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afin d'éviter une évaporation trop rapide. Eh bien, ce débris de cadavre reluit bel et bien, non toutefois avec le même éclat que sur le vif.

Le concours de la vie est maintenant inutile. La matière oxydable, la nappe photogénique est en rapport direct avec l'air ambiant; l'afflux de l'oxygène par la voie d'une trachée n'est pas nécessaire et l'émission lumineuse se fait comme elle se produit au contact de l'air avec le réel phosphore de la chimie. Ajoutons que dans de l'eau aérée, la luminosité persiste aussi brillante qu'à l'air libre, mais qu'elle s'éteint dans de l'eau privée d'air par l'ébullition. On ne saurait trouver meilleure preuve de ce que j'ai déjà avancé, savoir que la lumière du Lampyre est l'effet d'une oxydation lente.

Cette lumière est blanche, calme, douce à la vue et donne l'idée d'une étincelle tombée de la pleine lune. Malgré son vif éclat, elle est d'un pouvoir éclairant très faible. En faisant déplacer un Lampyre sur une ligne d'imprimé, on peut très bien, dans une profonde obscurité, déchiffrer les lettres une à une, et même des mots entiers pas trop longs; mais, en dehors d'une étroite zone, rien autre n'est visible. Une pareille lanterne a bientôt lassé la patience du lecteur.

Supposons un groupe de lampyres rapprochés jusqu'à se toucher presque. Chacun d'eux émet sa lueur, qui devrait, semble-t-il, illuminer les voisins par réflexions et nous valoir la vision nette des divers sujets individuellement. Il n'en est rien. Le concert lumineux est un chaos où, pour une médiocre distance, notre regard ne peut saisir forme déterminée. L'ensemble des éclairages confond vaguement en un tout les éclaireurs.

La photographie en donne une preuve frappante. J'ai en plein air, sous cloche en toile métallique, une vingtaine de femelles dans la plénitude de leur éclat,

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Une touffe de thym fait bocage au centre de l'établissement. La nuit venue, mes captives grimpent à ce belvédère, et de leur mieux, dans tous les sens de l'horizon, y font valoir leurs atours lumineux. Ainsi se forment le long des brindilles des grappes merveilleuses dont j'attendais de superbes effets sur la plaque et sur le papier photographiques. Mon espoir est déçu. Je n'obtiens que des taches blanches, informes, ici plus denses et là moins suivant la population du groupe. Des vers luisants eux-mêmes, nulle effigie; pas de trace non plus de la touffe de thym. Faute d'un éclairage convenable, la superbe girandole se traduit par une confuse éclaboussure blanche sur fond noir.

Les phares des lampyres femelles sont évidemment des appels nuptiaux, des invitations à la pariade; mais remarquons qu'ils s'allument à la face inférieure du ventre et regardent le sol tandis que les appelés, les mâles, d'essor capricieux, voyagent en dessus, dans les airs, parfois à grande distance. Avec sa disposition normale l'appât lumineux se trouve donc masqué aux yeux des intéressés; l'épaisseur opaque de la nubile le recouvre. C'est sur le dos et non sous le ventre que devrait reluire la lanterne, sinon la lumière est mise sous le boisseau.

L'anomalie très ingénieusement se corrige, car toute femelle a ses petites malices de coquetterie. A la nuit close, tous les soirs, mes captives sous cloche gagnent la touffe de thym dont j'ai eu soin de meubler la prison et viennent à la cime des ramifications élevées, les mieux en vue. Là, au lieu de se tenir tranquilles comme elles le faisaient tantôt au pied de la broussaille, elles se livrent à de véhéments exercices, se contorsionnent le bout du ventre très flexible, le virent d'un côté, le revirent de l'autre dans toutes les directions par mouvements saccades. De la sorte, aux yeux de tout mâle en expédition amoureuse, passant dans le III SÉRIE. T. XVI.

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voisinage, soit sur le sol soit dans les airs, le fanal convocateur ne peut manquer de reluire un moment ou l'autre.

C'est à peu près le jeu du miroir tournant en usage pour la chasse aux alouettes. Immobile, la machinette laisserait l'oiseau indifférent; en rotation et fragmentant sa lueur par éclairs rapides, elle le passionne.

