus malveillants qui lui ont valu, de leur part, d'iniques persécutions?

Il est certain qu'à deux époques de sa vie, vers 1257 et en 1278, Bacon eut, avec ses supérieurs, de graves conflits. Il rappelle le premier, et avec amertume, dans l'Opus tertium, mais il ne nous dit rien de précis sur les causes de ces conflits. La Constitutio gravis dont il parle au chapitre II de l'Opus tertium était une défense portée par un chapitre général de son ordre et à un fin générale, visant en gros les écrits sur la physique ou les sciences naturelles et, en particulier, les écrits sur la magie, l'astrologie judiciaire, l'alchimie, superstitions ou erreurs grossières qui étaient alors trop en faveur. Il était donc interdit de communiquer, en dehors de l'ordre, les livres traitant de ces matières et dus à des plumes franciscaines, et la peine qui devait frapper la désobéissance était la confiscation de l'écrit et le jeûne au pain et à l'eau pendant plusieurs jours (1) ».

Bacon aurait donc enfreint deux fois cette Constitution. Mais rien ne prouve que l'homme de science fût ici en cause; au moins, en 1278, c'est l'astrologue convaincu et impétueux qu'était Bacon que la vraisemblance accuse.

Si le Speculum astronomie, longtemps attribué à Albert le grand, est bien de Bacon, c'est dans ce pamphlet, écrit pour la défense de l'astrologie et opposé à la condamnation portée par l'évêque de Paris, Étienne Tempier, en collaboration avec divers membres de la Faculté de Théologie, le 7 mars 1277, qu'il faut chercher la cause du conflit (2).

Encore la Constitutio gravis lui fut-elle, les deux fois, rigoureusement appliquée? Bien plus, Bacon n'eut-il pas, par deux fois, et pendant dix ans et douze ans, à subir l'emprisonnement, l'interdiction d'écrire, d'enseigner, de communiquer avec ses amis?

On l'a dit et très souvent répété. M. P. Feret (3) a étudié cette

(1) P. Feret, Les emprisonnements de Roger Bacon; dans la REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES, 26° année, nouvelle série, t. VI, t. L de la collection, pp. 124-125.

(2) Le P. Mandonnet, Roger Bacon et le Speculum Astronomiæ (1277); dans la REVUE Néo-ScolastiquE, dix-septième année, 1910, pp. 312-395. (3) Art. cité de la REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES, t. L. de la collection, pp. 119-142.

question des emprisonnements de Bacon, de leur durée et de leur rigueur, du point de vue strictement historique, avec une loyauté, une érudition et une compétence qui dispensent d'y revenir; voici sa conclusion: «Chateaubriand a parlé quelque part de vieux mensonges historiques qui deviennent des vérités à force d'ètre redits (1) ». Les fameux emprisonnements de Roger Bacon nous paraissent rentrer, l'un complètement, l'autre en très grande partie, dans cette catégorie de mensonges historiques. Mais il appartient à l'étude sincère des faits et des documents de les contraindre à cesser d'être des vérités ».

Et c'est ainsi que Bacon est devenu « un martyr de la science »; c'est à cela qu'il doit pas mal d'articles passionnés, dont les auteurs ne se soucieraient ni de sa personne, ni de ses travaux, s'ils ne trouvaient là l'occasion d'alimenter leurs polémiques.

Après le discours de sir Archibald Geikie, Lord Curzon, en sa qualité de Chancelier, reçut la statue au nom de l'Université d'Oxford. Son discours met en un relief un peu poussé, les traits caractéristiques du génie de son héros. Il énumére les diverses branches du savoir étudiées par Bacon, énumération qui embrasse non seulement tout ce que nous entendons aujourd'hui par sciences physiques et beaucoup d'autres, mais aussi la philosophie morale, l'économie politique, etc. Le Chancelier fit voir que Bacon ne les avait pas parcourues en simple dilettante, en guise de passc-temps aux jours de fète; mais qu'elles furent de sa part l'objet d'une étude approfondie. C'est avec un accent d'ardente conviction, dit-il, qu'il mit en lumière les liens essentiels de dépendance qui les unissent entre elles.

Après la cérémonie de l'inauguration de la statue, l'orateur public de l'Université, M. A. D. Godley, de Magdalen College, lut une adresse où, en d'élégantes périodes latines, il rendit hommage à l'activité intrépide que mit Bacon à accomplir son euvre. Se tournant vers la statue Soyez le bienvenu, Frère Bacon, à votre retour à Oxford, dit-il, vous voyez ici le fruit de vos labeurs. Votre effigie avait sa place marquée dans ce sanctuaire de la science où se trouve réalisé aujourd'hui l'objet de vos aspirations. Que votre esprit demeure en nous toujours et partout; qu'il garde nos intelligences de l'erreur, qu'il nous fortifie et nous confirme dans la poursuite de la vérité.

La cérémonie s'acheva par la lecture de deux adresses, l'une

(1) Étude hist.

du Professeur James Ward, au nom de l'Université de Cambridge, l'autre du R. P. David Fleming, représentant le Ministre-Général de l'Ordre des Franciscains.

Au lunch qui fut donné par Merton College, sous la présidence du Warden, le bibliothécaire de la Bodléienne rappela les encouragements que Roger Bacon reçut du Pape Clément IV.

C'est peut-être, pendant qu'il était légat du Saint-Siège, en Angleterre, de 1263 à 1265, que le Cardinal Guy de Foulques, d'origine française et grand ami des sciences, connut Bacon, apprécia ses travaux et s'intéressa aux réformes qu'il préconisait dans les études ecclésiastiques, l'enseignement de l'écriture sainte et la prédication.

Devenu pape sous le nom de Clément IV, en 1265, l'ancien légat fit remettre à son protégé une lettre datée du 23 juin 1266, dans laquelle se lisent ces lignes « Nous vous mandons et enjoignons telle est notre volonté - par rescrit apostolique, de nous adresser le plus tôt possible, nonobstant toute défense de n'importe quel prélat et toute Constitution de votre ordre, l'ouvrage que, établi dans un moindre office, nous vous avions prié de remettre à notre cher fils Raymond de Laon. Vous n'oublierez pas de nous indiquer par une missive les moyens à employer pour remédier à cette triste situation que vous nous avez fait connaître, et cela sans retard et en tenant la chose aussi secrète que vous pourrez ».

Bacon s'était donc recommandé à la bienveillance du pape. Cette lettre si amicale et si pressante lui donna de nouvelles ardeurs au travail.

Pour y satisfaire, il écrivit l'Opus majus, son œuvre principale, qui fut portée au Saint Père par Jean de Paris ou Jean de Londres, le disciple préféré de l'auteur. Bientôt après, craignant que les graves occupations du Pontife ne lui laissent pas le temps de lire un aussi fort volume, il lui en adresse une sorte de résumé, l'Opus minus et, la même année, l'Opus tertium qui devait être, pour les deux ouvrages précédents, ce que le second avait été pour le premier, à la fois un résumé et un complément. C'est dans l'Opus tertium qu'il faut chercher les plus précieux renseignements sur la biographie de Bacon.

Clément IV mourut le 29 novembre 1268. Trois années seulement d'un règne très encombré d'affaires politiques ne lui ont pas permis de tirer parti des idées de Bacon sur la réforme des

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