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L'Eglise romaine entoure la dépouille mortelle d'un cardinal des soins les plus religieux. Le lendemain de la mort de dom Pitra, un notaire apostolique du Vatican vint dresser un acte dans lequel il résumait en quelques traits la vie du défunt; c'est, si l'on peut s'exprimer ainsi, son curriculum vitæ que la mort vient de fermer pour jamais. Il constata le décès devant témoins et fit mettre le corps en bière sous ses yeux avec la mitre en tête et le visage recouvert d'un voile violet de calice. L'acte dressé fut mis dans un rouleau et déposé dans le cercueil avec le sceau du cardinal. Le cercueil scellé et fermé d'un grand ruban violet aux armes du défunt fut déposé dans une seconde bière en zinc scellée de plomb, et celle-ci mise à son tour dans une caisse de bois d'ormeau.

Après que ces formalités du cérémonial des cardinaux eurent été remplies, le corps fut porté dans l'appartement cardinalice appelé salle du trône, gardé par les secrétaires, les serviteurs et les pères de Saint-Calliste et visité par une foule nombreuse.

Le 11 à quatre heures, le clergé de Sainte-Marie du Transtévère vint chercher le corps et après l'absoute il fut conduit au cimetière de Saint-Laurent in agro verano. Le lieu choisi pour son sépulcre était le caveau de la Propagande; on l'y déposa dans un loculus à côté des cardinaux cardinal Pitra que nous ne croyons pas pouvoir passer sous silence. Une fille de la Charité de l'hôpital de Santiago du Chili, connue pour avoir des communications surnaturelles, assura avoir vu l'âme de la sœur Eulalie Pitra qui annonçait sa prochaine délivrance du purgatoire et prévenait son frère de se préparer lui-même sans retard à la mort. Le cardinal fut très frappé de cette lettre et il écrivit au supérieur des filles de la Charité de Santiago pour avoir des renseignements plus précis. Celui-ci n'avait pas manqué de réprimander la sœur sur ce qu'il appelait une témérité indiscrète et il allait répondre quand il reçut dans son courrier, le matin du même jour, la nouvelle de la mort du cardinal qui confirmait ainsi d'une façon inattendue la prédiction de la sœur. Ce fait, qui avait beaucoup frappé les amis du cardinal, a été établi et confirmé par les lettres de plusieurs filles de la Charité et par un lazariste, M. Dupuis, supérieur du grand séminaire de Montpellier, qui a recueilli de nombreux témoignages.

de cette Congrégation. On sait que le tombeau de Pie IX est non loin de là, dans l'Eglise Saint-Laurent.

Le service qui eut lieu le 16, à Sainte-Marie du Transtévère, réunit, comme nous l'avons dit, le Sacré-Collège tout entier, les amis du cardinal défunt et une foule nombreuse accourue pour lui rendre un dernier hommage.

Exprimons le désir que la dépouille mortelle du cardinal Pitra, après avoir reposé quelque temps, comme il l'avait souhaité, à Rome et près de Pie IX, puisse en des temps meilleurs être rapportée à Solesmes, en terre monastique, auprès de son abbé dom Guéranger, restaurateur en France de l'ordre bénédictin. Il y serait sous la garde de ses frères en religion et des moniales de sainte Cécile dont il était le protecteur; chaque jour un large tribut de prières lui serait payé et les saintes louanges de la liturgie qui l'ont soutenu durant sa vie retentiraient encore sans interruption auprès de sa tombe.

CHAPITRE XXII

PIÉTÉ ET VERTUS

Vertus religieuses et monastiques de dom Pitra. Ses relations avec le Père Abbé dom Guéranger. Vie de retraite. gique. Culte des saints.

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Pratiques de dévotion.

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- Esprit liturConclusion.

Les anciens hagiographes, imités sur ce point par un certain nombre d'écrivains plus modernes, avaient la coutume, après avoir raconté la vie d'un saint, de revenir sur leurs pas pour reprendre, chapitre par chapitre, l'histoire de ses vertus. Nous avons préféré, dans notre récit, pour n'en pas rompre l'unité, ne pas séparer de l'exposé des événements ce côté édifiant de la vie du saint cardinal. Toutefois il ne sera pas inutile, dans un chapitre spécial, d'insister sur quelques points particuliers de cette vie, afin d'en mieux marquer le caractère.

La base de toute vie religieuse repose dans la pratique des trois vœux de religion, pauvreté, chasteté, obéissance; ils en forment l'essence, ils sont comme la triple barrière qui sépare le religieux des autres hommes, ou, si l'on préfère, le triple lien qui le rattache à Dieu.

