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humaine sur la donnée sensible: ce premier mouvement est une affirmation absolue et inconditionnée d'être, un jugement de réalité au sens illimité du mot. A l'unité encore multiple de l'espace, dans laquelle s'étaient rencontrés l'objet et le sens, l'intelligence superpose sans restriction et sans défiance l'unité supérieure et transcendante de l'être; une fois déclanchée par le signe phénoménal, d'emblée elle va jusqu'au bout de sa course et pose cet « Absolu », cette « Unité » qui est à la fois son mobile et sa fin. Mais il en est de l'intelligence comme de l'enfant dont la conscience vient à peine de s'éveiller : elle doit apprendre, à l'école des désillusions successives, l'art de douter et de ménager ses adhésions. Elle doit apprendre que l'affirmation d'être, qui exprime son mouvement interne, dépasse infiniment en portée le fragment de réalité accroché aux présentations sensibles isolées.

Nous avons vu comment se fait cette éducation du pouvoir d'affirmer; elle repose tout entière sur ces deux lois fondamentales de la pensée : le mouvement primitif et naturel de l'esprit est d'affirmer l'être ; — ce mouvement est arrêté net par la contradiction logique et suspendu par la possibilité entrevue de la contradiction.

Et si l'on voulait chercher la raison profonde de ces lois, peut-être trouverait-on ceci que l'intelligence humaine n'est pas un simple miroir reflétant passivement les objets qui passent à sa portée, mais qu'elle est une activité, orientée dans son fond le plus intime vers un terme bien défini, le seul qui puisse l'absorber complètement, vers l'Etre absolu, le Vrai absolu. L'Absolu a mis sa marque sur la tendance foncière de notre intelligence; aussi bien cette tendance dépasse-t-elle constamment les intellections particulières : l'esprit, par son dynamisme interne, est chassé d'intellection en intellection, d'objet en objet; mais tant qu'il gravite

dans la sphère du fini, en vain s'efforce-t-il d'égaler son mouvement interne, de se reposer dans la plénitude de son acte, d'affirmer l'être purement et simplement. Et cette dénivellation, cette disproportion de la tendance et de l'objet actuel est la condition même du raisonnement, le stimulant de cette « curiosité » toujours insatisfaite, dans laquelle les anciens Scolastiques avaient bien remarqué le principe de toute spéculation.

L'esprit humain est done une faculté en quête de son intuition, c'est-à-dire de l'assimilation avec l'être, avec l'être pur et simple, souverainement un, sans restriction, sans distinction d'essence et d'existence, de possible et de réel (1). Mais ici-bas, au lieu de l'Un, il rencontre le multiple, le fragmentaire. Or, dans l'ordre de la vérité, la multiplicité non réduite des objets suspend l'affirmation et engendre le doute, de même que, dans l'ordre du vouloir, la multiplicité non réduite des fins engendre l'indifférence et suspend l'action. Devant un objet unique, dont rien ne manifesterait la finitude et la multiplicité au moins potentielle, l'intelligence, nous l'avons dit, ne pourrait qu'émettre une affirmation absolue de réalité; mais qu'apparaisse la multiplicité, il faudra d'abord la réduire pour pouvoir en affirmer les éléments; et si la réduction ne se fait que par coordination, ceux-ci ne participeront de la réalité affirméc que dans la mesure où ils participent à la totalité unifiée dont ils font partie. L'affirmation de réalité n'est

(1) Ceci, avec toutes les conséquences qui en découlent, est l'enseignement authentique de S. Thomas. (Cf. par ex. Summa contra Gentes. Lib. III, cap. 37 ad 63). Les chapitres 37 à 40, 50 à 53 sont particulièrement significatifs au point de vue qui nous occupe. Si leur interprétation laissait quelque doute en l'esprit, nous renverrions au Commentaire de François de Ferrare (S. Thomae Aquin., Doct. ang., O. P. De veritate cathol. fidei contra gentiles, cum commentariis Fis Francisci de Sylvestris, Ferrariensis. Parisiis 1643). Nous jugeons superflu d'accumuler ici les références, d'autant plus que la nature de l'intellection dans la philosophie thomiste a été mise en brillante Jumière dans un livre récent, auquel nous ne pouvons mieux faire que renvoyer nos lecteurs: P. Rousselot, L'Intellectualisme de S. Thomas. Paris, 1908.

done autre chose que l'expression de la tendance foncière de l'esprit à s'unifier dans et avec l'Absolu : cette affirmation n'aurait sa pleine valeur que dans l'intuition directe de l'Absolu; elle garde cependant une valeur diminuée et analogique dans son application à tout objet qui met en branle l'activité de l'esprit et se laisse coordonner à la totalité des objets déjà affirmés : les objets sont réels de la façon et dans la mesure où ils convergent vers l'unité totale de l'esprit, ou plutôt, les objets ne sont irréels que de la façon et dans la mesure où ils en divergent.

Nous avons dit plus haut et il est peut-être bon de le rappeler ici que le phénoménisme, méconnaissant la nature active de l'esprit et sa« polarisation » transcendante, échoue à refaire la synthèse de la « croyance » au réel. Mieux inspirée fut la psychologie thomiste, en cherchant au fond même de l'esprit l'élément actif essentiel à cette croyance.

