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donner à cet enseignement une forme vivante, le faire pénétrer dans la vie pratique.

Il aimait donc cette carrière du professorat, il l'aimait par goût mais surtout par devoir; il ne s'en dissimulait pas les difficultés, et parfois nous l'entendons s'en plaindre dans ses épanchements intimes avec quelques amis, mais il se relève vite par la pensée de Dieu. « Las! vous le savez, il n'est point de paix pour la gent professorale, elle est maudite comme si elle péchait par métier. Puis encore moins d'amour. Le pauvre cœur tout maladif et endolori, se tourne et retourne sur sa triste couche, sans trouver de main paternelle qui lui serve d'oreiller. Oh! qui nous donnera pax et amor in arduis ! Priez pour vos frères, cher ami, s'ils écrivent peu c'est qu'ils ont trop de choses à dire, et plus le cœur est lourd, plus la main est paresseuse, c'est bizarre et c'est vrai » (1).

Vers ce temps se place son premier voyage à Paris qui fit époque dans sa vie : il s'y trouva seul, un peu désorienté, un peu intimidé tout d'abord. Il est piquant de l'entendre faire lui-même le récit de ses débuts dans la carrière de la paléographie dont il deviendra bientôt un des maîtres les plus éminents: « J'avais eu la bonne pensée d'emporter avec moi quelques méchantes notes sur un bon vieux saint du septième siècle (saint Léger)... J'allai frapper à la porte d'une bibliothèque avec quelques paperasses sous le bras. Je tombai tout ébahi, tout ahuri au milieu d'une salle de rudes travailleurs qui heureusement n'avaient pas le temps de rire de moi, même assez bons pour m'accueillir avec une charitable pitié. On me met entre les mains un in-folio de parchemin écrit au treizième siècle et qu'il me fut impossible de lire au premier coup d'œil. J'épelai toute une journée, le lendemain je faisais un peu mieux, le surlendemain je déchiffrais, et je trouvai deux chroniques neuves, inédites, inconnues depuis Mabillon, deux chroniques qui touchent aux grands faits de l'histoire de France,

(1) Au même, 20 mai 1840.

et qui avaient échappé aux Thierry, aux Michelet, qui ont tant remué, à tous ces travailleurs qui remuaient autour de moi... Je restai cloué sur mes délicieuses chroniques trois semaines, et ce sont mes trois plus agréables semaines de vie... Je vous citerai bien telle rue où je déchiffrai en cheminant un passage qui m'avait échappé, telle autre où je me perdais en menant à fin tel chapitre de mon vieux saint; bref, je fus réellement heureux » (1).

Une société littéraire, archéologique et scientifique venait de se fonder à Autun sous le nom de société éduenne. L'abbé Pitra, avec ses confrères l'abbé Devoucoux et l'abbé Landriot, fut un de ses promoteurs; nous le trouvons président de la section d'histoire naturelle en 1836, et le premier volume des travaux de cette société contient de savantes communications du jeune professeur sur la géologie des environs d'Autun et sur l'histoire de saint Léger et du septième siècle (2).

...

Une dernière citation achèvera de nous faire comprendre la vivacité de ses sentiments; il écrit à un de ses meilleurs amis, dont il suit les premiers pas dans le monde : « Le bon Dieu dans chacune de ses créatures grandes et petites, a mis, je l'avoue, un singulier cachet d'originalité, mais aussi en pétrissant certains cœurs, il s'est surpris à travailler plus d'une fois sur ses réminiscences d'où il est advenu que certaines âmes se sont trouvées sœurs sans avoir vécu dans le même giron ni au même berceau, et pour arriver enfin à notre propos, voilà comme quoi vous et moi, nous nous trouvons un peu frères... Ne sommes-nous pas, selon cette énergique et naïve idée du moyen âge, prise tout entière dans les saints évangiles, ne sommes-nous pas les miettes d'un seul et même pain, broyés et pétris ensemble, unis et collés ensemble? Donc, encore une fois, mon cher ami, et par notre communion de nature et de foi, nous

(1) Lettre à M. l'abbé Mazoyer, non datée; probablement de 1839. Mais le voyage dont il est question est de l'année précédente.

