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de croire que la plume des géologues a le même manche que leur marteau » (1). Tantôt défenseur des traditions et des principes des fondateurs, il rappelait que la Société libre, dégagée de tout esprit de coterie, indépendante de toute doctrine d'école, fut toujours ouverte à tous ceux qui voulaient y chercher quelque appui pour leurs travaux. « Nous entendons rester fidèles à la science pure, écartant soigneusement de notre route tout ce qui pourrait introduire chez nous d'autre préoccupation » (2).

Il était devenu l'âme de cette société, qui groupait, dans une union fraternelle, tous les Français amis de la géologie, et il en fut longtemps le porte-paroles autorisé. La confiance de ses collègues l'appela à la présidence dans toutes les occasions solennelles lors de la célébration du cinquantenaire de la Société en 1880, lors de l'exposition universelle de 1900 et de la session du Congrès géologique international à Paris. La Société l'ayant chargé en 1907 de porter ses vœux à la Société géologique de Londres, qui avait convié les géologues du monde entier à fêter son centenaire, ce fut à lui qu'échut l'honneur insigne de parler le premier, à Londres, au nom de tous.

de Lapparent s'était acquis la considération et les suffrages du monde savant. Il s'était fait une place dans tous les milieux intellectuels où il avait su faire apprécier ses éminentes qualités, et successivement on le vit présider avec le même éclat qu'il avait fait pour la Société géologique, la Société de minéralogie, la Société géographique, et divers congrès scientifiques.

Mais le monde savant ne constituait à ses yeux qu'une caste; il aspirait à procurer la jouissance et le bienfait de la science à d'autres, en aussi grand nombre

(1) de Lapparent : BULL. SOC. GEOL. DE FRANCE, T. XXVI, p. 734.
(2) de Lapparent : BULL. SOC. GEOL. DE FRANCE, T. VIII, p. XIX.

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que possible. Ce fut la raison qui le décida à aborder une autre élite, généralement indifférente, parfois hostile, aux controverses des savants; il le fit dans une série de revues : le CORRESPONDANT, la REVUE DE L'INSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS, la REVUE DES QUESTIONS SCIENTIFIQUES. Il voulait faire œuvre d'homme d'action, en même temps que de savant, et montrer l'accord de sa science et de ses convictions religieuses. Dans ces milieux nouveaux, si largement ouverts à la critique, il se garda, fidèle à sa méthode, de réclamer pour aucun des systèmes qu'il préconisait quelque chose qui ressemblât à un privilège d'infaillibilité; il se maintint systématiquement sur le terrain de l'observation et de l'expérience, persuadé que ses démonstrations auraient plus de force aux yeux de ceux qui voudraient y chercher un témoignage en faveur de croyances supérieures, autrement importantes, il faut bien l'avouer, pour le perfectionnement de l'humanité, qu'une connaissance plus exacte du sol qu'elle foule aux pieds.

Pour lui, l'oeuvre accomplie par le savant n'était jamais définitive; la science admettait sans cesse de nouveaux perfectionnements. Homme de parti, appelant sa science au secours de sa foi, il tenait à mériter qu'on le tint pour un rapporteur impartial et scrupuleux de l'état actuel de la science, supérieur au parti pris, ne cherchant sa force que dans des arguments scientifiquement démontrés.

L'histoire de la terre devait lui fournir ses horizons les plus lumineux; il estimait qu'aucune autre ne lui permettrait de mettre mieux en évidence l'ordre et la suite qui existent dans la nature, et qui, affermissant sa foi, le remplissaient de tant d'admiration. Mais, soit crainte que son thème ne parût trop étroit à un public non spécialisé, soit désir d'étendre son action, il élargit considérablement le cercle de ses études ordinaires :

son érudition dépassait singulièrement les limites de la géologie. Chroniqueur scientifique, sans égal, on le vit pendant des années, à l'affût de toutes les actualités qui ressortissaient au domaine de la science; et successivement, il décrit l'âge de fer, nôtre àge de fer, et il devine le rôle prochain des constructions métalliques ; il examine la situation des chemins de fer en France et la circulation à la fin du siècle; il expose les principes de la Télémécanique et les expériences de M. Branly ; il aborde aussi les questions relatives aux atomes, aux molécules, à la matière radio-active. Puis il suit les géographes, de l'équateur aux pôles, et leurs découvertes lui fournissent l'occasion d'exposés savants sur les déserts, les glaciers, les pôles; il discute les causes de l'ancienne extension des glaciers, et parle du déplacement de l'axe des pôles. L'éruption de la Martinique lui fournit l'occasion de développer les nouveaux aspects du vulcanisme, et un tremblement de terre l'amène à expliquer la nature de ces frémissements.

