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PRÉFACE

I

Le 16 février 1889 la célèbre et antique basilique de Sainte-Marie du Transtévère réunissait dans ses murs l'élite de la société romaine, les éminentissimes Sacconi, doyen du Sacré-Collège, Oreglia, Simeoni, Parocchi, Rampolla et tous les cardinaux présents à Rome, plusieurs évêques, les principaux dignitaires de la prélature apostolique, les abbés bénédictins du mont Cassin, de Saint-Paul, de la Cava, de Farfa, de Saint-Anselme, de Sainte-Madeleine de Marseille, le prieur de Solesmes, dom Paul Delatte, représentant le supérieur général de la Congrégation de France retenu par la maladie, des religieux de tout ordre, les ambassadeurs de France et de Portugal, le ministre de Bavière et la plus grande partie de la colonie française. Le saint Père, par une dérogation presque inouïe aux coutumes romaines, avait renvoyé la Congrégation du concile qui devait se tenir ce jour-là afin de permettre à tous les cardinaux d'assister au service. Cette assistance nombreuse et choisie était venue rendre un suprême hommage à la mémoire du cardinal Jean-Baptiste Pitra, bénédictin de la Congrégation de France, bibliothécaire de la sainte Église romaine, évêque de Porto et SainteRufine, et sous-doyen du Sacré-Collège, mort le 9 fé

vrier 1889. La messe était célébrée par Mgr Perraud, évêque d'Autun, héritier et successeur des prélats qui avaient consacré les premiers pas du cardinal dans la profession cléricale.

Quarante-six ans auparavant, jour pour jour, le 10 février 1843 un jeune prêtre du diocèse d'Autun encore inconnu, se liait à l'ordre de Saint-Benoît par la profession religieuse dans l'église de Solesmes, entre les mains de dom Guéranger, fondateur et premier abbé des bénédictins de la Congrégation de France.

Il peut être intéressant d'étudier comment a été franchie la distance entre ces deux étapes extrêmes qui paraissent à première vue si éloignées l'une de l'autre ; comment après ce début qui semblait lui fermer l'accès à toutes les dignités de l'Église, le profès de 1843 est monté jusque sur les marches les plus élevées du trône pontifical.

Les personnes qui ne connaissent le cardinal Pitra que par ses ouvrages s'imaginent trop facilement peut-être que l'intervalle entre ces deux dates de la vie de l'illustre savant a été rempli tout entier par le travail assidu de la cellule, et en conséquence qu'on n'y saurait trouver la matière d'une histoire. La suite prouvera, nous l'espérons, que cette opinion n'est pas entièrement juste. Que les recherches scientifiques occupent dans l'existence du cardinal Pitra une place importante, la place principale si l'on veut, nous n'y contredisons pas. Nous ajouterons même que ce n'est pas là le moindre intérêt de cette vie: suivre dans l'histoire de la science et de l'érudition au dix-neuvième siècle la trace laissée par le cardinal Pitra, résumer le résultat de ses recherches et de ses découvertes, en préciser la portée et en apprécier l'influence sur le mouveinent scientifique contemporain, se rendre compte de sa méthode de travail et de la nature de ses facultés, c'est une partie du programme que l'historien du cardinal Pitra doit

s'efforcer de remplir, et s'il réussissait dans cette tentative, il faut avouer qu'il aurait l'avantage d'initier bien des lecteurs aux secrets de l'érudition, de leur révéler comment naît et se forme un savant. Ce domaine de la science ecclésiastique, le cardinal Pitra l'a parcouru dans tous les sens; archéologie, épigraphie, patristique, histoire littéraire et théologique, droit canonique, paléographie, métrique, il n'est aucun de ces terrains sur lesquels le savant bénédictin n'ait poussé quelque pointe hardie.

Mais l'homme n'est pas tout entier dans ses livres. Il est peu de vies plus variées et plus intéressantes en elle-même que celle de cet humble moine qui a été mêlé à plusieurs événements importants de l'histoire religieuse du dix-neuvième siècle et a connu les hommes les plus en vue du parti catholique, Montalembert, Lacordaire, Parisis, de Falloux, les Veuillot, du Lac, Gousset, dom Guéranger surtout. Ses lettres fournissent des renseignements nouveaux sur plusieurs affaires importantes de notre histoire contemporaine, les origines du catholicisme libéral, la loi d'enseignement, la question des classiques, etc. (1). Sa vie est liée à celle d'une congrégation bénédictine dont il a été l'un des premiers membres et qu'il a servie avec un dévoùment absolu. Il a visité les pays les plus divers, l'Angleterre, la Hollande, l'Italie, l'Allemagne, l'Autriche, la Russie; c'est un voyageur aimable et un artiste qui, tout en fouillant les archives et les bibliothèques, sait étudier les mœurs des habitants, pénétrer le génie d'un peuple et décrire avec vigueur et coloris les paysages d'une contrée. Revenu à Rome après ses voyages, il a vécu pendant plus de vingt ans comme cardinal de curie, di curia (2), et cette

(1) Nous publions en appendice quelques pièces inédites dont l'importance n'échappera pas aux personnes qui s'occupent de cette période.

(2) On appelle ainsi les cardinaux qui résident à Rome, par oppo

partie de sa vie, pour laquelle nous n'avons pas ménagé les détails techniques, nous fera pénétrer dans un monde dont l'étude, très attachante en elle-même, a eu de tout temps le privilège d'éveiller la curiosité des étrangers.

La vie de ce saint cardinal, de ce fervent religieux si attaché aux devoirs de son état, qui en a si bien connu l'esprit et pratiqué les vertus, a aussi un intérêt d'édification qui pour bien des lecteurs sera, nous le désirons, le principal attrait de cette biographie.

Si donc ce livre ne parvient pas à captiver l'attention de ceux qui en auront entrepris la lecture, la faute en devra être pleinement attribuée à l'auteur. En des mains plus habiles, les nombreux documents qui ont été mis à sa disposition auraient certainement fourni matière à un récit très attachant.

Ces documents sont de nature diverse, mais la partie principale est formée par des correspondances dont nous traiterons bientôt en détail dans un chapitre spécial. Nous avons souvent cité textuellement des passages de ces lettres et nous n'avons pas craint de leur faire trop large part; leur témoignage est irrécusable; pour l'historien, des documents de cette sorte sont un terrain solide, un substratum sur lequel il peut édifier sans crainte de voir son ouvrage ébranlé par des recherches ultérieures. De plus les lettres de dom Pitra nous le révèlent tel qu'il est; elles nous apportent ses impressions toutes fraîches et vives. On a dit que le style c'est l'homme; l'axiome est souvent en défaut; le style c'est parfois un autre homme. Entre l'homme réel et l'écrivain, se placent à certaines heures, comme autant d'écrans qui interceptent ou du moins infléchissent les rayons de sa pensée, des préoccupations d'atti

sition aux cardinaux de couronne qui résident à l'étranger et aux cardinaux italiens qui résident comme évêques dans leurs diocèses respectifs.

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