Si la femelle lampyre a ses ruses pour appeler des prétendants, le mâle de son côté est pourvu d'un appareil optique apte à percevoir de loin le moindre reflet du fanal convocateur. Le corselet se dilate en bouclier et déborde largement la tête sous forme de visière ou d'abat-jour, dont le rôle est apparemment de restreindre le champ de vision pour concentrer le regard sur le point lumineux à discerner. Sous cette voûte, sont les deux yeux relativement énormes, très convexes, en forme de calotte sphérique, et contigus l'un à l'autre, au point de ne laisser entre eux qu'une étroite rainure pour l'insertion des antennes. Cet œil double, occupant presque en totalité la face de l'insecte et retiré au fond de la caverne que forme le large abat-jour du corselet, est un véritable oil de Cyclope.

Au moment de la pariade, l'illumination s'affaiblit beaucoup, s'éteint presque; il ne reste en activité que l'humble lampion du dernier segment. La discrète veilleuse suffit à la noce, tandis que dans le voisinage la foule des bestioles nocturnes, attardées en leurs affaires, susurre l'épithalame général. La ponte suit de près. Les œufs, ronds et blancs, sont déposés, ou plutôt semés au hasard sans le moindre soin maternel, soit sur le sol légèrement frais, soit sur un brin de gazon. Ces reluisants ignorent à fond les tendresses familiales.

Chose bien singulière les oeufs du lampyre sont lumineux, même encore inclus dans les flancs de la mère. S'il m'arrive par inadvertance d'écraser une

femelle gonflée de germes parvenus à maturité, une traînée luisante se répand sur mes doigts comme si j'avais crevé quelque ampoule pleine d'une humeur phosphorique. La loupe me montre que je fais erreur. La luminosité est due à la grappe des œufs violemment expulsée de l'ovaire. Du reste, aux approches de la ponte, la phosphorescence ovarienne déjà se manifeste. sans grossière obstétrique. A travers les téguments du ventre apparaît une douce luminosité opalescente.

L'éclosion suit de près la ponte. Les jeunes, n'importe le sexe, ont deux petits lumignons au dernier segment. Aux approches des froids rigoureux, ils descendent en terre, non bien profondément. Dans mes bocaux d'éducation, garnis de terre fine et très meuble, ils descendent à trois ou quatre pouces au plus. Au plus fort de l'hiver, j'en exhume quelques-uns. Je les trouve toujours avec le faible lumignon de l'arrière. Vers le mois d'avril, ils remontent à la surface pour y poursuivre et achever leur évolution.

Du début à la fin, la vie du lampyre est une orgie de lumière. Les oeufs sont lumineux; les larves pareillement, les femelles adultes sont de magnifiques phares, les mâles adultes gardent le lampion que possédaient déjà les larves. On comprend le rôle du phare féminin; mais à quoi bon tout le reste de cette pyrotechnie? A mon vif regret, je l'ignore. C'est et ce sera pour longtemps encore et peut-être pour toujours, le secret de la physique des bêtes plus savante que la physique de nos livres.

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Sérignan, 10 mai 1909.

J. H. FABRE.

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Occuper des milliers d'employés, des centaines d'ingénieurs chimistes diplômés, fort convenablement appointés, parmi lesquels figurent les savants les plus réputés, payer à ses actionnaires un dividende extrêmement rémunérateur d'année en année plus élevé et ayant atteint, l'an dernier, trente-six pour cent (2), tels sont, au seul point de vue pratique et utilitaire, les résultats atteints par l'industrie chimique en Alle

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magne.

Pour toute nation, là se trouve bien l'industrie d'avenir, au champ d'action illimité, l'« industrie scientifique » évoquée par le célèbre économiste Thiery. Cependant une constatation s'impose. Si, en ce sens, la France et l'Angleterre ont fourni les découvertes initiales, ce sont nos voisins d'Outre-Rhin qui, s'étant

(1) L'ÉCONOMISTE EUROPÉEN, tome X, 1896, p. 612.

(2) Comme nous le disons par la suite, ce chiffre a été celui du dividende de l'exercice 1907 pour la plus importante société des fabrications de produits chimiques et pharmaceutiques d'Allemagne : les « Farbenfabriken > Bayer et Cic.

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