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Beeckmann, les Gassendi, n'est pas une création; l'intelligence moderne ne l'a pas produite de prime saut et de toutes pièces dès que la lecture d'Archimède lui eut révélé l'art d'appliquer la géométrie aux effets naturels. L'habileté mathématique acquise dans le commerce des géomètres de l'antiquité, Galilée et ses contemporains en ont usé pour préciser et développer une Science mécanique dont le Moyen Age chrétien avait posé les principes et formulé les propositions les plus essentielles. Cette Mécanique, les physiciens qui enseignaient au XIe siècle à l'Université de Paris l'avaient conçue en prenant l'observation pour guide; ils l'avaient substituée à la Dynamique d'Aristote convaincue d'impuissance à sauver les phénomènes. Au temps de la Renaissance l'archaïsme superstitieux où se complaisaient également le bel esprit des Humanistes et la routine averroïste d'une Scolastique rétrograde, repoussa cette doctrine des « modernes ». La réaction fut puissante, particulièrement en Italie, contre la Dynamique des Parisiens, en faveur de l'inadmissible Dynamique du Stagirite. Mais, en dépit de cette résistance tètue, la tradition parisienne trouva, hors des écoles aussi bien que dans les Universités, des maitres et des savants pour la maintenir et la développer. C'est de cette tradition parisienne que Galilée et ses émules furent les héritiers. Lorsque nous voyons la science d'un Galilée triompher du péripatétisme buté d'un Cremonini, nous croyons, mal informés de l'histoire de la pensée humaine, que nous assistons à la victoire de la jeune Science moderne sur la Philosophie médiévale, obstinée dans son psittacisme; en vérité nous contemplons le triomphe, longuement préparé, de la science qui est née à Paris au XIVe siècle, sur les doctrines d'Aristote et d'Averroes, remises en honneur par la Renaissance italienne. »>

Tout mouvement exige un moteur; il faut l'accorder. Mais Aristote va beaucoup plus loin. D'après lui, nul mouvement ne peut durer s'il n'est entretenu par l'action continue d'une force motrice directement et immédiatement appliquée au mobile. Soit une flèche, par exemple, qui continue de voler après avoir quitté l'are. Conformément à son principe, le Stagirite veut qu'il existe une force extérieure et permanente qui la transporte. Cette force, il la trouve dans l'air ébranlé; c'est l'air frappé par la main ou par la machine balistique, qui soutient et entretient le mouvement du projectile.

« Cette hypothèse, dit M. Duhem, qui nous semble pousser l'invraisemblance jusqu'au ridicule, paraît avoir été admise

presque à l'unanimité par les physiciens de l'antiquité; un seul d'entre eux s'est clairement prononcé contre elle, et celui-là que le temps place aux dernières années de la Philosophie grecque, se trouve, par sa foi chrétienne, presque séparé de cette Philosophie; nous avons nommé Jean d'Alexandrie surnommé Philopon. Après avoir montré ce qu'a d'inadmissible la théorie péripatéticienne du mouvement des projectiles, Jean Philopon déclare que la flèche continue de se mouvoir sans qu'aucun moteur lui soit appliqué, parce que la corde de l'arc y a engendré une énergie qui joue le rôle de vertu motrice. »

Ni les derniers penseurs grecs, ni les Arabes, ni le Moyen Age chrétien ne prêtèrent attention à la doctrine de Jean Philopon.

«Saint Thomas d'Aquin ne la mentionne que pour mettre en garde contre elle ceux qu'elle pourrait séduire. Mais, à la suite de la condamnation portée, en 1277, par l'évèque de Paris, Étienne Tempier, contre une foule de thèses que soutenaient « Aristote el ceux de sa suite », voici qu'un grand mouvement se dessine qui va libérer la pensée chrétienne du joug du Péripatétisme et du Néoplatonisme, et produire ce que l'archaïsme de la Renaissance appelait la Science des « Modernes ».

