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l'opinion tout entière, qui tend à jeter sur les familles nombreuses un fatal discrédit.

La peur de l'enfant chez les riches se présente ainsi comme une question digne de tout notre intérêt. Mais elle vient déjà de recevoir une solution partielle. Nous avons établi que le bien général ne conseillait pas aux familles opulentes d'avoir peu d'enfants.

Bien au contraire! Leur plus grande fécondité n'apporterait-elle pas, sans heurt et sans secousse, aux inégalités sociales ces justes tempéraments que les cupidités et les jalousies rendent aujourd'hui si désirables? N'assurerait-elle pas une répartition plus équitable des charges et des avantages sociaux? Ne feraitelle pas du travail une condition plus universellement nécessaire avant le délassement? Ne forcerait-elle pas chacun d'accepter d'être un peu à la peine, pour mériter d'être à la joie ? Et les ressources éducatives, qui abondent dans les familles aisées, nous achemineraient vers cet idéal d'un peuple qui gagne à la fois en nombre et en qualité.

La raison du bien commun ainsi écartée, deux intérèts restent en présence: celui des enfants et celui des parents. Et notre question prend la forme pressante de

ce dilemme :

Est-ce l'amour de leur progéniture, ou plutôt la recherche de soi-même, est-ce le sentiment paternel ou l'égoïsme individuel qui poussent les riches à ne vouloir que peu d'enfants? Se limitent-ils à un ou deux enfants, pour les aimer davantage, pour leur prodiguer une tendresse qu'ils craindraient d'affaiblir en la partageant entre beaucoup ?

Quand Dieu refuse une bénédiction plus large, ne contestons pas à l'enfant unique la faveur d'être plus aimé. Alors la force d'affection, demeurée aussi vive et aussi intense, se concentre tout entière sur le seul

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objet qui l'attire. Mais l'intention arrêtée de restreindre les enfants sans restreindre ses propres jouissances, ou bien plutôt pour en goûter davantage, ne dénote-t-elle pas un resserrement du coeur lui-même ? Où cette abondance d'amour se serait-elle dès lors réfugiée ? S'il n'y a pas de partage d'affection, n'y a-t-il pas moins d'affection à partager?

Qu'ils soient d'ailleurs plus ou moins chéris, ce fait du moins est avéré : les enfants peu nombreux ne sont pas mieux aimés. La tendresse qu'on leur témoigne est une tendresse qui songe seulement à leur éviter des pleurs dans le présent et des soucis dans l'avenir. Elle ne forme pas l'âme, elle ne trempe pas le caractère, elle « gâte », suivant le mot reçu; elle nous prépare une jeunesse dorée, inutile aux autres comme à ellemême, qui ne s'entend pas à vivre et réussit à peine à s'amuser (1).

Mais, m'objectera-t-on peut-être, si les riches veulent peu d'enfants, c'est pour leur abandonner un plus bel héritage, pour les asseoir d'emblée dans une situation. brillante et enviable. N'est-ce pas la piété paternelle qui se révèle manifestement en ce souci?

En êtes-vous bien sûrs? L'établissement aisé de l'unique garçon, de l'unique fille, ne dispense-t-il pas les parents eux-mêmes de bien des embarras, des ennuis, des inquiétudes que l'amour des aises, que l'amour-propre leur conseillent d'éviter ? Et leur vanité ne se complaît-elle point dans l'image fallacieuse d'une opulence stable, perpétuelle, qui se transmettrait avec leur nom, et vaudrait au fondateur de la fortune le souvenir reconnaissant d'une longue postérité ? Dût-il

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(1) Son Éminence le Cardinal Mercier rapportait, dans son mandement de carème, cette parole appliquée à un cercle de semblables jeunes gens : « Et dire que si ce cercle s'effondrait, et que ceux qui le fréquentent vinssent à disparaître, rien ne serait changé en Belgique! Ni les œuvres, ni la politique, ni l'industrie, ni les sciences, ni les arts n'en ressentiraient le contre-coup. »

même s'agir de la conservation d'un domaine, M. le professeur Thaller n'a pas tort peut-être de trouver suspecte l'affection « d'un homme plus orgueilleux en somme de sa production économique que de sa production vivante, et qui subordonne, qui va même jusqu'à sacrifier celle-ci à celle-là » ; qui s'attache à son fils « parce que, par ce fils, il prolongera et perpétuera son bien », et qui pratique cette maxime « périsse la grande progéniture plutôt que périsse le domaine (1) ! »

Même le souci de mieux établir un petit nombre d'enfants ne démontrerait pas que la crainte d'un plus grand nombre soit puisée dans une affection véritable et pure de tout mauvais alliage. Mais n'exagérons pas l'importance et l'étendue de ce souci lui-même.

Bien des indices prouvent qu'il n'est ni exclusif ni principal. Le souci d'établir les enfants explique-t-il que, même dans les classes aisées, le taux de la natalité n'est pas uniforme, mais varie en raison inverse de l'importance des fortunes? Explique-t-il que plus il y a de ressources à leur réserver, de place pour les recevoir, moins il naît d'enfants (2)?

(1) Thaller, prof. à la faculté de Droit. La population et les lois successorales. (RÉFORME SOCIALE, t. 56, déc. 1908, p. 710.)