(2) Comptes rendus des travaux de la société éduenne, 1re année, 1836-1837, p. 42 et p. 81.

sommes frères, nous sommes un. Toujours est-il que je voudrais bien quelque chose de plus, la communion de vocation et d'avenir, la communion d'existence, de pensée, d'étude, d'espérances et de désirs » (1).

(1) Lettre à M. A., 1837.

CHAPITRE III

L'INSCRIPTION D'AUTUN

Etude de l'inscription.

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La découverte.
Son importance théolo-
gique et archéologique. Conclusions de l'étude de l'abbé Pitra.
Ses vues sur le symbolisme chrétien. (1839.)

L'abbé Pitra était encore professeur au petit séminaire d'Autun quand un événement se produisit dans son petit cercle littéraire qui vint donner une nouvelle impulsion à ses études et l'aider à pénétrer plus avant dans le mystère de l'antiquité chrétienne.

Les grandes voies romaines qui conduisaient à Augustodunum étaient bordées, comme celles de Rome et de plusieurs autres villes antiques, de monuments funéraires, édicules, stèles ou colonnes rappelant par leurs épitaphes le souvenir du défunt à ceux qui passaient. Le plus célèbre de ces cimetières d'Autun, était situé à quelques cents mètres de la ville sur la via strata qui reliait Autun à Besançon. Il est connu sous le nom de polyandre de l'Estrée ou de Saint-Pierre-l'Etrier (1). C'est dans ce quartier que se fonda, selon toute apparence, la première communauté chrétienne d'Autun, ou du moins c'est là qu'elle eut son cimetière et

(1) Sur ce cimetière et la découverte de l'inscription grecque, cf. le savant ouvrage de M. Gabriel Bulliot, Essai historique sur l'abbaye de Saint-Martin d'Autun, t. I, pp. 48, 393, 401, 413, et aussi Autun et ses monuments, par A. de Charmasse, p. 233.

son premier centre de réunion. On y a trouvé plusieurs épitaphes chrétiennes antiques.

Le 24 juin de l'année 1839, des ouvriers terrassiers découvrirent au milieu de ce cimetière six fragments de marbre, débris d'une vieille inscription chrétienne. L'évêque d'Autun, Mgr du Trousset d'Héricourt, et M. l'abbé Devoucoux, alors son grand vicaire, visitaient ce jour-là même les fouilles du cimetière. Ils firent recueillir avec le plus grand soin les précieux fragments et cherchèrent autour d'eux un archéologue capable de restituer et d'interpréter l'inscription grecque. On jeta naturellement les yeux sur l'abbé Pitra, déjà bien connu par sa science et son goût pour l'archéologie.

Ecoutons-le nous décrire lui-même, bien des années après, l'impression qu'il éprouva à cette nouvelle : « Même au milieu de nos tribulations, vous m'éveillez en sursaut en me parlant de l'inscription d'Autun. Après plus de trente ans et tant d'événements, je vois encore ces chers marbres sortir de la voiture de Mgr d'Héricourt et passer dans ma chambre de professeur. C'était le soir, j'allumai toutes mes chandelles, et je restai toute la nuit dévorant les lettres et les épelant à tous les effets de la lumière. Au point du jour, après avoir rendu grâce au céleste poisson, je courus au cimetière »... (1) Il fut assez heureux pour découvrir un septième fragment, celui qui contenait les premières lettres du nom de Pectorius, l'auteur même de l'inscription (2).

Cet événement était une bonne fortune inespérée pour notre jeune savant. Jusqu'alors il n'avait vu l'antiquité qu'à travers ses livres et ses interprètes. Il se trouvait tout d'un coup en contact direct avec elle; elle lui apparaissait vivante sous la forme de ces débris d'un marbre gravé au deuxième ou au troisième siècle, sur lesquels il allait s'exercer sans maître au dur métier d'archéologue.

(1) Lettre à l'abbé Davin, 30 août 1872.

(2) Spicilegium Solesmense, t. I, p. 554. Quelques érudits cependant

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