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qui ne formaient guères que la cinquième partie de l'armée. Les immenses magasins rassemblés dans Wilna sont abandonnés, faute de moyens de transport. La situation déplorable dans laquelle une température excessivement rigoureuse a réduit l'armée, ne permettant pas d'y prendre position. « Par une de ces conséquences inat<< tendues, quoique dérivant de la marche des événements ( Mém. de Vaudoncourt), le passage de l'armée dans Wilna est une époque «< des plus désastreuses de la retraite, sans en excepter même le pas<< sage de la Bérézina (28 novembre). Un grand nombre d'officiers et << de soldats avaient épuisé le reste de leurs forces pour arriver à une « ville dont les magasins offraient à leur imagination l'idée de l'abon« dance, et un dédommagement à leurs longues souffrances. C'est-là qu'ils espéraient réacquérir encore assez de forces pour reprendre « les armes qui échappaient à leurs membres engourdis, et arrêter l'insolent triomphe d'un ennemi, toujours vaincu sur le champ de « bataille, et devant lequel la rigueur d'un climat supérieur aux forces physiques des peuples policés, les forçait, en frémissant, de « se retirer. Mais, là même, leur espérance fut déçue. Ils avaient fait << le dernier effort; ils y succombèrent. Beaucoup d'entre eux ne << pouvant plus trouver d'asyle dans les maisons encombrées par leurs camarades, qui, comme eux, cherchaient de la nourriture, et une température plus supportable, restèrent dans les rues et y trou« vèrent bientôt la fin de leurs maux. Ceux qui avaient rencontré un « toit qu'ils croyaient hospitalier, ne furent pas moins malheureux, << sur-tout s'ils étaient désarmés ou isolés. Leur corps épuisé, qui ne « se soutenait que par une tension extrême, tombe dans l'affaisse<< ment et la consomption, par l'effet même du soulagement momen« tané qu'il éprouvait; leurs membres, conservés par l'action du froid qui les avait engourdis, furent frappés d'une corruption rapide « qui bientôt éteignit en eux le principe de l'existence. On les voyait « gisant à la place où, pour la première fois, depuis long-temps, ils avaient reposé à l'abri des rigueurs de l'air, hors d'état de se mou« voir pour chercher de tardifs secours, et dévoués à la pitié ou à « l'humanité de ceux qui les entouraient. C'est là où le fanatisme, << la barbarie, la cupidité et la trahison, enveloppés dans le manteau « du patriotisme, venaient, sous l'égide des proclamations adressées « au peuple russe, leur porter la mort sous mille formes diverses. « Les plus modérés de leurs bourreaux, se contentèrent de les jeter << dans la rue, où bientôt ils avaient cessé d'exister. Le plus grand << nombre les assassina ou les dépouilla auparavant. Les Juifs, sur

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<< tout, se signalèrent par cette lâche cruauté, dont on trouve tant d'exemples dans leurs annales. Le lendemain, des milliers de ca<«<davres, nus ou habillés, qui encombraient toutes les rues, ata testèrent, à la face du ciel, qu'il n'est point d'excès auquel un

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peuple sauvage ne puisse se porter. Quiconque fut témoin des « scènes qui se passèrent alors à Wilna, a perdu le droit de taxer a d'exagération les atrocités qui noircissent tant de feuillets de « l'histoire du genre humain. C'est encore ici le lieu de rendre à ces « braves patriotes polonais, nos compagnons fidèles dans tant d'oc«casions, la justice que méritaient la loyauté de leur caractère et la «franchise de leur attachement pour nous.. Si on en

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<< tend un de ceux qui furent prisonniers à Wilna se louer de son hôte`, on peut hardiment assurer que cet hôte fut un Polonais. » Les soldats de Napoléon n'ont pas épuisé dans les murs de Wilna les effets de son inconsidération. Presque à la porte occidentale se présente la montagne de Ponary, courte, mais rapide, couverte de verglas; elle offre une résistance impossible à vaincre. Là, les cosaques remportent les seuls exploits qu'ils ambitionnent: d'abondantes dépouilles, un riche butin.

Il est impossible de trouver, dans les exagérations si diversement emphatiques des généraux russes, ivres d'un dénouement auquel leur bravoure ou leurs talents n'eurent qu'une bien faible part, des données tant soit peu probables qui permettent d'établir le nombre des mourants qu'ils ont ramassés, des cadavres et non des hommes qu'ils ont pris. La jactance moskowite en a fait des trophées; jamais trophées ne furent plus aisément enlevés. Les éléments ont presque tout fait; et, comme on le dit vulgairement en Russie: « Ce n'est point le général Kutusow qui a tué ou dispersé les Français; c'est « le général Morosow (la gelée) ».