(2) Profitons des recherches d'un statisticien bien connu, M. Jacques Bertillon, directeur de la statistique municipale de Paris. Il a traité des méthodes à suivre pour l'étude des différentes classes sociales, tome IX (p. 213) du BULLETIN DE L'INSTITUT INTERNATIONAL DE STATISTIQUE; et nous expose, au t. XI (1899, p. 163), la natalité selon le dégré d'aisance. Étude, à ce point de vue, de Paris, Londres, Berlin et Vienne. En classant les quartiers de ces capitales d'après l'aisance et le bien-être, il a trouvé que, dans chacune d'elles, le chiffre minimum des naissances coïncide avec le chiffre maximum de la richesse; et que l'échelle qui est ascendante pour les fortunes est descendante pour la natalité. Éliminons ici les quartiers très pauvres, pauvres et même simplement aisés, où d'ailleurs l'observation se confirme. Voyons pour les autres, à la suite de M. Bertillon, combien d'enfants naissent annuellement par 1000 femmes de 15 à 50 ans :

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« Il a été démontré, écrit M. Mombert dans son intéressant ouvrage Studien

Ce même souci explique-t-il, que la volonté d'avoir peu d'enfants devient petit à petit la volonté de n'en avoir qu'un, puis celle de n'en avoir pas du tout? Un journal prédisait naguère « que quand l'instruction se serait généralisée, la natalité ne serait plus qu'un accident relevant de l'inadvertance (1). » Et ce ne sont pas là de purs rêves. Que, depuis tout un temps, plusieurs départements de la France réduisent les désirs à l'enfant unique, c'est un fait bien reconnu (2). Mais en outre, M. March affirmait que le nombre proportionnel des familles sans enfants est en France deux fois plus grand qu'il ne devrait l'être (3). Une statistique se rapportant à 1907 renseignait qu'en France, sur un total de 11 315 000 ménages, 1 804 710 familles

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zur Bevölkerungsbewegung in Deutschland, 1907 (p. 162), que l'augmentation du bien-être et une situation sociale plus élevée s'accompagnent d'une diminution de la fécondité. Et cette connexion ne se manifeste pas seulement d'une classe sociale à l'autre, mais même entre gens de la même condition sociale, pour peu que leurs fortunes diffèrent. » Et il appuie cette assertion sur des recherches personnelles effectuées avec le plus grand soin dans sept grandes villes de l'Allemagne. Voici, par exemple, le résultat obtenu pour Berlin d'après les statistiques de 1900-1901 concernant la natalité et le prix des loyers.

En ramenant 18 quartiers de Berlin à six groupes de trois, on obtient le tableau suivant des naissances par 1000 femmes de 15 à 45 ans : Mariés légitimes Célibat. illég. Enfants de moins d'un an au 31 déc. 1900

Prix moyen

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du loyer

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875 mk.

636 mk.

405 mk.

345 mk.

286 mk.

275 mk.

Nous pouvions donc dire que plus il y a de place, moins il y a d'enfants. Du reste, ce rapport inverse entre la fortune et la natalité se trouve attesté de toutes parts. M. Mombert, op. cit., p. 129, note, cite une longue série d'auteurs qui en témoignent pour les différents pays.

(1) Cité par le Dr Reumaux : La natalité à Dunkerque. (REFORME SOCIALE, t. 56 (1908), p. 481.)

(2) Voyez notamment l'enquête du Dr Bertillon. (CHRONIQUE MÉDICALE, 1905, p. 160-168, notamment p. 167 pour le Lot-et-Garonne.)

(3) Les causes professionnelles de la dépopulation. (RÉFORME SOCIALE, t. 56 (1908), p. 459.)

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n'avaient aucun enfant (1). « Dans certaines de nos mairies, écrit un économiste, membre de l'Institut, M. de Foville, le registre des naissances n'est qu'un cahier de papier blanc (2). » Des recherches spéciales, relatives aux familles de 167 officiers français mariés depuis dix ans et davantage, ont fait voir à M. Bayard (3) que 20 pour cent n'avaient aucun enfant. Un régiment se distinguait entre tous: il comptait 7 foyers vides sur 19. Une enquête de M. Coghlan a établi pour la Nouvelle-Galles du Sud, l'effrayante progression des unions infécondes (4). Et si beaucoup se refusent encore à mourir sans descendance aucune, combien de jeunes mariés, en Belgique et en France, reculent les charges de la paternité jusqu'après une agréable période de liberté et de jouissance sans devoirs !

Ce même souci explique-t-il que l'affaiblissement de la natalité ne diminue pas toujours le nombre des mort-nés, qu'il arrive à la morti-natalité de progresser, alors que la natalité baisse (5)?

(1) Ce chiffre dépasse celui des familles ayant trois enfants: 1 643 425. L'enfant unique se trouvait dans 2 966 171 familles ; le couple dans 2 661 978. (2) REVUE HEBDOMADAIRE, mai 1909.

(3) L'Officier et la famille. (RÉFORME SOCIALE, t. 56 (1908), p. 524.) (4) Les données manquent pour les autres pays. Voici le tableau statistique, reproduit par M. Mombert, p. 168 de l'ouvrage cité.

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(5) Ce funèbre rapprochement tend à prouver que, pour le moins, la rareté des naissances n'influe guère sur l'attention que l'on prend pour prévenir ces fâcheux accidents. La coïncidence a été signalée par M. C. Jacquart, pour certaines provinces wallonnes et notamment pour quelques arrondissements industriels du Hainaut, dans son Étude sur le mouvement

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