Aussi est-ce à la pratique sérieuse de ces trois vœux que se reconnaît le vrai religieux. Déjà soumis par la vocation sacerdotale à l'observation du second des voeux de religion, dom Pitra se crut, par le nouvel engagement de sa profession religieuse, astreint plus rigoureusement encore à la pratique de cette vertu, dont l'éclat n'a jamais été terni en lui par le plus léger soupçon. Forcé par son genre de vie,

au milieu de ses voyages et dans son existence, de renoncer à la clôture monastique qui est comme la sauvegarde et la garantie de la vertu, il mit dans ses relations et dans son commerce avec le monde tant d'austérité, que sa réserve a été souvent taxée de froideur hautaine par les gens du monde qui n'en devinaient pas le motif.

Nous avons eu l'occasion de dire comment il a pratiqué la pauvreté, ne s'autorisant jamais de la plus grande liberté laissée au religieux en voyage et chez les étrangers, pour abandonner ses pratiques, y trouvant au contraire un motif d'ajouter aux sévérités de la règle qu'il avait embrassée. Il étonna souvent ceux qui le connurent dans l'intimité; on eût dit que la vie des bibliothèques et la lecture des manuscrits lui faisaient oublier les besoins ordinaires de la vie et en suspendaient les fonctions. Dans ces longues séances aux bibliothèques, de neuf heures du matin à six heures du soir, il n'emportait souvent qu'un petit morceau de pain qu'il mangeait sans suspendre son travail. Devenu cardinal, il dut se plier aux nécessités de l'étiquette et apporter quelques modifications extérieures à son régime, mais il s'arrangea de manière à garder ses habitudes d'austérité. On obtint à grand' peine, dans ses dernières maladies et sur l'ordre formel des médecins qu'il se servît de son lit; il couchait d'habitude sur un canapé, avec une couverture, comme un soldat toujours prêt à la lutte, ou plutôt comme les moines dont saint Benoit a dit dans sa Règle « qu'ils couchent tout habillés, ceints de leur ceinture ou d'une corde, afin d'être toujours prêts à se lever au signal pour faire l'œuvre de Dieu » (1).

A Frascati, successeur des grands seigneurs et des prélats de cour, évêques de Frascati, s'il crut devoir dans sa nouvelle dignité faire quelques concessions à son entourage pour son train de vie, il sut se maintenir dans de justes limites. Il prit du reste ces nouvelles habitudes avec un tact exquis, gardant sa réserve et ce grand air lui

(1) Regula S. P. Benedicti, cap. xxi.

que

donnaient la distinction native de ses manières et la conscience qu'il avait de l'espèce de souveraineté que confère une science éminente.

L'obéissance monastique dont la pratique n'avait pas été enfermée encore dans d'aussi étroites limites, fut rigoureusement déterminée par saint Benoît à l'obéissance sous une règle et sous un abbé, sub regula et abbate. A partir de cette époque et dans les monastères qui adoptèrent sa règle, un élément nouveau fut ajouté à l'obéissance, la stabilité, en vertu de laquelle le moine était lié à un monastère et par suite à un Abbé. Lorsque plus tard les congrégations se fondèrent par la réunion de plusieurs monastères, la stabilité fut étendue du monastère à la congrégation, mais sans changer de caractère. Saint Benoît exige de son disciple qu'il soit soumis à son Abbé, bien plus, qu'il ait pour lui une affection humble et sincère, abbatem suum sincera et humili charitate diligant (1). Du reste, l'abbé étant le père de cette famille, ces sentiments de respect, de soumission et d'amour découlent de la notion même de la vie monastique et ne sauraient manquer sans un grave détriment. Dom Guéranger l'écrivait un jour à dom Pitra, en des termes que nous voulons rapporter et qui montreront en même temps l'humilité du saint Abbé : «Je vous plains d'avoir un supérieur aussi peu secouru d'en haut et aussi indigne. C'est pour la congrégation un malheur qui durera le moins longtemps que je le pourrai consciencieusement. Mais en attendant, tel qu'il est, il est le canal des grâces et l'étroite communion avec lui n'en est pas moins, je dois le confesser humblement, le moyen d'être plus près de Dieu. Je vous dirai ces choses-là plus à mon aise, quand je ne serai plus votre père mais seulement votre frère dévoué » (2).

Ce sentiments répondaient pleinement à ceux que dom Pitra professait pour dom Guéranger. Une étroite intimité

(1) Regula sancti Benedicti, cap. LXXII.

(2) Lettre du 1er septembre 1852.

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