Il nous reste maintenant, pour clore cet article, à esquisser quelques applications des remarques qui précèdent à l'expérience mystique.

(A suivre).

J. M., S. J.

VARIÉTÉ

LE MOUVEMENT BROWNIEN

:

L'étude du mouvement brownien a été reprise récemment par plusieurs physiciens ils cherchent une vérification quantitative de l'explication thermodynamique, purement qualitative, qu'on en a donnée jusqu'ici (1). Notre intention n'est pas d'analyser ces travaux, sur lesquels nous aurons peut-être l'occasion de revenir. Nous voulons simplement rappeler l'attention sur les observations et les vues théoriques qui en sont le point de départ.

«Le très grand intérêt théorique présenté par les phénomènes du mouvement brownien, écrit M. P. Langevin, a été signalé par M. Gouy (2): on doit à ce physicien d'avoir formulé nettement l'hypothèse qui voit dans ce mouvement continuel des particules en suspension dans un fluide un écho de l'agitation thermique moléculaire, et de l'avoir justifiée expérimentalement, au moins de manière qualitative, en montrant la parfaite permanence du mouvement brownien et son indifférence aux actions extérieures lorsque celles-ci ne modifient pas la température du milieu (3). »

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(1) A. Einstein, ANN. D. PHYSIK, 4o série, t. XVII, 1905, p. 549; t. XIX, 1906, p. 371. von Smoluchowski, ANN. D. PHYSIK, 4o série, t. XXI, 1906, p. 756. T. Svedberg, Studien zur Lehre von den kolloïden Lösungen, Upsala, 1907. — P. Langevin, COMPTES RENDUS DE L'ACADÉM. DES SCIENCES, t. CXLVI, 1908, p. 530. Jean Perrin, IBID., t. CXLVI, 1908, p. 967. Victor Henri, IBID., t. CXLVI, p. 1024 et t. CXLVII, 1908, p. 62. — Jacques Duclaux, IBID., t. CXLVII, 1908, p. 131. Jean Perrin, IBID., t. CXLVII, 1908, p. 475. Chaudesaigues, IBID. t. CXLVII, 1908, p. 1044. Voir aussi, dans LA REVUE DU MOIS : Jean Perrin, La Discontinuité de la matière, t. I, p. 323, 10 mars 1906; IBID., Jean Perrin, Peut-on peser un atome avec précision? t. III, p. 513, 10 novembre 1908.

(2) Gouy, JOURNAL DE PHYSIQUE, 2a série, t. VII, 1888, p. 561 ; COMPTES RENDUS, t. CIX, 1889, p. 102.

(3) P. Langevin, COMPTES RENDUS, t. CXLVI, 1908, p. 530.

<< Toute particule située dans un liquide en équilibre, dit M. J. Perrin, s'agite de façon continuelle et parfaitement irrégulière, d'autant plus vivement qu'elle est plus petite (mouvement brownien). On doit à M. Gouy d'avoir montré que cette agitation éternelle est une propriété essentielle des fluides et d'en avoir proposé une explication très séduisante en supposant qu'elle est une conséquence déjà visible des chocs moléculaires qui se produisent irrégulièrement contre la particule (1). »

Ces renseignements sont incomplets. Certes, les observations et l'interprétation du mouvement brownien dues à M. Gouy doivent être citées et nous ne songeons nullement à en amoindrir la valeur. Mais il en existe d'autres, antérieures de plusieurs années, que M. Gouy a ignorées et qui sont trop semblables aux siennes pour ne pas mériter aussi d'être rappelées. C'est ce que nous ferons, après avoir reproduit en entier les deux articles du savant physicien français auxquels renvoient MM. Langevin et Perrin (2).

Voici le premier; il est intitulé Note sur le mouvement brownien, et a été publié dans la livraison de décembre 1888 du JOURNAL DE PHYSIQUE.

« 1. On sait que des particules très petites, en suspension dans un liquide, sont animées d'un mouvement caractéristique, qu'on nomme mouvement brownien, du nom du botaniste Brown qui l'a signalé le premier (1827). Ce phénomène très familier aux micrographes, ne parait pas avoir attiré, autant qu'il le mérite, l'attention des physiciens. Je me propose d'indiquer brièvement ses caractères essentiels, et de montrer combien son étude présente d'intérêt au point de vue de la Physique générale.

>> Ce mouvement se produit toutes les fois que des particules solides, organiques ou autres, se maintiennent en suspension dans un liquide, sans se déposer sur les parois ou s'agréger en flocons. On l'observe aisément avec de la gomme-gutte ou de l'encre de Chine delayée dans de l'eau. La goutte d'eau étant recouverte d'une lamelle, on clôt la préparation avec la paraffine,

(1) J. Perrin, COMPTES RENDUS, t. CXLVI, 1908, pp. 967-968.

(2) M. Gouy a repris plus tard l'exposé des faits et des vues théoriques groupés dans ces deux notes, sans y rien ajouter d'essentiel, dans son discours prononcé à la séance de rentrée de l'Université de Lyon, le 3 novembre 1894, et publié sous ce titre Le mouvement brownien et les mouvements moléculaires, dans la REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, t. VI, no 1, 15 janvier 1895, pp. 1-7.

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