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Décembre 16. Evacuation de Kowno, et passage du Niémen. C'est encore ici qu'on retrouve le maréchal Ney (V. le 10), toujours le dernier à se retirer, protégeant toujours, au mépris de sa vie, la vie et la retraite du dernier soldat, ranimant l'espérance éteinte, et valant seul d'épais bataillons. Ici, se refugient les débris de la plus belle armée que la France ancienne ou nouvelle ait jamais lancée hors de son territoire. Ici, s'embrassent quelques-uns de ces guerriers, qui, portés par une vaillante ardeur, se jetaient au mois de juin sur la même rive qu'ils délaissent aujourd'hui si déplorablement. Des 400,000 guerriers, qui, à l'ouverture de la campagne, franchirent ce fleuve, à peine 30,000 le repassent, parmi lesquels les deux tiers

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n'ont pas vu le Kremlin. Mais celui qui les entraîna, qui reçut d'eux une obéissance sans bornes, ne les a point attendus ( V. le 5).

La guerre offensive, qui vient de se terminer, n'a pas été plus longue que les rapides invasions des années précédentes. La campagne de 1812 se resserre dans un espace de temps aussi borné que les campagnes de 1805, de 1806, et de 1809; mais le résultat de cette dernière aggression est, pour les mères françaises, un deuil affreux, que suivront d'autres deuils, jusqu'à ce que l'homme qui les a causés soit enchaîné sur une île lointaine, et qui deviendra sans rivage dès que la destinée, dont il fut l'aveugle sectateur, l'y aura déposé.

Décembre 20. Napoléon arrivant à Paris, fugitif et déserteur, excite les transports de joie de ce sénat-conservateur, de ce sénat aussi docile que celui qu'un empereur des anciens temps voulait faire présider par son cheval. Les témoignages de servilité qu'exprime l'adresse de félicitation sur le fortuné retour du souverain, échappé au désastre général, ne sont tempérés par aucune observation sur les maux immérités de la patrie, sur les souffrances de l'humanité. « Le sénat (dit le naturaliste Lacepède) s'empresse de présenter au pied du trône de V. M. I. et R., l'hommage de ses félicitations sur « l'heureuse arrivée de V. M. au milieu de ses peuples. L'absence de « V. M., Sire, est toujours une calamité nationale; sa présence est <«< un bienfait qui remplit de joie et de confiance tout le peuple français... Le sénat, premier conseil de l'empereur, et

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« dont l'autorité n'existe que lorsque le monarque la réclame et la << met en mouvement, est établi pour la conservation de cette monar« chie et de l'hérédité de votre trône, dans notre quatrième dynastie. « La France et la postérité le trouveront, dans toutes les cir«< constances, fidèle à ce devoir sacré; et tous ses membres seront « toujours prêts à périr pour la défense de ce palladium de la sûreté « et de la prospérité nationales..... ..» (Le naturaliste n'aurait pu mieux faire l'éloge de l'hyène). Le sénat s'engage à reconnaître les héritiers de son sang auguste; il l'assure du dévouement et de l'affection des Français, qui n'attachent de bonheur qu'à le défendre; de l'empressement des jeunes gens à voler sous les drapeaux. L'empereur répond: « Sénateurs, ce que vous me dites m'est « fort agréable. J'ai à cœur la GLoire et la puissSANCE de la France; << mais nos premières pensées sont POUR TOUT ce qui peut perpétuer « la tranquillité intérieure.. .... pour ce trÔNE auquel sont

« attachées DÉSORMAIS les destinées de la patrie....

« demandé à la Providence un nombre d'années déterminé...

J'ai

« J'ai réfléchi à ce qui a été fait aux différentes époques de Notre histoire; j'y penserai encore. » (Aux précautions à prendre pour assurer la succession à son fils.) Et c'est Bonaparte, corse, sous la domination génoise, élevé par la charitable munificence des rois de France, qui cite notre histoire, qui parle de la gloire, de la puissance, et se tait sur le bien-être de la nation; lui, qui a répandu le sang de deux millions de Français pour la cause de son exclusive ambition et l'élévation de son indigne famille; lui, qui, au moment de l'épouvantable catastrophe, que seul il amène, ne s'occupe essentiellement que du soin de conserver le trône à son fils! Et le sénat le seconde, l'encourage; et les Français accourent à la voix du sénat! Malheureux, qui, traîtreusement renfermés dans une maison en flammes, sont obligés, pour leur propre salut, de garantir sa conservation à celui qui s'en fit le maître! Peuple trop à plaindre, d'être ainsi sacrifié! Mais les conquérants trouvèrent toujours une foule d'apologistes, dirigés soit par la crainte, ou par une admiration volontaire de ces actions extraordinaires que l'on suppose être le résultat de talents non moins extraordinaires de leur auteur. Il n'est guère possible de changer, à cet égard, le cours des sions humaines; les échecs que reçoit l'idole sont représentés comme accidentels, et sa fortune, sa puissance, comme immuables.