» Guillaume d'Ockam attaque, avec sa vivacité coutumière, la théorie du mouvement des projectiles proposée par Aristote; il se contente d'ailleurs de détruire sans rien édifier; mais ses critiques remettent en honneur, auprès de certains disciples de Duns Scot, la doctrine de Jean Philopon; l'énergie, la vertu motrice dont celui-ci avait parlé, reparait sous le nom d'impetus. Cette hypothèse de l'impetus imprimé dans le projectile par la main ou par la machine qui l'a lancé, un maitre séculier de la Faculté des Arts de Paris, un physicien de génie s'en empare; Jean Buridan la prend, vers le milieu du XIV siècle, pour fondement d'une Dynamique avec laquelle s'accordent tous les phénomènes.

» Le rôle que l'impetus joue, en cette mécanique de Buridan, c'est très exactement celui que Galilée attribue à l'impeto ou momento, Descartes à la quantité de mouvement, Leibniz enfin à la force vive. Si exacte est cette correspondance, que pour exposer, en ses Leçons académiques, la Dynamique de Galilée, Torricelli reprend souvent les raisonnements et presque les paroles de Buridan.

» Get impetus qui demeurerait sans changement au sein du projectile, s'il n'était incessamment détruit par la résistance

du milieu et par l'action de la pesanteur contraire au mouvement, cet impetus, disons-nous, Buridan le prend, à vitesse égale, comme proportionnel à la «quantité de matière première » que le corps renferme. Cette quantité, il la conçoit et la décrit en des termes presque identiques à ceux dont use Newton pour définir la masse. A masse égale, l'impetus est d'autant plus grand que la vitesse est plus grande. Prudemment Buridan s'abstient de préciser davantage la relation qui existe entre la grandeur de l'impetus et celle de la vitesse; plus osés Galilée et Descartes admettent que cette relation se réduit à la proportionnalité; ils obtiendront ainsi de l'impetus de la quantité de mouvement une évaluation erronée que Leibniz devra rectifier.

>> Comme la résistance du milieu, la gravité atténue sans cesse et finit par anéantir l'impetus d'un mobile que l'on a lancé vers le haut, parce qu'un tel mouvement est contraire à la tendance naturelle de cette gravité. Mais, dans un mobile qui tombe, le mouvement est conforme à la tendance de la gravité; aussi l'impetus doit-il aller sans cesse en augmentant, et la vitesse, au cours du mouvement, doit croitre constamment. Telle est, au gré de Buridan, l'explication de l'accélération que l'on observe en la chute d'un grave; accélération que la science d'Aristote connaissait déjà, mais dont les commentateurs hellènes, arabes ou chrétiens du Stagirite avaient donné d'inacceptables raisons.

>> Cette Dynamique exposée par Jean Buridan présente d'une manière purement qualitative, mais toujours exacte, les vérités que les notions de force vive et de travail nous permettent de formuler en langage quantitatif. >>

Les disciples les plus brillants de Buridan, les Albert de Saxe et les Nicolas Oresme, adoptèrent la Dynamique de leur maître et la firent connaitre.

<« Lorsque aucun milieu résistant, lorsque aucune tendance naturelle analogue à la gravité ne s'oppose au mouvement, l'impetus garde une intensité invariable, le mobile auquel on a communiqué un mouvement de translation ou de rotation continue indéfiniment à se mouvoir avec une vitesse invariable. C'est sous cette forme que la loi d'inertie se présente à l'esprit de Buridan; c'est sous cette forme qu'elle sera encore reçue de Galilée. »

De cette loi d'inertie, Buridan tire un corollaire alors bien neuf. Pour Aristote, si les orbes célestes se meuvent éternellement d'une manière constante, c'est que des moteurs intelli

gents séparés de la matière continuent à les mouvoir. Les Scolastiques du xur siècle n'hésitérent pas à recevoir, en leurs systèmes chrétiens, cet héritage des théologies païennes. Or, voici que Buridan a l'audace d'écrire ces lignes:

« Dès la création du monde, Dieu a mù les cieux de mouvements identiques à ceux dont ils se meuvent actuellement; il leur a imprimé alors des impetus par lesquels ils continuent à être mus uniformément ; ces impetus, en effet, ne rencontrant aucune résistance qui leur soit contraire, ne sont jamais ni détruits, ni affaiblis. Selon cette imagination, il n'est pas nécessaire de poser l'existence d'intelligences qui meuvent les corps célestes d'une manière appropriée. »