Il ne perdait pas une occasion d'exposer dans son style aisé, sous la forme claire et singulièrement limpide qui lui était propre, les problèmes scientifiques à l'ordre du jour, et même, pour éveiller la curiosité des lecteurs indifférents, il n'hésitait pas à user de titres qui forçaient l'attention Paris aux travaux forcés, Les surprises de la stratigraphie, L'épopée saharienne, La fièvre polaire, etc. Nombre de ces articles sont des chefs-d'œuvre d'exposition familière et il serait difficile de dire par qui ils étaient plus goûtés, des gens du monde auxquels ils étaient destinés, ou des savants, toujours surpris de voir exposer de la sorte, par un des leurs, les questions les plus ardues.

Jamais de Lapparent ne se trouva arrêté par la difficulté de présenter joliment un sujet technique, quelque spécial qu'il fût. Est-il en effet des problèmes plus difficiles, parmi ceux que soulève la géologie et

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apparemment plus fermés pour le grand public, que ceux qui ont trait à la formation de la première écorce terrestre, à la nature et au sens des mouvements de cette écorce, à la destinée de la terre ferme, à la durée des temps géologiques? Ce sont cependant des questions que de Lapparent a cherché à faire pénétrer dans les couches profondes des lecteurs, sans même leur faire grâce des controverses auxquelles elles donnaient lieu. Il osa ainsi défendre devant le public, dans de petits livres vendus à bon compte, l'hypothèse de la nébuleuse primitive terrestre, il y plaida en faveur des soulèvements contre les affaissements du sol, il imprima que la vie avait pu mettre neuf cent mille siècles à se développer sur la terre. Sans doute une partie de ceux qui le lisaient a pu perdre de vue les bases de ses raisonnements, mais tous ont retenu que l'histoire de la terre était de longue durée, qu'elle s'exprimait en termes finis et que l'expression numérique de cette durée n'a pas besoin d'emprunter une unité différente de celle qui sert aux calculs de l'humanité. Cet enseignement fut apprécié de telle sorte que buit éditions de ces livrets furent publiées, enlevées en un temps et en un pays où la foule préfère cependant disserter d'échéances plus prochaines que celles qui absorbent l'attention des géologues.

Dans un livre Science et Apologétique, qui devait être le dernier sorti de sa plume, il voulut défendre ses idées religieuses et s'opposer au prétendu antagonisme des sciences et de la religion : il établit dans ces pages vibrantes que si la vérité religieuse n'est pas susceptible d'une démonstration purement rationnelle, rien dans la science n'est en opposition avec les croyances religieuses. Il sut sauvegarder devant les incrédules l'honneur de sa religion et le fondement de sa croyance, mais en même temps il donna aux croyants une saine appréciation de l'oeuvre accomplie et des services

rendus par la science. Le petit livre est remarquable par l'étendue de l'érudition qu'il y déploie : la géométrie, la mécanique, la physique, la chimie, les sciences exactes et naturelles viennent témoigner à leur tour. C'est à elles qu'il en appelle, comme aux sources de ses idées philosophiques, et, fort de leur mutuel appui, il fournit de nouveaux arguments en faveur des causes finales et des notions de perfection et d'harmonie qui président à l'ordre du monde.

Dans l'histoire religieuse de ces dernières années le nom de de Lapparent ne fut pas mêlé seulement aux questions d'apologétique, mais aussi, et d'une façon plus personnelle encore, aux questions qui touchent à la politique et à l'économie religieuses. Au lendemain de la séparation de l'Église et de l'État, il était des 23 catholiques éminents qui adressèrent aux évêques une supplique devenue célèbre. Il écrivit aussi, pour les catholiques, un article sur le devoir de la concentration, où il les engageait à concentrer de préférence leurs efforts sur le terrain légal. Les convictions religieuses s'alliaient chez lui à la plus parfaite tolérance. « Ah ! qu'il eût aimé à voir régner partout la concorde, pour savourer amplement, à la faveur d'une paix fondée sur une mutuelle indulgence, les plus hautes jouissances de l'esprit et du coeur (1)! »

Il dut goûter une de ces jouissances, le jour où l'antique Université de Cambridge, fondée au temps de la réforme pour lutter contre l'influence des moines, et où les diplômes n'étaient donnés jusqu'en 1858 qu'après profession de fidélité à l'église anglicane, lui décerna le titre de Docteur honoraire. Son coeur dut être agité de sentiments bien divers (2), quand il vit

(1) de Lapparent : Éloge de Fuchs, ANNALES DES MINES, 1890, p. 336. (2) To day there is in my mind something that you perhaps can hardly realize » (Cambridge, Discours du récipiendaire, QUART. JOURN. GEOL. SOC., 1909, p. 162).

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