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Cette campagne est, sans contredit, la plus horriblement meurtrière de toutes celles que le maître de la France a dirigées, et, de beaucoup, la moins favorable à sa renommée militaire ou politique. Il parvient, à la vérité, avec une formidable armée, jusqu'à la capitale éloignée d'un puissant empire;, mais, au lieu d'atteindre le but si vanté de ses immenses préparatifs, il ne réussit qu'à fouler les cendres de cette capitale, et à porter le ravage dans une vaste étendue de ce territoire ennemi, que bientôt il laisse jonché de 150,000 cadavres de ses sujets ou alliés, abandonnant un nombre plus considérable encore de prisonniers, avec tous ses magasins, avec toute son artillerie. Cette expédition de Russie, qui le rabaisse sous le point de vue des combinaisons stratégiques, lui ravit sa réputation d'homme d'état. Il la termine en fugitif qui craint, pour sa personne, le péril et l'outrage. Cependant il fait usage de tous les artifices susceptibles de pallier nos désastres, et de nous dérober leurs inévitables conséquences.

Décembre 30. Défection du général prussien York, et convention de Taurogen (près de Tilsitt).

Le maréchal Macdonald, faisant l'extrême gauche de la grande ar

armée, a pénétré victorieusement dans la Samogitie, dans la Courlande, dépassé la Düna, entamé la Livonie, et menacé Riga, lorsque les progrès de la retraite générale l'obligent à se replier. Il a toujours battu l'ennemi, quoique les généraux du contingent prussien, fort de 20,000 hommes, qu'il a sous ses ordres, le suivent et se battent à regret. Yo:k recevant des instructions de Berlin, de ce cabinet, dont la fidélité tourne, depuis vingt ans, avec la roue de de la fortune, lève le masque, et signe une convention de neutralité avec les Russes. Dès-lors, l'armée française ne peut ni conserver la ligne du Niémen, ni s'établir derrière la Vistule; elle doit reculer jusqu'à la Warta et l'Oder.

La conduite du général prussien est, sur-tont, l'effet des inspirations patriotriques que souffle, dans l'ombre, l'association des amis de la vertu. (Tugendbund ). Cette défection est le signal de la liberté allemande. Aussitôt le tocsin de l'insurrection retentit de l'Oder au Rhin, de la Baltique aux Alpes juliennes. Cette foule de souverains secondaires, retirés, par leur propres sujets, de la léthargie qu'ont produite les dons empoisonnés du grand monarque, accourront successivement, à mesure qu'ils verront s'évanouir leurs dangers personnels, pour faire aussi leur morsure au lion malade. De serviteurs couronnés, de mercenaires enrichis, ils deviendront d'ingrats conjurés et des adversaires implacables. Une seconde fois, ils aimeront à puiser de riches dépouilles dans le sang français (V. congrès de Vienne, 9 juin 1815).

Décembre 31. Grande armée.—La position sur la Vistule des différents corps qui la composent, ou plutôt de leurs débris confusément rapprochés, se trouve dangereusement menacée par la défection des Prussiens. Le roi de Naples ( Murat), commandant en chef, est fort peu capable de remédier à d'aussi grands désastres. Une bravoure audacieuse, la bravoure d'un soldat constitue son mérite militaire. La Pologne est presque évacuée; l'Allemagne va devenir le théâtre de la guerre.

Voilà où se terminent les vastes desseins de Napoléon qui, pâle imitateur de César, croit n'avoir rien conquis, s'il lui reste un état à conquérir. Le Romain employa dix années à dompter les Gaules; et le Corse, ivre de sa fortune, n'a pas daigné consacrer deux ans dans l'envahissement de cet immense désert de Scythie qui vit fuir Darius, reculer Alexandre, périr Crassus; où Julien termina sa carrière; où Valérien se couvrit d'ignominie; et qui vit le désastre de Charles XII, le guerrier le plus aventureux, l'ame la plus forte de

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