Cette pensée, dit M. Duhem, Buridan l'énonce en diverses circonstances; Albert de Saxe l'expose à son tour, et Nicolas Oresme, pour la formuler, trouve cette comparaison : « Ercepte la violence, c'est aucunement semblable quand un homme a fait une horloge, et le lesse aller estre meu par soy. »

« Si l'on voulait, par une ligne précise, séparer le règne de la Science antique, du règne de la Science moderne, il la faudrait tracer, croyons-nous, à l'instant où Jean Buridan a conçu cette théorie, à l'instant où l'on a cessé de regarder les astres comme mus par des êtres divins, où l'on a admis que les mouvements célestes et les mouvements sublunaires dépendaient d'une même Mécanique. »

Durant tout le XIV siècle, il se trouva des physiciens pour Soutenir qu'en supposant la terre mobile et le ciel des étoiles fixes immobile, on construirait un système astronomique plus satisfaisant que celui où la terre est supposée stable au centre du monde. Nicolas Oresme, notamment, en développe les raisons avec une clarté, une plénitude, une précision que n'atteindra pas Copernic.

Pendant que l'on fonde la Dynamique, on découvre peu à peu les lois qui régissent la chute des corps. En 1368, Albert de Saxe propose ces deux hypothèses : la vitesse de la chute est proportionnelle au temps écoulé depuis le départ; la vitesse de la chute est proportionnelle au chemin parcouru. Entre ces deux lois il ne fait pas de choix. Le théologien Pierre Tataret, qui enseigne à Paris vers la fin du siècle, reproduit textuellement ce qu'avait dit Albert de Save. Grand lecteur d'Albert de Save, Léonard de Vinci, après avoir admis la seconde de ces deux hypothèses, se rallie à la première; mais il ne parvient pas à découvrir la loi des espaces parcourus par un grave qui

tombe. D'un raisonnement que Baliani reprendra, il conclut que les espaces parcourus en des laps de temps égaux et successifs sont comme la série des nombres entiers, tandis qu'ils sont en vérité comme la série des nombres impairs.

>> On connaissait depuis longtemps, cependant, la règle qui permet d'évaluer l'espace parcouru, en un certain temps, par un mobile mù d'un mouvement uniformément varié ; que cette règle ait été découverte à Paris au temps de Jean Buridan, ou à Oxford au temps de Swineshead, elle se trouve clairement formulée dans l'ouvrage où Nicolas Oresme pose les principes essentiels de la géométrie analytique; de plus, la détermination qui sert à l'y justifier est identique à celle que donnera Galilée. » Du temps de Nicolas Oresme à celui de Léonard de Vinci, cette règle ne fut nullement oubliée. Formulée dans la plupart des traités produits par la Dialectique épineuse d'Oxford, elle se trouve discutée dans les nombreux commentaires dont ces traités ont été l'objet, au commencement du xv siècle, en Italie; puis, dans les divers ouvrages de Physique composés au début du XVI siècle, par la Scolastique parisienne.

>> Aucun des traités dont nous venons de parler n'a, cependant, l'idée d'appliquer cette règle à la chute des corps. Cette idée, nous la rencontrons, pour la première fois, dans les Questions sur la Physique d'Aristote, publiées, en 1545, par Dominique Soto. Élève des Scolastiques parisiens dont il a été l'hôte, et dont il adopte la plupart des théories physiques, le dominicain espagnol Soto admet que la chute des graves est uniformément accélérée; que l'ascension verticale d'un projectile est uniformément retardée; et, pour calculer le chemin parcouru en chacun de ces deux mouvements, il use correctement de la règle formulée par Oresme. C'est dire qu'il connait les lois de la chute des corps dont on attribue la découverte à Galilée. Ces lois, il n'en revendique pas l'invention; bien plutôt il semble les donner comme vérités communément reçues. »

Parmi ceux qui, avant Galilée, ont hérité de la tradition de la Scolastique parisienne, M. Duhem met en première ligne Léonard de Vinci. C'est sur cette considération que se clòt la Préface. Encore une fois, dans un sujet aussi nouveau, je me garderai d'ajouter ou de critiquer quoi que ce soit; mais, pour donner aussi brièvement que possible une idée plus complète et plus précise de l'ouvrage entier, je transcris les titres des divers chapitres avec leurs subdivisions. Le numérotage des chapitres est la suite de celui des tomes I et II.

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